Homélie - 13ème dimanche ordinaire — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - 13ème dimanche ordinaire

Par Frère Antoine

Homélie pour le 13ème dimanche ordinaire

 

La guérison de la femme malade
La résurrection de la fille de Jaïre
(Mc 5, 21-43)


Qui d'entre nous n'a jamais prié pour la guérison d'un être cher : un frère, une sœur, un père, une mère, un enfant, un ami ? Je me souviens d'une petite qui avait à peu près, l'âge de la fille de Jaïre. Les parents l'avaient conduite chez tous les spécialistes et, en désespoir de cause, l'avaient emmenée à Lourdes pour solliciter un miracle. Cette enfant est morte à son retour peu de jours après. Lors de la préparation des funérailles, un membre de l'équipe propose de prendre l'évangile que nous venons d'entendre sur la fille de Jaïre. La maman n'a pas voulu : pourquoi Jésus a-t-il guéri la fille de Jaïre et pas la sienne ?
Ce récit évangélique qui entremêle deux miracles n'apparaît-il pas comme un conte de fée quand on se heurte à la dureté de la maladie et de la mort ? Et pourtant, l'Église continue à nous propose d'accueillir ce récit qui nous parle de la vie, de notre corps, de notre santé, de la mort, de la foi pour nous aujourd'hui.
1. "Jésus" veut dire : « Dieu sauve ». Nous avons chanté, au début de la messe : « Seigneur Jésus, envoyé par le Père pour guérir et sauver tous les hommes... ». La première phrase de la première lecture dit : « Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. » Jésus lui-même s'est présenté comme celui qui est venu « pour que tous les hommes aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jean 10, 10). Jésus a vu le spectacle indéfiniment répété de la misère humaine, des foules nombreuses qui viennent crier vers lui leur désir de vivre. Et Jésus guérit. Mais il ne vient pas faire concurrence aux médecins. Quand on est malade, il faut appeler le médecin, pas le curé... Les médecins ont fait bien des progrès depuis l'époque de Jésus, on en sait quelque chose. Mais guérir ne suffit pas. Il ne suffit pas de se lever, de marcher, de manger... C'est important, mais ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi l'évangile distingue : «guérir » et « sauver ».
2. « Ta foi t'a sauvée. » Quelle différence entre « guérir » et « sauver » ? «Guérir» c'est obtenir la suppression de la maladie et on pourrait croire que « guérir» vaudrait pour le corps et que « sauver » vaudrait pour l'âme ! Pas du tout ! Une maladie n'est jamais purement somatique, il y a la façon de la vivre. Si le salut ne s'identifie pas à la guérison, il concerne bien la même vie humaine. Nous n'avons pas deux vies séparées. Un homme ou une femme qui se marient ne changent pas de vie mais approfondissent leur vie individuelle dans leurs relations d'époux... On est sauvé quand on a trouvé notre relation avec Dieu qui agit en Jésus. Ainsi, la femme aurait pu partir, ni vue ni connue, une fois guérie. Mais Jésus interroge et elle se manifeste, elle parle, « elle dit toute la vérité », elle fait l'expérience que le Dieu absolument transcendant s'intéresse à elle, pauvre humaine malade, et la guérit par Jésus ! C'est le propre de l'amour gratuit de faire exister l'autre. Dieu nous sauve en nous faisant exister avec nos limites, comme un partenaire valable, mieux : comme un fils ou une fille ! En effet Jésus lui dit «Ma fille - ta foi t'a sauvée » parce que tu as fait l'expérience personnelle, incroyable mais vraie de la force vitale du Dieu transcendant qui agit en toi, gratuitement à cause de la confiance que tu as mise en Jésus ! Lui-même, Jésus, se tient comme à l'écart de ce miracle, « éprouvant une force qui sort de lui », force qui échappe à sa volonté, comme s'il était l'intermédiaire humain de la force divine qu'est l'Esprit agissant en lui. Il renvoie à un tiers transcendant qui agit par lui et qui n'est pas nommé. Ainsi, dans la foi, l'hémorroïsse reconnaît la puissance de Dieu en Jésus et Jésus reconnaît le travail de l'Esprit en cette femme : « Ta foi t'a sauvée ».
Est-ce qu'il nous arrive à nous de faire cette expérience ? que nous soit dit «ta foi t'a sauvé » ? cette parole de Jésus dite en son nom par exemple dans les sacrements reçus ? Au baptême, (ce n'est pas nous qui nous baptisons), si l'Église reconnaît notre foi, elle nous dit l'équivalent : « Tu es fils ou fille de Dieu ». Après le sacrement de réconciliation, le prêtre nous dit : « Va en paix» ce qui est aussi l'équivalent de « ta foi t'a sauvé » etc...

« Crois seulement ». Entre « ta foi t'a sauvée » et « crois seulement » arrive la mauvaise nouvelle de la mort de la fille de Jaïre. Inutile de déranger le Maître ! (Cf. Marthe à Jésus à propos de Lazare en Jean 11 : « Tu arrives trop tard ! »). Comme si la vie s'arrêtait avec la mort physique, comme si la mort arrêtait toute vie ! L'amour d'un couple s'arrête-t-il forcément avec la mort de l'un des deux ? D'où le mot de Jésus : « Elle n'est pas morte elle dort ». Qu'en sait-il ? Il n'est même pas encore allé voir ! Il ne s'agit pas d'un constat médical mais d'une affirmation jusque là inouïe et qu'il maintient malgré les quolibets. Jésus nous apprend une nouvelle façon de parler de la mort : comme d'un sommeil.
Ce rappel nous est bien nécessaire à nous encore aujourd'hui car ce point de foi est de plus en plus nié. Même si on l'a oublié, le mot « cimetière » porte en lui les traces de la foi chrétienne car il signifie « dortoir ». Beaucoup de gens ne se font plus enterrer au cimetière mais font disperser leurs cendres dans un jardin, sur une montagne ou dans une rivière... Jésus nous apprend à parler de la mort comme d'un sommeil et l'Apocalypse parle d'une « seconde mort », distincte de la mort physique, celle qui nous sépare de Dieu.

Une dernière remarque. Au début du récit, la foule est nombreuse et entoure Jésus au bord du lac. A la fin, Jésus se retrouve avec six personnes dans une chambre. Et il exige un secret impossible à tenir. Les parents ne peuvent tenir leur fille enfermée chez eux ! En la voyant à nouveau, les pleureuses se diront peut-être : « On s'est trompé, effectivement, elle n'était pas morte mais dans le coma ! » ou quelque chose comme ça. Ce serait ne pas comprendre l'interrogation qui reste la nôtre et qui exige la foi : notre vie est-elle limitée à se lever, marcher, manger... ? Notre mort est-elle ou non un sommeil, comme l'affirme Jésus ? En communiant dans un moment, nous toucherons nous aussi Jésus dans son corps sacramentel et nous lui dirons « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri », guéri parce que sauvé. A condition d'avoir la foi !
Frère Antoine.