Homélie 24ème dimanche — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie 24ème dimanche

Par Frère Raffaële

Homélie pour le 24ème dimanche
du Temps ordinaire - Année B

Is 50, 5-9 - Jc 2, 14-18 - Mc 8, 27-35

Pour toi, qui suis-je ?
17 septembre 2006

"Pour les gens, qui suis-je ?"
Depuis 2000 ans, la question est posée. Des réponses ont été données, nombreuses, variées... Mais ces réponses, même les meilleures, restent toujours incomplètes, le mystère de Jésus nous dépasse totalement.
"Et vous, que dites-vous ? - Pour vous, pour toi, qui suis-je ?" Voici la question importante ! Jésus continue de nous l'adresser à chacun. Et il convient de la laisser résonner longuement dans notre intelligence et dans notre coeur.
Quelle est la place de Jésus dans ma vie ? Est-ce que je le laisse dans un coin, à l'écart, pour me souvenir de lui seulement quand j'ai besoin de son secours, quand une tuile me tombe sur la tête ? Ou bien, au contraire, est-il l'ami à qui j'aime parler, me confier, mon Maître qui éclaire mon chemin par sa Parole, mon Seigneur et mon Dieu que je prie et qui me révèle le visage du Père ?
Nous avons entendu la réponse de Pierre : "Tu es le Messie". Bonne réponse. Pierre a pressenti dans cet homme, qu'il côtoie déjà depuis un certain temps, quelqu'un d'assez extraordinaire qui parle de Dieu d'une façon nouvelle, autre que celle des scribes et des docteurs de la Loi, quelqu'un qui par ses gestes transmet la guérison, la vie l'espérance.
Mais Jésus lui impose le secret. Pourquoi ? Parce qu'il ne connaît que trop toutes les ambiguïtés que ce titre de Messie véhicule pour ses contemporains. Ceux-ci se font du Messie une idée nationaliste et guerrière et attendent de lui le rétablissement de la royauté en Israël et la libération de la domination romaine. Jésus au contraire est venu pour instaurer un règne de fraternité et de paix. Il annonce que Dieu est le Père miséricordieux de tous et que les hommes sont frères, il fait bon accueil aux pécheurs et aux prostituées et ne craint pas de bousculer le légalisme dans lequel la religion de son temps risquait de s'enfoncer. Jésus sait que sa prédication et son comportement déçoivent les uns, choquent les autres, bref, l'amènent tout droit à la persécution et à la mort. Il l'explique ouvertement à ses disciples.
Voilà un langage difficile à avaler. Aujourd'hui comme hier, la croix continue d'être folie pour les païens, scandale pour les juifs. Nous-mêmes parfois, nous sommes tentés de dire à Jésus : "Mais, Seigneur, tu exagères !" Pierre, avec ses protestations est un peu notre porte-parole. Pourtant à peine se met-il à protester qu'il s'attire sur le champ l'une des plus vertes réprimandes que Jésus ait jamais prononcées. Et Jésus nous avertit : pour le suivre, il faut se renoncer, prendre sa croix, perdre sa vie. Paroles rudes. Au moins, elles ont le mérite d'être claires.
Rendre témoignage au Christ et à son Évangile peut conduire à risquer sa vie. Dans nos pays d'Occident, nous ne sommes pas affrontés à une persécution ouverte. Mais nous sommes plongés dans une culture qui prône des valeurs bien différentes de celles propres à notre foi. Il n'y a qu'à voir comment la plupart des médias caricaturent et dénigrent les positions de l'Églises, par exemple dans le domaine de l'éthique. Et dans bien des pays la persécution est tout à fait ouverte et tâche d'éliminer ou, du moins de bâillonner l'Évangile et ses témoins.
Il se peut alors que nous aussi, nous nous prenions à désirer un Messie triomphant, comme Pierre et les contemporains de Jésus. Mais le Christ ne sera triomphant qu'au dernier jour, lors de son avènement glorieux. Entre-temps, nous dit le livre de l'Apocalypse "c'est l'heure de la persécution et de la foi" (Ap 13,20), l'heure du combat et du témoignage. Mais nous ne sommes pas seuls. Comme nous le disait le prophète Isaïe dans la première lecture, "le Seigneur Dieu vient à mon secours, c'est pourquoi je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie."
L'exigence de vérité qui s'impose à nous ne doit pas nous conduire au dolorisme qui a trop longtemps assombri l'espérance chrétienne. La croix du Christ, la croix que nos prenons à sa suite n'est qu'un chemin, un passage pascal qui débouche sur la Résurrection et sur la vie. Notre foi chrétienne est une offre de bonheur, d'espérance et de joie. Au coeur de notre célébration du dimanche, c'est le Christ ressuscité qui nous rassemble. Celui qui était mort "Dieu l'a relevé d'entre les morts, nous en sommes témoins" (Ac 3, 15).
Suivre le Christ, cela ne veut pas seulement dire le suivre jusqu'à la croix, mais jusqu'en son Royaume de lumière et de joie auprès du Père. Et aussi avec son aide, et au mieux de nos pauvres forces humaines, essayer de réaliser déjà au moins un avant-goût de ce Royaume sur notre terre.