Homélie - 29ème dimanche — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Homélie - 29ème dimanche

Par Frère Patrice

Homélie pour le 29ème dimanche
du temps ordinaire - B

Is 53, 10-11 - He 4, 14-16 - Mc 10-35-45

"Accorde-nous de siéger l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire."

La demande de Jacques et de Jean pourrait surprendre, d'autant que ce sont des disciples proches de Jésus et dont on attendrait tout autre chose.
Ce qu'ils ne savent pas encore, c'est que les deux premiers qui siègeront à la droite et à la gauche de Jésus, ce seront les deux brigands mis en croix en même temps que lui et dont l'un, le Bon Larron sera canonisé.
Mais cette demande est révélatrice de notre psychologie à tous : nous cherchons tous quelle est notre place. Ce peut être le fil conducteur pour lire les évangiles :
- Mc 2,3 : Le paralysé, il n'y avait pas de place pour lui, même devant la porte.
- Lc 14, 9 : Les invités au banquet - "Cède ta place !"
- Jn 14, 2 : "Je vais aller vous préparer une place."
- Mc 9,36 : Jésus place un enfant au milieu d'eux...

C'est normal, nous vivons en société et notre place est ce qui nous situe par rapport aux autres et est le fondement de notre personnalité. Les isolés, ceux qui vivent dans l'isolement, la grande solitude, ne savent pas trouver leur place.
L'Évangile, c'est aussi un peu l'histoire de la vie en société, faite de relations humaines concrètes :
- Certains cherchent à avoir la première place au rang social ou économique (le jeune homme riche, le riche qui dédaigne le pauvre Lazare...)
- Au rang religieux ou intellectuel : "Malheur à vous Pharisiens, Scribes, Docteur de la loi !"
- Certains cherchent à se frayer une place : le paralysé ;
- D'autres découvrent qu'ils ne sont pas à leur place : Zachée ;
- D'autres enfin envient la place des autres : Marthe et Marie, Pierre demandant à Jésus : "Qu'arrivera-t-il à Jean ?" Et Jésus de lui dire : "Ta place à toi est de me suivre, celle de Jean, c'est mon problème !

Remarquez : à tous ceux-là, c'est finalement Jésus qui les interpelle et leur montre leur place.
Oui Jésus va nous indiquer notre place en nous montrant le chemin par lequel nous pouvons y arriver.

1- Pouvez-vous boire la coupe que je boirai ?
Autrement dit : êtes-vous capables de vous regarder en vérité ? C'est très dur de se regarder en toute vérité, cela nous amène à nous assumer pleinement.
Saint Augustin disait : « Dis aux hommes ce que tu es, dis à Dieu ce que tu es. Il ne t'est pas dit : "Sois moins que ce que tu es", mais reconnais ce que tu es. »
Reconnaître ce que nous sommes c'est la parabole de l'homme qui s'assied avant de bâtir sa tour, il a fait le point sur ses capacités, c'est donc qu'il a bien trouvé sa place.

 2- Remarquez que Jésus a interrogé les disciples, il a engagé le dialogue avec eux. Ce n'est que dans le dialogue que nous pouvons trouver notre vraie place. Surtout si ce dialogue est fait dans la confiance.
François Mauriac écrivait : « C'est la foi que les autres mettent en nous qui nous indique notre route. »
Relire les évangiles en s'arrêtant à chaque fois que Jésus engage un dialogue ; à l'issue de ces dialogues, les interlocuteurs trouveront toujours quelle est leur vraie place.
- "Simon, j'ai quelque chose à te dire..."
- "Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?"
Dans le même sens remarquez que la prière est un dialogue avec Dieu. Un dialogue en confiance, un dialogue au cours duquel les choses et les événements peuvent retrouver dans la paix leur vraie place et donc nous aussi par là même.

Mais Jésus va plus loin, il va toujours plus loin. Trouver sa place à la suite de Jésus implique un certain retournement de notre mentalité. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur, et il donnera sa vie pour la multitude.
Qui, d'emblée, va dire : "Oui, j'y vais, je me mets à la dernière place" ?
Personne ou presque.
Sauf si...
Sauf si le chrétien accepte de relever le défi que Jésus a lancé et qui nous est si bien tracé dans le merveilleux passage de l'épître aux Philippiens (Ph 2, 6) : "Le Christ Jésus, lui qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu, mais il s'est abaissé prenant la condition de serviteur."
Dieu, Jésus, celui que les Orientaux appellent du si beau nom de Dieu-ami-des-hommes vient se mettre au même niveau que nous. Il devient un Dieu qui n'est plus menaçant, qui installe sa tente, sa demeure parmi nous, dont la gloire ne nous aveugle plus et ne crée plus aucune crainte en nous. Un Dieu qui a fait cela par Amour. Et seul l'Amour rend capable de franchir ce cap. Car l'Amour chasse la crainte et rend libre.
Alors on comprend mieux la grande méditation de Charles de Foucauld : "Jésus a tellement voulu la dernière place que personne ne peut la lui ravir."
Oui, en prenant la plus basse place, Jésus se met ainsi à même de pouvoir rencontrer tout homme, du plus grand au plus petit.
Et à ce moment-là ce n'est plus l'homme en position sociale qui rencontre un autre homme en position sociale, c'est le coeur de l'homme qui rencontre le coeur d'un autre homme. C'est la nature humaine qui rencontre une autre nature humaine.
Jésus devient alors le frère universel qui peut ainsi rencontrer la multitude des hommes.
Le travail ans l'obscurité du coeur qui donne l'impression d'être le serviteur inutile.
Mais réjouissons-nous car à ce moment-là nous entendons Jésus nous dire : "Ce que vous avez fait au plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous l'avez fait".