Homélie Fête du Christ-Roi — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Fête du Christ-Roi

Par dom Victor 2003
Homélie pour la Solennité du Christ Roi
23 novembre 2003

I.         Ce dimanche est le 34e du temps ordinaire, le dernier de l’année liturgique. L’Eglise nous propose de contempler aujourd’hui le visage du Christ Roi de l’Univers. Si cette vision du Christ Roi est située par l’Eglise au terme de l’année liturgique c’est pour nous inviter à garder devant nos yeux cette image du Christ comme terme de notre vie mais aussi comme terme de l’histoire. Qu’est-ce à dire ? Le terme, le but d’un itinéraire est ce qui lui donne sens. Pour vous qui êtes venus ici à Tamié ce matin, depuis votre lever, cette messe était le but de votre journée : ‘aujourd’hui nous montons à Tamié’ ! Mais si nous nous demandons où va notre vie, que répondrons-nous ? Cette question, qu’on le veuille ou non, chacun se la pose. Où va ma vie ? Vers quel but je l’oriente ? La fête de ce dernier dimanche de l’année liturgique nous invite à répondre avec s.Augustin, ‘Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en toi’ ou comme st Paul « Vivre, pour moi, c’est le Christ. » (Phil. 1,21)

            Célébrer le Christ, Roi de l’Univers, étend même cette réponse à l’univers entier. Si notre monde a eu un commencement, s’il a connu toute une évolution qui se poursuit encore, il aura aussi un terme. Nous sommes bien conscients que notre univers évolue, soit vers une destruction totale, soit vers un accomplissement. Or notre foi nous dit qu’il va vers son plein accomplissement et cet accomplissement, ce sera le Christ tout en tous, l’avènement de son Royaume, de sa royauté universelle. Ce mystère est lié, vous le sentez bien, à tout le plan d’amour de Dieu pour sa création et surtout à son Incarnation en Jésus, fils de Marie, et donc fils de cette terre. Dès la création, Dieu avait en vue l’incarnation et la pleine réalisation de l’univers dans le Christ.

II.       Je lisais récemment dans un document de Rome adressé aux religieux ‘Repartir du Christ’ (au n° 21) : « C’est le Christ lui-même qui s’est rendu présent dans les communautés de ceux qui, au cours des siècles, se sont réunis en son nom, [c’est le Christ] qui leur a parlé de lui et de son Esprit, [c’est Lui] qui les a orientés vers le Père, [c’est le Christ]qui les a guidés sur les routes du monde à la rencontre de leurs frères et de leurs sœurs, [c’est le Christ enfin]qui les a fait devenir les instruments de son amour et les constructeurs du Royaume ». Ce Royaume n’est donc pas une fatalité qu’il nous faudrait attendre passivement. C’est nous qui le construisons ou plutôt c’est le Christ qui, par son Esprit qui agit en nous, le construit avec nous et par nous. Car c’est un Royaume d’amour et ce sont tous nos gestes d’amour qui l’édifient. De cela nous devons être profondément conscients.

            Parler de Royaume, c’est emprunter au langage humain une image, une parabole, pour souligner le caractère communautaire du Salut. La Bible utilise d’autres images qui complètent celle du Royaume : famille des enfants de Dieu, troupeau du Bon pasteur. Peut-être l’image de la famille nous parle-t-elle plus que celle du Royaume. C’est à nous qu’il revient de faire de notre monde, de cette mosaïque de cultures, une famille des peuples pour que disparaissent ces causes permanentes de violences et de haine que sont l’injustice, la misère, la domination ou l’exploitation, l’indifférence ou l’exclusion. Face à toutes ces injustices et ces violences, l’Esprit suscite au cœur de bien des jeunes aujourd’hui le rêve de bâtir un monde différent. Ce monde différent est déjà présent parmi nous et c’est à nous, les croyants, qu’il revient d’établir, chacun dans son immeuble, dans son village ou dans son quartier, des relations de connaissance, d’estime, d’entraide, qui fassent de nous, chrétiens, des signes de l’amour du Christ et des constructeurs de son Royaume.

III.      Au début du 3e millénaire, le Pape nous engageait à nous laisser guider par la contemplation du Christ. Il nous invitait à avoir notre regard ‘plus que jamais fixé  sur le visage du Christ Seigneur’. Pour donner sens à notre vie, il faut en fixer le but, or ce but, je vous le disais au début, n’est autre que le visage du Christ, du Christ vainqueur du Mal et de la Mort, du Christ, Roi de l’univers.

            Mais où contempler ce visage du Christ ? Pas dans notre imagination, c’est sûr !  Une prière qui n’est pas nourrie de la Parole de Dieu donne souvent libre cours à l’imagination. Et, prier un Dieu qu’on imagine, cela s’appelle de l’idolâtrie. Où rencontrer le visage du Christ pour orienter vers lui notre existence ?

            - Il existe une multiplicité de présences qu’il faut redécouvrir de manière toujours nouvelle. Le Christ est présent dans sa Parole, dans les sacrements et en particulier dans l’Eucharistie. C’est pour le rencontrer que nous nous réunissons chaque dimanche autour de ce sacrement et que nous écoutons ensemble sa Parole.

            - Il est présent dans son Eglise, c’est-à-dire dans la communauté des croyants, de ceux qui se réunissent en son nom : dans notre assemblée de ce moment, dans votre paroisse – y pensez-vous suffisamment ? -  dans les Chrétiens avec qui vous vivez ou travaillez et que peut-être vous ne cherchez pas à connaître, à rencontrer. L’Eglise est dans ces deux ou trois qui partagent la même foi et s’efforcent de partager la même prière, la même entraide, le même amour des autres. 

            - L’Église est faite de l’ensemble de ces petits groupes de chrétiens unis dans la foi et l’amour ; et le Royaume du Christ est présent dans cet ensemble des églises et des hommes vers lesquels ces églises tournent leur amour. Tout homme avec qui je tisse un lien d’amour, avec qui je partage ne serait-ce qu’un verre d’eau, une visite à l’hôpital ou en prison, est par là même associé à ce grand Règne du Christ.

            - Car le Christ est présent aussi et surtout dans les pauvres, les petits, les démunis, tous ceux qui souffrent. Et si le Christ est présent en eux, ils sont présence du Royaume. Mais si je me crois chrétien et ne me tourne pas vers eux avec amour, je m’exclus du Royaume. C’est Jésus lui-même qui nous le dit dans son Evangile : « Je ne vous connais pas, éloignez-vous loin de moi ! » Paroles terribles qui constituent avec les béatitudes le cœur même de l’Evangile.

            Voilà, Frères et Sœurs, ce que signifie cette fête du Christ Roi. Accepter de la célébrer, c’est déjà nous engager dans un vaste programme, c’est devenir les artisans de ce Royaume instauré par Jésus dans le mystère de sa Mort et de sa Résurrection.  « Tu l’as dit, je suis roi ! » Ce Roi humble et méprisé, ce Roi condamné et torturé, ce Roi abandonné de tous et cloué à une croix, est celui qui reviendra.  « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite »  nous disait la première lecture tirée du Livre de Daniel.  « Voici qu’il vient parmi les nuées, et tous les hommes le verront, même ceux qui l’ont transpercé ; et en le voyant toutes les tribus de la terre se lamenteront ! »  reprenait en écho l’Apocalypse dans la seconde lecture. Et après avoir entendu un rappel de l’Evangile de la Passion selon s.Jean, nous pourrons chanter avec la Préface : « Tu as consacré Prêtre éternel et Roi de l’univers ton Fils unique, Jésus Christ, notre Seigneur, offert en victime pour notre rédemption, pour qu’après avoir soumis à son pouvoir toutes les créatures, il remette aux mains de ta souveraine puissance un règne sans limite et sans fin : règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix. »

        Permets Seigneur qu’en partageant cette Eucharistie nous soyons, dès maintenant, par notre foi et notre amour, les témoins et les artisans de ce Royaume ! Amen.

f. Victor