Homélie - 6ème TO — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - 6ème TO

Frère Jean
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Homélie pour le 6ème dimanche
du temps ordinaire

Heureux ! - Malheureux ! (Luc 6, 17. 20-26)


Introduction

         Dans notre monde où l’image est reine, où des milliards sont offerts à la nouvelle idole qui est la publicité, dans notre monde où l'on mesure un homme à ce qu'il gagne, aux habits qu'il porte, au train de vie qu'il mène, il y a un virus particulièrement déshumanisant, c'est le virus du «paraître».
         Seigneur, par delà les apparences, donne-nous de reconnaître la grandeur de chaque être humain !

Homélie

C'est après avoir prié toute une nuit, c'est-à-dire après avoir communié au regard de son Père sur ces hommes et ces femmes qui le suivent que Jésus s'adresse à eux. Jésus appelle les 12 apôtres et dans la plaine il s'adresse à cette foule.

Les paroles de Jésus que nous venons d'entendre dans l'évangile ne sont ni des souhaits, ni des promesses, ni des malédictions. Jésus constate et affirme le bonheur ou le malheur où se trouvent, aujourd'hui, ceux qu'il interpelle.

« Heureux vous les pauvres... Malheureux vous les riches... ».

Jésus nous révèle que ce qui fait la valeur d'un homme n'est pas dans ce qu'il possède ou qu'il voudrait posséder, dans l'apparence qu'il donne ou qu'il voudrait avoir. La valeur profonde de chacun est dans ce qu'il est. La valeur de chacun est dans cet Amour dont il est aimé de Dieu et qui lui donne sa dignité d'être homme et de pouvoir aimer à son tour, comme Dieu, à l'image et ressemblance de Dieu.

Combien d'êtres humains se réfugient derrière les apparences de la richesse pour faire croire déjà à eux-mêmes qu'ils sont quelqu'un. D'autres cyniquement utilisent les paroles de Jésus pour justifier la répartition de l'humanité en riches et pauvres comme un ordre établi ! Ces paroles ne veulent pas dire non plus qu'il faut prendre son parti de situations injustes qui écrasent et détruisent l'être humain.

Quand Jésus parle ainsi, il partage la vie des foules qui le suivent, lui «qui n'a pas où reposer la tête». C'est de l'intérieur de cette vie de pauvres qu'il partage avec ces hommes et ces femmes qu'il leur dit : "Heureux vous les pauvres, le Royaume de Dieu est à vous". Le Royaume de Dieu, c'est-à-dire cette intimité d'Amour avec Dieu. Au point que Jésus dira aussi «ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites». Jésus s'identifie à ceux que ce monde écrase. Jésus, qui partage pleinement la vie de ces hommes et de ces femmes qui le suivent, leur révèle leur dignité, cette grandeur qu'ils ont en eux-mêmes et que Dieu leur communique par sa présence en eux, comme à tout être humain, racine de cette dignité.

Pour mieux se faire comprendre Jésus va ajouter : « Malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ». Il ne les maudit pas, il les plaint, non pas à cause des tracas que peuvent leur donner la gestion de leurs richesses, mais à cause de la fausse sécurité que donne la richesse ou le rêve illusoire que donne la soif de richesse. Celle-ci, en effet, donne une fausse consolation. Le véritable con-solateur est celui qui "demeure avec" celui qui est seul, Celui qui par sa présence libère de la solitude humaine. Ce mur virtuel que construit la richesse nous empêche de voir que seul l'Amour peut combler un être humain que seul celui qui est tout Amour comble tout être humain qui reconnaît sa présence en lui. 

Jésus continue : « Heureux, vous qui avez faim, maintenant, vous serez rassasiés ». Cette faim le rend capable d'accueillir celui qui vit la même détresse et partage avec lui le peu qu'ils ont, et cela les fait entrer dans l'antichambre du bonheur qu'est l'amour fraternel. Combien la solidarité entre les très pauvres souligne l'égoïsme insensé de ceux qui ne veulent pas partager. Et Jésus complète en précisant « Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim », faim de cette seule nourriture qui peut combler un être humain, cet Amour qui fait vivre et qui en toute vie humaine est présence de Celui qui est tout Amour, source de toute vie. 

« Heureux vous qui pleurez maintenant » car cette connaissance du chemin des larmes rend capable de comprendre et d'accueillir ceux qui pleurent. Ainsi, heureux vous qui n'êtes pas installés dans la fausse sécurité que donne l'abondance matérielle, le contentement égoïste de soi-même ou les honneurs humains, car vous êtes ouverts, aujourd'hui, à cette seule plénitude qui peut combler un être humain, l'Amour dont Dieu aime tout homme et dont Il veut nous aimer les uns par les autres. C'est cet Amour partagé qui peut donner à tout être humain, au plus profond de lui-même, cette force de se lever, ou de se relever, pour affronter les épreuves de la vie et être pleinement quelqu'un.