Homélie - Assomption — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Assomption

Par dom Victor
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Homélie pour la solennité
de l'Assomption
de la Très Sainte Vierge Marie

            Comment parler du mystère de l’Assomption de Marie ? Quels mots humains pourraient exprimer ce monde de Dieu qui nous dépasse ? Certainement pas le langage des sciences mais peut-être celui des poètes et des amoureux, le langage symbolique. La Bible y recourt souvent. Ainsi la Genèse lorsqu’elle évoque les origines du monde, la grandeur de l’homme, image de Dieu, la beauté du mariage, le péché et la mort. Pour nous dévoiler le sens de l’histoire, l’auteur de l’Apocalypse reprend ces symboles bibliques et nous dit : Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’Alliance apparut dans son Temple.

            Dans le ciel ouvert, le temple qui laisse apparaître l’arche de l’Alliance évoque la présence de Dieu au milieu de son Peuple. Or, Jésus s’est présenté comme le temple nouveau : détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai. Il parlait de son corps. (Jn 2, 19.21) Lors de l’Ascension, cette présence de Dieu, rendue visible en Jésus, est assumée dans la Gloire. Ce Temple est ouvert pour nous dire que Dieu est devenu accessible. Lors du baptême de Jésus les cieux se sont ouverts et au moment de sa mort le voile du Temple s’est déchiré. Le cœur du Christ en croix nous a ouvert l’accès à Dieu et son Amour nous est offert.

            Dans ce Temple ouvert, que voit Jean ? Il voit le signe de l’Alliance contractée par Dieu avec l’humanité lors de l’Exode, alliance renouvelée dans le sang de Jésus et rappelée à chaque Eucharistie. Toute l’Histoire du Salut est comme récapitulée dans ce terme d’Alliance qui est l’Amour de Dieu offert à tout homme. S. Paul nous rappelait que si notre solidarité avec le  premier homme nous conduit à la mort, une nouvelle solidarité avec le Christ par le baptême et la foi nous conduit à la résurrection et à la vie.

            A cette vision du Temple ouvert et de l’Arche d’Alliance, Jean associe un autre symbole très fort, très parlant : une Femme. Vêtue du soleil comme d’un manteau, la lune sous les pieds et les étoiles lui faisant une couronne, cette femme embrasse tout le cosmos. Mais qui est cette femme ? L’Eglise, épouse du Christ, et en elle Marie. Cette femme est enceinte et affronte le Mal personnifié par le Dragon qui voudrait anéantir le ciel et le faire tomber sur la terre. Il parvient à peine à balayer de sa queue quelques étoiles ! Ce symbole de la femme enceinte associé à celui du Temple ouvert et de l’arche d’alliance est très beau, très profond. Il nous dit que le mystère de la maternité, en Marie, est assumé dans la Gloire, qu’il est porteur de la présence divine. Quel beau signe d’espérance pour notre époque où l’on cherche à dévaloriser, à pénaliser parfois par certaines politiques familiales, ou à  instrumentaliser la maternité. Le Dragon qui se tenait devant la femme afin de dévorer l’enfant dès sa naissance n’est-il pas à l’œuvre aujourd’hui, cherchant à détruire l’enfant dans le sein de sa mère ?

            Cette femme enceinte, signe de l’Eglise tout autant que signe de Marie, nous la voyons placée par Dieu au désert, comme le fut Jésus après son baptême, pour y affronter le Dragon. Mais Dieu combat pour elle et sauve l’enfant que le Dragon voulait faire périr. Jésus est mort, certes, mais la Résurrection a manifesté le triomphe de Dieu sur le Mal et la Mort. Celui que vous avez condamné et fait mourir sur le bois, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins, proclame Pierre après la Pentecôte. Le dernier ennemi, nous disait s. Paul, c’est la mort et la mort sera vaincue. Marie au pied de la Croix  a vécu ce terrible combat ; l’Eglise le vit   aujourd’hui au désert de l’incroyance et de la persécution.

            L’Evangile nous ramène sur terre et nous montre Marie enceinte en visite chez sa cousine, enceinte elle aussi. Maternité et Visitation ne sont-ils pas deux beaux attributs féminins ? Qui dit visitation dit affection, consolation, service, mais aussi mission. Marie porte en elle le Salut, comme Madeleine portera la Joie de la Résurrection. Et le Salut partagé par ces deux femmes et l’enfant qu’elles portent en elles ouvre à la prière : c’est le Magnificat. Ce chant d’action de grâce et d’espérance, aux accents révolutionnaires, proclame le Salut de l’humanité comme le fit Myriam, sœur de Moïse, après le passage de la mer rouge, ou Anne mère du petit Samuel dont le chant inspire celui de Marie.

            Après la femme en douleurs d’enfantement, après Marie enceinte en visitation, une troisième figure s’impose à nous aujourd’hui : Marie dans la Gloire. En cette fête de l’Assomption, c’est la Pâque de l’Eglise que nous célébrons, la Pâque du Corps total du Christ inaugurée en cette femme nommée Marie. Et avec Marie la création entière anticipe déjà sa glorification.  Cette glorification, elle la doit à ce que Dieu par cette femme est entré dans notre monde. Jésus, Fils de Dieu, né d’une femme entraîne dans sa gloire toute la création. La première à être ainsi avec lui en son humanité est Marie, la toute sainte, l’immaculée, figure de l’Eglise. Mère de Dieu, elle est devenue notre mère quand Jésus mourant lui a confié le disciple très aimé : Femme, voici ton fils…et à chacun de nous, ses disciples, il dit voici ta mère (Jn 19, 26-27)

            Je termine par cette antienne que nous chantons tous les jours : Elle est bénie de Dieu la femme qui met au monde Jésus le premier-né, tout homme la proclame heureuse en son humilité.