Homélies de Noël — Abbaye de Tamié

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Homélies de Noël

Par Père Abbé dom Victor

Homélies pour la solennité de Noël

Messe de Minuit

Après avoir écouté cette page d'évangile et après toutes les lectures de cette nuit de veille, une prière semblable à celle de Jésus lui-même monte de nos coeurs. Un jour, Jésus s'émerveille et prie ainsi : Je te bénis, Père, tu as caché cela aux sages et aux intelligents et tu l'as révélé aux tout-petits. Aujourd'hui, en contemplant la crèche, nous aussi nous disons avec émerveillement : Tu as caché cela aux sages et aux puissants, à Hérode et son entourage de prêtres et de savants. Et tu l'as révélé aux tout petits, à ces bergers méprisés qui ne pratiquent pas la Loi.

Sommes-nous, frères et soeurs, de ces petits, de ces humbles de coeur à qui Dieu peut dévoiler son mystère ? Heureux les coeurs purs, ils verront Dieu ! Seul un coeur pauvre et non encombré sait reconnaître un geste d'amour vrai. Car l'amour est toujours discret, il se cache, il fuit le tapage et la publicité ; il se présente comme plus pauvre que celui qu'il veut aider. Donne-moi à boire ! demande Jésus fatigué, sur le bord du puits. Aujourd'hui Dieu se présente à notre humanité non avec puissance mais en infans, c'est-à-dire qui ne peut parler. Il vient comme un étranger qui n'est pas accueilli et doit trouver abri dans une grotte de bergers, là où ils aident parfois une brebis à mettre bas. Mais aujourd'hui en place d'agneau, c'est un bébé qu'ils découvrent. Ils n'ont rien à lui offrir sinon le message céleste de paix et de joie qu'ils ont reçu. Leurs yeux brillent encore de la lumière dont ils sont les témoins et comme les femmes au matin de la résurrection ils sont les premiers messagers de cette nouvelle inouïe dont ils ne saisissent pas tout le sens. Dieu s'est fait l'un de nous, il est l'agneau qui porte sur lui toute leur misère. Ils comprennent soudain qu'ils sont aimés de Dieu, qu'ils ont été choisis par Dieu. Oui, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres.

Ouvrons les yeux de notre coeur à cette lumière qui vient du Père des lumières. Car seule une lumière de grâce peut nous faire percevoir le sens caché des mystères dont chacune de nos vies est remplie. Notre vie est mystère. Tout visage porte en lui un mystère : celui de sa ressemblance avec Dieu et surtout le mystère de sa relation secrète avec Dieu. Seule cette lumière venue de Dieu nous permet de l'entrevoir et à cette lumière les évènements joyeux ou douloureux de nos vies deviennent mystères lumineux et glorieux.

Cette lumière ne supprime pas le scandale de la croix, le scandale de la haine et de la violence, le scandale de la mort. Elle le traverse, elle déchire le voile de l'absurde, elle fait tomber les murs de la haine... L'Eucharistie nous rappelle que la lumière de Noël est déjà une lumière pascale. Demain, on cherchera à faire périr l'enfant et il devra fuir comme ces milliers de déplacés au Darfour, en Irak, au Liban et en Palestine... Il fait nuit comme au soir du Jeudi Saint, mais cette lumière et ces anges nous disent déjà le triomphe de l'amour sur le péché et sur la mort.

Et cette lumière, frères et soeurs, nous en vivons dans notre liturgie. Elle nous vient de la Parole de Dieu entendue, de la Présence du Christ ressuscité au milieu de nous, de cette grâce que Dieu nous fait de nous aimer les uns les autres et de pouvoir nous donner sa Paix. C'est ma paix que je vous donne, que je vous confie... Oui, frères et soeurs, la paix de Dieu soit avec vous tous!

Messe du Jour de Noël 2006.

Cette nuit, nous avons contemplé un bébé emmailloté... Chaque naissance n'est-elle pas un miracle inouï, un don de Dieu ? Ce matin, S. Jean nous révèle que cet enfant est le Verbe de Dieu, sa Parole, la pleine Révélation de son Amour pour nous. Créé à l'image et ressemblance de Dieu, l'homme est si grand que, malgré le péché, cette grandeur demeure. Et aujourd'hui Dieu réalise le dessein qu'il avait prévu de toute éternité, celui de partager la vie des hommes pour leur permettre de partager sa propre vie divine. Nous nous trouvons là devant un grand mystère d'amour qui nous dépasse ! Si Dieu est né d'une femme c'est pour nous permettre de naître à sa vie et pour appeler tous les hommes à devenir ses fils dans le Fils unique.

Depuis toujours l'homme aspire à devenir dieu mais sans Dieu. Ce fut sa première tentation : vous serez comme des dieux. C'est pour assouvir cette soif d'infini qu'on le voit courir après le pouvoir, chercher à accumuler des richesses, vouloir décider ce qui est bien et ce qui est mal sans se référer à Dieu. Il n'a pas encore compris que goûter à l'arbre de la connaissance du bien et du mal en méprisant la loi de Dieu le conduit à la mort. Jean-Paul II dénonçait avec vigueur cette culture de mort de notre société.

Si le Verbe, la Parole, s'est fait homme c'est pour nous dire qui est Dieu pour l'homme et qui est l'homme pour Dieu. Dieu, personne ne l'a jamais vu le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui l'a fait connaître. Autrement dit, en Jésus, Dieu nous révèle son projet pour l'homme et avec l'homme. Ce projet est un projet d'amour. C'est l'Esprit d'amour qui planait sur le chaos primitif à la création. C'est ce même Esprit d'Amour qui couvre Marie de son ombre à l'Annonciation. A la Pentecôte c'est l'Esprit qui donne naissance à l'Église et la fait vivre de sa grâce. Ainsi, depuis la création se déroule dans l'histoire, dans mon histoire, un plan dans lequel Dieu et l'homme sont associés par une Alliance d'amour. Et ce plan, caché depuis les siècles, se manifeste en pleine lumière dans la personne de Jésus.

Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Comment cet homme, cet enfant qu'est Jésus reflète-t-il la gloire du Père ? Demandez aux bergers : ils l'ont compris ! Comme pour les disciples d'Emmaüs, nos yeux sont empêchés de voir et de reconnaître cet amour de Dieu pour nous. Nous avons besoin d'une lumière spéciale, un don de Dieu, qui s'appelle la foi. Illuminés par la foi nous découvrirons sur le visage du Christ combien Dieu nous aime : telle est sa gloire.

En naissant d'une femme, nommée Marie, en ayant tout à apprendre, tout à recevoir de ses parents, Dieu n'a pas fait semblant. L'amour ne sait pas tricher ni faire semblant. Dieu s'est tellement identifié à l'homme que tout homme nous rappelle Dieu. On peut dire que, depuis Noël, Dieu et l'homme c'est tout un, aimer Dieu c'est aimer l'homme, toucher à l'homme c'est toucher à Dieu. Sur tout visage transparaît l'image et la ressemblance divine. A son image et à sa ressemblance il les créa, homme et femme il les créa : une altérité appelée à s'unir dans l'amour pour ne faire qu'un comme lui, Dieu est un dans la communion et l'altérité des trois personnes. Ainsi le mystère de Noël n'est pas loin de nous, il est au coeur de nos vies. Si Dieu s'est fait chair, c'est à la fois pour nous dire qui est Dieu et qui est l'homme.

Noël déjà annonce la Croix, cette folie de l'amour qui nous montre jusqu'où Dieu nous aime et jusqu'où nous sommes appelés à aimer. Ayant aimé les siens, il les aima jusqu'au bout ! L'homme dans son péché cherche à supprimer Dieu et pour cela à nier l'amour. Mais si on peut détruire l'image de Dieu qu'est l'homme, on ne peut tuer la présence de Dieu dans cette image. Maximilien Kolbe ou Etty Hillesum l'ont bien compris : dans les camps de concentration, dans ces enfers créés par les hommes, ils ont réussi à faire triompher l'amour.

II est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à ceux qui l'ont reçu il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu. Voilà le chemin de vie que nous trace Noël : devenir enfants de Dieu et pour cela devenir frères et soeurs dans le Christ. C'est le chemin de toute sainteté, le chemin de la vraie joie, de la vraie vie. Heureux qui met sa joie dans le Seigneur et marche dans ce chemin que nous ouvre Jésus aujourd'hui. Avec le Christ et comme lui chacun de nous est appelé à aimer pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés... Que tous soient Un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu'ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m'as envoyé ; et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient Un comme nous sommes Un... et qu'ainsi le monde puisse connaître que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé. Tel est le message de Noël, tel est le chemin de vie où nous sommes invités.