Homélies - Nativité du Seigneur — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélies - Nativité du Seigneur

Par Père Abbé

Homélies -
La Nativité du Seigneur Jésus

Nuit de la Nativité      
 Messe du jour

La liturgie de cette nuit retentit de trois mots porteurs de symboles : lumière - joie - paix. Cette célébration en pleine nuit renforce encore le symbole de la lumière qui dissipe les ténèbres. Au commencement de la création, il n’y avait que chaos et ténèbres et Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Et Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière et les ténèbres. Dieu appela la lumière jour et la ténèbre, il l’appela nuit, ce fut le premier jour (Gen 1,1-5). Tout a donc commencé avec la lumière.

            Quelle est la nouvelle lumière apportée par Noël dont nos illuminations sont une bien pâle évocation ? Les mots manquent pour exprimer une réalité aussi inouïe. Nous sommes devant un mystère qu’un silence d’adoration exprime mieux que des discours. A moins que ce discours soit céleste comme celui qu’ont entendu les bergers. Dans la nuit, ils voient une grande lumière et entendent un message étonnant : ne craignez pas car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.

            Quoi de plus humain, de plus banal, qu’un bébé qu’une femme pauvre vient de mettre au monde dans une étable ? Mais ce bébé est le signe d’un mystère que nous n’aurons jamais fini de méditer. La Parole de Dieu qui nous a été lue, la liturgie que nous célébrons, nous le laissent entrevoir. Dans cette naissance, en effet, débute une nouvelle création. Notre humanité, en Marie, vient d’enfanter Dieu. Dieu s’est fait homme. Si à Bethléem est né autrefois le roi David, aujourd’hui, à Bethléem - dont le nom signifie Maison du pain -  naît l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la vérité. Sur lui, un jour, la voix du Père se fera entendre : Voici mon fils bien-aimé, écoutez-le.

            Avec cet enfant né de Marie, une grande lumière apparaît, celle de la Gloire de Dieu qui prend visage humain. La grandeur et la beauté de l’Univers sont déjà un reflet de cette Gloire. Avec Abraham et Moïse Dieu a pénétré de sa Gloire l’histoire des hommes. Il s’est choisi un peuple avec qui il a contracté Alliance, une Alliance perpétuelle. A Noël enfin, cette Gloire apparaît sur le visage humain d’un bébé né de Marie, fille d’Israël. Désormais, nous pouvons discerner cette Gloire de Dieu sur tout visage : celui d’un enfant, d’un pauvre, d’un malade, d’un prisonnier, d’un marginal, sur tout visage même défiguré par le péché. En prenant visage humain Dieu revêt l’homme d’une grandeur nouvelle. Toute personne humaine devient reflet de son amour.

            Cette lumière venue d’en haut, ni Hérode, ni les grands prêtres n’ont voulu la reconnaître alors qu’elle se manifestait déjà dans la Loi et les prophètes ainsi que dans l’étoile mystérieuse des Mages. Et nous-mêmes, serons-nous comme les disciples d’Emmaüs dont il est dit : leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ? (Lc 24, 16) Leurs yeux toutefois se sont ouverts au signe de  la fraction du pain, rappel de l’Eucharistie. En sera-t-il de même pour nous au cours de cette messe ?

            Le peuple qui marchait dans les ténèbres, nous disait Isaïe, a vu se lever une grande lumière…une lumière a resplendi. Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie. Cette joie de ceux qui se savent sauvés porte en elle la liberté et la paix.        

            En effet, Isaïe poursuit : car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés, comme au jour de la victoire…Toutes les chaussures des soldats…tous les manteaux couverts de sang, les voilà brûlés…Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers. Mais où est donc cette paix hier comme aujourd’hui ? Que nos regards se portent vers l’Afrique, vers l’Irak, vers la Palestine, partout ce n’est que violences et bruit de guerre. Les promesses de Dieu seraient-elles vaines ? Où est la paix promise ?

            Comprenons-le bien : la paix nous a été donnée mais elle est un cadeau précieux et fragile confié aux hommes que Dieu aime. Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. Que faisons-nous de ce cadeau divin, le cadeau de son amour livré ? Acceptons-nous dans notre cœur la paix du pardon reçu et du pardon donné ? Pardonne-nous comme nous pardonnons. Jésus dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Il nous invite à devenir avec son Esprit des artisans de paix. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. Etre artisans de paix c’est construire la paix là où nous sommes. En contemplant l’amour que Dieu nous manifeste dans l’enfant de la crèche, dans son Fils en croix, dans son Corps donné en nourriture, sommes-nous décidés à devenir ces artisans de la paix dans notre famille ou notre communauté de vie, dans l’Eglise, dans notre pays et entre les peuples ? Travaillons-nous pour une mondialisation de la paix ? C’est alors vraiment que nous célèbrerons Noël et que nous pourrons être appelés fils de Dieu.  

 

Que Marie, elle qui a cru,
ouvre nos yeux à la lumière de sa maternité !

Que Marie mette en nos cœurs la joie apportée au monde
par la naissance mystérieuse de Dieu parmi nous!

Que Marie fasse de nous des bâtisseurs de paix,
une paix fondée sur le pardon, la justice et la fraternité !

    

Cette nuit, nous avons célébré la lumière qui brille dans nos ténèbres. Ce matin, la liturgie nous invite à contempler le Mystère de la Parole qui s’adresse à nous dans le silence, non un silence vide, mais celui d’un enfant qui s’éveillera au langage dans une famille humaine pauvre mais riche d’amour. Il pourra nous dire en langage humain compréhensible que Dieu est Père, Fils et Esprit, que Dieu est Parole et Amour.

            L’œuvre de création a débuté par la lumière, disions-nous cette nuit.  Dieu dit : « Que la lumière soit ! » et la lumière fut… Premier jour. Mais avant la lumière, il y a cette parole mystérieuse : Dieu dit. Oui, Dieu parle. A qui peut-il parler puisque n’existe encore aucune créature capable d’entendre et de répondre ? Dieu se dit de toute éternité en son Fils qui est Parole dans cette Communion d’Amour du Père et du Fils qu’est l’Esprit. Notre langage balbutie… mais ce balbutiement nous vient de la Bible ; porté par l’Esprit Saint, il est donc le langage le plus proche de la réalité indicible de Dieu. Il reprend les mots mêmes utilisés par Jésus : Je suis dans le Père et le Père est en moi. Qui me voit, voit le Père. (Jn 14, 9-10)

            C’est ce Mystère de Dieu Parole, de Dieu qui se dit en se livrant dans l’Amour, que Jean nous invite à contempler ce matin : Au commencement était la Parole et par cette Parole tout a été fait. Tout ce qui existe s’inscrit dès le début dans un dialogue d’amour ou plutôt dans une Parole d’amour qui attend une réponse libre pour devenir dialogue d’amour.

            Le Pape Benoît XVI le disait à l’ouverture du Synode sur la Parole de Dieu qui s’est tenu à Rome en octobre et qui a rassemblé 250 évêques du monde entier, des laïcs, hommes et femmes et des représentants des différentes églises chrétiennes, dont le Patriarche Bartholomée de Constantinople. Ce fut un grand évènement d’Eglise. Or, Benoît XVI disait : Tout est créé de la Parole et tout est appelé à servir la Parole. Cela veut dire que toute la création, à la fin, est pensée pour créer le lieu de la rencontre entre Dieu et sa créature, un lieu où l'amour de la créature répond à l'amour divin, un lieu dans lequel se développe l'histoire de l'amour entre Dieu et sa créature.

            Pour susciter cette réponse libre, souvent dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées nous disait l’auteur de la lettre aux Hébreux. Sous des formes fragmentaires afin que l’homme soit capable de déchiffrer ce langage de Dieu sans en être écrasé. Car, si personne ne peut voir Dieu sans mourir, personne ne peut non plus l’entendre sans périr. Mais l’Esprit de Dieu vient en aide à notre faiblesse et tout homme peut entendre en son cœur, sous une forme ou une autre, de façon fragmentaire et variée, cette Parole qui l’invite à aimer.

            Dieu s’est aussi choisi un peuple avec sa culture, un peuple de nomades, pour inscrire sa Parole dans notre histoire. Marie, fille de ce peuple, dans son  Magnificat chante son émerveillement devant cette grâce d’avoir été elle aussi choisie par Dieu. Car, en ces temps qui sont les derniers, Dieu a proposé à Marie de devenir mère de sa Parole, mère du Verbe. En elle, par l’Esprit Saint, Dieu est devenu fils d’homme. Telle est la grande nouveauté de Noël, la nouveauté définitive qui n’aura plus de dépassement. En ce Fils né de Marie, Dieu nous dit tout ce qu’il peut nous dire puisqu’en lui il nous livre tout son amour. S. Jean de la Croix dira avec fermeté : en son Fils Dieu nous a tout dit, nous n’avons plus à chercher d’autre révélation en dehors de Lui.

            Cette Parole, il nous faut non seulement l’entendre et la méditer mais nous sommes invités, comme s. Jean,  à entrer dans cette Parole. Benoît XVI le rappelait : En entrant dans la Parole de Dieu, disait-il, nous entrons réellement dans l'univers divin. Nous sortons de l'étroitesse de nos expériences et entrons dans la réalité qui est vraiment universelle. En entrant dans la communion avec la Parole de Dieu, nous entrons dans la communion de l'Église qui vit la Parole de Dieu….Et nous nous trouvons ainsi dans la communion de toute l'humanité, puisque dans notre cœur à tous se cache le désir de la Parole de Dieu qui est une. Autrement dit, dans la Parole de Dieu, non seulement nous approchons Dieu mais nous rejoignons tous les hommes, tous créés pour devenir auditeurs de cette Parole.

            Cette liturgie du matin de Noël nous fait ainsi entrer plus avant dans le mystère. Nous ne sommes plus devant la grotte avec les bergers mais nous communions au cœur de Marie, contemplant cette Parole venue habiter en elle et qui se trouve aujourd’hui contenue dans cet enfant fragile et silencieux. Elle pressent déjà qu’elle devra elle aussi entrer librement dans ce don de Dieu qui se livre aux hommes. Marie conservait tous ces évènements dans son cœur. (Lc 2, 51)

            Dieu est amour. S’il nous parle, c’est en se donnant totalement à nous : ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout. C’est ce que nous allons rappeler et célébrer maintenant dans cette Eucharistie.