Homélie - 13 TO — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - 13 TO

Par Mgr Jean-Claude Bouchard

croix - arcabasHomélie
pour le 13ème dimanche du temps ordinaire - B

Mgr Jean-Claude Bouchard, évêque de Pala au Tchad, préside notre eucharistie

Chers Frères et Soeurs,

Je voudrais partager avec vous quelque chose de ma méditation de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre et de mon travail comme évêque missionnaire au Tchad.

I- L’Évangile

1 - « Ma petite fille est à toute extrémité, viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ! » dit Jaïre à Jésus. - « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée » se dit la femme.

Les mots importants dans ces paroles de Jaïre et de la femme sont les mots sauvée et vivre. Si on vient à Jésus, c’est pour être sauvé et pour vivre. La femme est dans la détresse à cause de sa maladie, elle a tout essayé pour guérir, mais en vain. Jaïre se trouve devant la menace la plus grave qui soit ; la mort et la mort de sa petite fille qu’il aime.

Ce double récit nous enseigne d’abord que pour venir vraiment à Jésus il faut ressentir profondément dans sa chair, dans son coeur, le besoin de lui. Qui ne ressent pas un jour ou l’autre le besoin de sortir d’une situation de détresse quelle qu’elle soit, le besoin de vivre plus ou autrement ? Mais le problème c’est qu’on cherche la vie là où elle n’est pas vraiment, dans les choses qui ne peuvent satisfaire le coeur.

À ce besoin de Jésuss’ajoute la foi ou la confiance en lui : « Viens lui imposer les mains ! » - « Si je parviens à toucher seulement son vêtement... » La foi est un don de Dieu mais pour l’obtenir, il faut la désirer, la chercher.

On peut maintenant se poser la question : Est-ce que l’Évangile, c'est-à-dire la Bonne Nouvelle de Jésus, ou encore Jésus lui-même, a encore quelque chose à dire aux hommes d’aujourd’hui, à notre monde, pourtant si plein de désarroi et de détresse, d’injustice, de violence ? C’est là tout l’enjeu de l’annonce de l’Évangile, donc de la mission.

2- C’est un fait qu’on ne voit pas bien aujourd’hui l’utilité de l’Évangile et donc la nécessité de l’annoncer, ici dans nos pays développés ou en Afrique. Pourquoi ? Je ne sais pas.

D’autres limitent l’Évangile et le travail de l’Église en mission à sa dimension sociale. Oui, l’Évangile a une vocation sociale, on vient de le voir. Jaïre et la femme étaient des personnes qui avaient besoin de secours. Mais la Bonne Nouvelle de l’Évangile ne se limite pas au social. Et le social n’est pas non plus réservé à l’Église. Beaucoup d’institutions et d’organismes en font. Il y a d’ailleurs une inflation d’ONG actuellement. Beaucoup vivent grâce aux souffrances et à la pauvreté des autres !

Quand Jésus dit à la femme : « Ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix ! » et quand il dit à Jaïre : « Ne crains pas, crois seulement ! » il s’agit du salut éternel et pas seulement de la guérison du corps, et la foi demandée à Jaïre est un acte qui transforme toute la personne.

3- L’Église au Tchad veut être fidèle à ces deux aspects de l’évangélisation :
- D’un côté annoncer un Évangile concret qui soit témoignage de la Bonne Nouvelle et qui réponde aux besoins des personnes et de la société. Cela veut dire ne pas se limiter à une foi abstraite, détachée des réalités terrestres et qui consisterait seulement en la pratique religieuse.
- D’un autre côté oser proposer la Bonne Nouvelle dans toute sa profondeur, centrée sur la personne du Christ qui a donné sa vie pour le salut du monde et qui veut faire des hommes et des peuples ses disciples.

Voici deux exemples d’engagement de l’Église au Tchad qui nous semblent prioritaires aujourd’hui pour être témoins de l’Évangile :
a- L’engagement pour les malades du sida. L’Église a toujours jugé prioritaire le soin des malades. Elle l’a fait avec les dispensaires et les hôpitaux, mais la terrible maladie du sida, à laquelle on risque de s’habituer si on n’y prend garde, oblige l’Église à un effort encore plus grand, plus délicat, mais plus évangélique aussi.
Non seulement il faut soigner les malades, le sida lui-même avec les ARV et les maladies qu’on appelle opportunistes et qui s’ajoutent au sida, mais il faut aussi accompagner les malades, soigner leur coeur, si on peut dire ainsi.
Imaginez une jeune fille, un jeune homme, une jeune mère de famille, un jeune père de famille qui découvrent qu’ils sont séropositifs. N’ont-ils pas besoin de soutien et de consolation ? Et pour ceux et celles qui ont été pris  trop tard, ne faut-il pas les accompagner à la mort, dans des conditions parfois terribles ?

Ce qu’il faut faire aussi c’est lutter contre une conviction répandue que le sida est une « maladie de Dieu ». Ce qui fait que les malades risquent de s’exclure eux-mêmes ou de se faire exclure de la famille, de la société. Comme Jésus à l’égard de la lèpre, qui rendait impur aux yeux de la société et de la religion juives, il faut lutter pour changer les mentalités et du malade et de la société.

b- Un autre engagement prioritaire de l’Église au Tchad c’est de construire une société où il y ait plus de justice et de paix. C’est d’ailleurs le but de la Bonne Nouvelle selon l’Écriture : construire un royaume de justice, de paix, d’amour qui est aussi le thème du prochain synode des évêques pour l’Afrique qui se tiendra à Rome en octobre : « L’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix » (Cf. le site).
L’instrument de l’Église pour ce travail ce sont les commissions Justice et Paix qui existent dans les paroisses, les diocèses et au niveau national. Mais il n’est pas besoin de vous dire que ce n’est pas un travail facile ; les intérêts en jeu sont grands, et la peur est là présente. Dénoncer l’injustice est toujours dangereux, mais saint Paul nous dit que l’Évangile est « puissance de Dieu » (Rm 1, 16).

II- Je termine par quelques mots sur la lettre au Corinthiens. J’avais pensé la laisser mais elle est d’actualité. L’apôtre parle d’une collecte qu’il a organisée dans les différentes Églises en pays païen pour aider les chrétiens juifs de Jérusalem, qui souffraient de la famine. Vous voyez que l’entraide entre Églises ne date pas d’aujourd’hui, ni la famine d’ailleurs. Ce qu’il me semble important de souligner dans ce texte c’est que saint Paul présente cette entraide comme quelque chose de normal pour un chrétien et non quelque chose d’extraordinaire. Pourquoi ?
- D’abord il présente l’exemple de la générosité du Christ Jésus qui « de riche qu’il était s’est fait pauvre ». Cela veut dire que de Dieu qu’il était, il s’est fait homme. Et en donnant sa vie pour nous, il nous a tout donné.
- Ensuite Paul dit aux Corinthiens qu’eux-mêmes ont beaucoup reçu et qu’il est normal qu’ils donnent généreusement. Cela a été coupé dans la lecture, mais il leur présente pour les défier, l’exemple des chrétiens de Macédoine qui sont très généreux.
- Ce qui est à souligner aussi c’est que Paul ne fait pas de distinction entre  les dons spirituels et les dons matériels. En effet, les dons qu’il énumère, que les Corinthiens ont reçus, sont des dons spirituels, surtout la Parole de Dieu et la foi, et il leur demande de rendre par de l’aide matérielle. Ce qui veut dire que la charité, l’amour, ne fait pas de distinction entre le matériel et le spirituel. Les Églises d’Afrique ont beaucoup profité de l’aide des anciennes Églises en personnel et en aide matérielle, mais cela est peut-être en train de changer, du moins au plan du personnel : l'envoi deprêtres par exemple. Comme le dit saint Paul : « Ce que vous avez en trop compensera pour ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils ont en trop compense ce que vous aurez en moins ».

Frères et Soeurs, remercions le Seigneur pour sa Parole. Remercions-le pour la fraternité qui existe dans l’Église. Remercions-le pour cette célébration aujourd’hui dans cette abbaye où malgré nos différences nous sommes tous frères et soeurs.

Que cela nous aide à construire un monde plus fraternel. Amen

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Site du diocèse de Pala : http://www.diocesedepala.com/

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