Homélie - TO 2 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - TO 2

Frère Marco
croix - arcabas
Homélie pour le 2ème dimanche
du temps ordinaire - A

Homélie

Après le temps de Noël et la fête du Baptême du Seigneur nous voici entrés dans le temps ordinaire, où nous sommes invités personnellement et en tant que communauté chrétienne à approfondir dimanche après dimanche le mystère de notre Foi.

Pour nous y aider l’Évangile que nous venons d’entendre nous a livré le témoignage de Jean-Baptiste, sur Jésus d’après l’Évangile de Jean. : « Voyant Jésus venir vers lui, il dit : "Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde [...]. C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint [...]. Oui, j’ai vu, je rends témoignage, c’est lui le Fils de Dieu !" »

« Voici l’Agneau de Dieu. » Cet appel de Jean-Baptiste retentit à nouveau dans chaque eucharistie. Cette phrase est prononcée par le prêtre qui présente le pain et le vin devenus, sous l’action de l’Esprit Saint, corps et sang de Jésus Christ. Elle appelle alors une magnifique profession de foi des fidèles : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri. »

Jean-Baptiste est pour nous, aujourd’hui, le modèle du témoin de Dieu contemplé en la personne de Jésus. Modèle du témoin privilégié de Dieu, Jean-Baptiste l’est d’abord parce qu’il a été comme ébloui par le mystère de Jésus Fils de Dieu. Et pourtant, avant cela le Baptiste avoue son ignorance: « Je ne connaissais pas encore Jésus. »

Sans doute, Jean-Baptiste se faisait, comme ses contemporains, une autre idée du Messie. Il attendait sans doute un Dieu qui viendrait de façon plus spectaculaire, avec plus de puissance et d’éclat. Et voici que Jésus vient au Jourdain pour se faire baptiser, il se met au rang des pécheurs comme le dernier des derniers. On comprend facilement l’étonnement, voire le doute de Jean.

Mais aujourd’hui, tout semble changé. Au désert, ses yeux et son coeur se sont purifiés et surtout l’Esprit Saint est descendu sur lui et sur Jésus pour lui permettre de voir, au-delà des apparences, l’identité profonde du Christ. Dans le visage si humain de Jésus, Jean a entrevu le Verbe de Dieu depuis toujours dans le sein du Père. Alors après l’étonnement, voici le cri de foi et d’amour. Devant tous, il témoigne : « C’est lui le Fils de Dieu ! »

Nous aussi, avouons-le, nous avons bien du mal à connaître vraiment Jésus. Devant les événements déroutants de nos vies et du monde, quand Dieu semble silencieux, voire absent, comment confesser que Jésus est le Fils de Dieu ?

Il nous faut, comme Jean-Baptiste, consentir à passer par certains déserts, nous arracher à nos sagesses trop humaines pour nous laisser conduire plus loin, beaucoup plus loin par l’Esprit, jusqu’au coeur de Dieu. Si nous voulons être ces témoins de Jésus que le monde attend, nous devrons, comme Jean-Baptiste, être des hommes et des femmes au regard profond, des contemplatifs capables de regarder le Seigneur avec « les yeux illuminés du coeur ».

Alors, touchés, profondément touchés par le mystère de Jésus, vraiment Fils de Dieu, nous pourrons, comme lui, être au coeur de notre monde, les témoins de sa miséricorde étonnante à l’égard de tous les hommes sans exception.

Si Jean-Baptiste s’émerveille de voir Jésus venir se faire baptiser au Jourdain et se mettre au rang des pécheurs, c’est qu’il voit Dieu lui-même s’approcher de toutes nos blessures du corps et de l’âme, de tout ce qui défigure l’image de Dieu en nous, non pour juger ni non plus pour nous excuser, mais pour enlever ce qui nous rend captifs, pour nous rendre notre dignité, notre beauté de fils de Dieu.

C’est le sens profond du témoignage de Jean sur Jésus : non seulement il voit en Lui « celui qui ôte le péché du monde », mais « celui qui nous baptise dans l’Esprit Saint ». C’est dire que quels que soient nos déchéances ou nos échecs, le Christ est capable de nous recréer de l’intérieur, de nous communiquer son Esprit qui nous rend capables, en toute situation, d’oser dire : « Père ». Celui aussi qui, par le même Esprit, nous permet, malgré nos pauvres limites, d’aimer nos proches comme des frères, avec l’amour même du coeur de Dieu.

Ce qui est vrai du regard sur nous-mêmes et sur nos proches doit devenir vrai de notre regard sur notre monde dans lequel Dieu nous veut et nous aime. Depuis l’Incarnation, depuis Noël en effet, en Jésus, Dieu est devenu la « lumière du monde » comme nous l’a dit dans la 1ère lecture le prophète Isaïe.

Ainsi, être témoins de la miséricorde comme Jean-Baptiste, c’est, grâce à l’Esprit qui nous investit tous, apprendre à porter sur notre monde tel qu’il est, non un regard pessimiste, désabusé, mais un regard, certes lucide, mais un regard rempli d’espérance.

C’est apprendre à découvrir dans les ombres du monde, dans les ombres de notre propre coeur avec ses horreurs et ses atrocités, mais aussi avec ses gestes moins médiatiques de générosité, de solidarité, de don de soi, les traces lumineuses de la présence de Dieu et la certitude du triomphe de son amour.

Permettez-moi de vous partager le témoignage d’un homme que j’ai rencontré ces jours-ci.

«Un jour, me dit-il pendant la pause de midi je partageais le repas avec un collègue qui aime souvent se moquer des chrétiens, il me dit : « Paul, peux-tu m’expliquer comment Jésus a fait pour changer l’eau en vin ? » Et moi de répondre... « Écoute ! Je ne peux pas t’expliquer comment il a fait pour changer l’eau en vin, mais je sais qu’il y a une dizaine d’années, j’étais un alcoolique détestable, violent avec ma femme et mes enfants, je dépensais plus de la moitié de mon salaire en boisson et ma famille n’avait pas assez pour vivre. Un ami m’a aidé et il m’a parlé de Jésus. Petit à petit, je suis devenu un travailleur honnête et pacifique et un bon père de famille aimant et chaleureux. Je ne peux pas t’expliquer comment Jésus a changé l’eau en vin, mais je peux te dire comment il a changé l’alcoolique que j’étais en bon père de famille. 

Pour moi, oui, Jésus a vraiment été «1 ‘agneau de Dieu, qui enlève le péché du inonde», l’agneau de Dieu qui a enlevé mon péché à moi !