Homélies - Pâques — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélies - Pâques

Par dom Victor

Homélie pour le jour de Pâques

Homélie

Il vit et il crut. Dans ces deux mots, tout est dit du mystère pascal, de l’incarnation et de la résurrection. Il vit et il crut. Tout l’évangile selon saint Jean peut se résumer en ces seuls mots. Dès le Prologue, Jean nous dit : le Verbe s’est fait chair et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu’il tient de son Père. (1,14) Devant Jésus mort en croix il confesse : celui qui a vu a rendu témoignage et son témoignage est conforme à la vérité, afin que vous aussi vous croyiez. (19,35) De nouveau, dans sa première lettre, il redira : ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous en rendons témoignage (1Jn 1,1-2)

         Jean n’est pourtant pas un visionnaire comme le fut le prophète Ezéchiel, il ne fonde pas sa foi non plus sur les apparitions du Christ, il croit avant même d’avoir rencontré Jésus ressuscité au bord du lac. Que met donc saint Jean sous ce mot voir qui revient si souvent dans ses écrits ? Non pas des preuves, des évidences, mais le mystère d’une présence, la présence de quelqu’un qu’il a connu et dont il a partagé l’amitié – il est celui que Jésus aimait. Dès sa première rencontre avec Jésus il vit où il demeurait et avec André ils demeurèrent avec lui ce jour-là, il était environ seize heures. (1,39) Le verbe demeurer reviendra souvent aussi dans son évangile. Ce verbe exprime une intimité dans la durée et la fidélité. Le soir du Jeudi Saint, Jean était tout proche de Jésus quand il leur confie que l’un d’eux va le trahir. Seul Jean se trouve au pied de la croix pour recueillir les dernières paroles de Jésus, paroles de pardon et de total abandon, paroles d’amitié aussi puisque Jésus confie Jean à Marie, sa mère, et Marie à Jean. Dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui. (19,27) Durant tout le ministère de Jésus, Jean fut, avec Pierre et André, l’un des trois disciples privilégiés, témoins de la Transfiguration et de l’agonie de Jésus, au jardin de Gethsémani.

         Tout cela nous laisse entendre ce que Jean voit ou entrevoit en Jésus. Il voit la gloire de Dieu qui s’est rendu présent et se manifeste dans notre humanité. Il voit ce que d’autres ne voient pas, une dimension qui leur échappe, cette présence mystérieuse de Dieu dans la personne de Jésus. Qui m’a vu, a vu le Père (14,9). Et il témoigne de cette présence.

         Cette présence de la gloire, il la perçoit dans l’aspect très humain de Jésus, dans ses gestes, ses paroles. Tout devient pour lui signe de la présence de Dieu, non une preuve mais un signe. Le tombeau vide est un de ces signes comme le fut le corps supplicié de Jésus sur la Croix. Ainsi, tout au long de son évangile Jean ne parlera pas de miracles mais de signes. Et chaque fois, ces signes sont des gestes concrets observés avec la précision du témoin oculaire. Au tombeau vide, lui seul nous dit que le linceul était plié et le bandeau qui avait enserré le visage placé à part. Lui seul au c.2 nous rapporte le miracle de l’eau changée en vin à Cana en nous donnant ces précisions : il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des juifs, elles contenaient chacune environ 40 litres.  (2,6)  Tel fut pour Jean le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. (2,11)

         Il manifesta sa gloire. Nous sommes là au cœur de ce que Jean voit dans la personne de Jésus. Nous retrouvons cette expression devant le tombeau de Lazare, avec la même précision de l’observateur : Marthe, la sœur du défunt dit : Seigneur, il doit déjà sentir…Il ya en effet quatre jours ! Mais Jésus lui répondit : Ne t’ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? (11,39-40) La mort même de Jésus est perçue comme l’heure où le fils de l’homme va être glorifié… Maintenant, mon âme est troublée et que dirai-je ? Père sauve-moi de cette heure ? Mais c’est précisément pour cette heure que je suis venu. Père, glorifie ton nom. Alors une voix vint du ciel : je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. La foule qui était là et qui avait entendu disait que c’était le tonnerre.(12,23. 26-29) Encore un détail du témoin.  

         Tout l’évangile de Jean est une pédagogie du regard pour nous conduire à la foi. La foi n’est jamais une évidence, pas plus qu’elle n’est une simple opinion : elle est une certitude, la certitude d’une présence. Jean nous apprend à voir plus loin, avec cette conviction que    la réalité dépasse les sens. Benoît XVI a eu l’occasion d’exprimer cela en précisant ce qu’est la vraie réalité des choses et des évènements : Celui qui bâtit sa vie sur ces réalités que sont la matière, le succès, tout ce qui apparaît, bâtit sur du sable. Seule la Parole de Dieu est le fondement de toute la réalité, elle est aussi stable que le ciel, plus stable que le ciel, elle est la réalité.

         Or, la foi, c’est connaître des réalités qu’on ne voit pas, nous dit l’auteur de la lettre aux Hébreux (Heb. 11,1) Jean, sans cesse, évoque cette réalité. Ainsi, dans le miracle de Cana il utilise des mots qui évoque cette réalité : Il y avait des noces, il pense aux noces de Dieu avec l’humanité…Femme, que me veux-tu ? mon heure n’est pas encore venue… tel fut le premier signe de Jésus et il manifesta sa gloire…Il en est de même lorsque Jean nous précise que du cœur ouvert de Jésus en croix il sortit de l’eau et du sang. Enfin, devant le tombeau vide il reconnaît dans cette absence du corps de Jésus l’accomplissement des Ecritures et par là même une présence, celle d’un vivant. Il vit et il crut.  

         Et nous, frères et sœurs, en ce matin de Pâques que voyons-nous ? Notre foi nous aide-t-elle à découvrir la présence de Dieu dans nos vies ? La liturgie de cette nuit a fait défiler sous nos yeux les signes de cette présence à travers l’histoire de l’humanité, depuis la Création, l’Exode, l’Alliance… jusqu’à cette scène du tombeau vide. L’histoire personnelle de chacun est également porteuse de signes. Suis-je capable de les lire et d’y reconnaître une présence aimante et agissante ? Pour qu’un évènement devienne signe il faut le voir avec le regard de Dieu. Les habitants de Capharnaüm, au lendemain de la multiplication des pains, demandaient à Jésus un signe ! Seule une écoute attentive de la Parole de Dieu, une lente méditation de cette Parole, qui nous fait demeurer dans la Parole, ouvre peu à peu les yeux de notre cœur à cette présence qui change notre vie et lui donne toute sa signification. La démarche de la foi ressemble à celle de l’amour. Comme pour celui qui aime, la vie de qui s’ouvre à la foi est transformée. Si la foi ne nous donne pas des évidences, elle nous permet de surmonter les doutes au moment de l’épreuve. Je sais en qui j’ai mis ma confiance proclame saint Paul. Marie, mère de Jésus, a donné toute sa foi en cette Parole, elle l’a longuement méditée, lui a donné chair. Sa vie, jusque dans sa mort a été illuminée de cette lumière de la Résurrection de Jésus que nous célébrons et à laquelle nous communions. Nous aussi, frères et sœurs, si nous ressuscitons avec le Christ, avec lui nous mourrons et avec lui nous vivrons.

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Vigile pascale

 

Entrée
Nous sommes unis, frères et sœurs, à tous ceux qui nous écoutent sur les ondes de RCF pour célébrer ensemble le mystère pascal qui est la source de notre foi et de notre espérance.
C’est avec les questions, les attentes, les craintes, les doutes et les certitudes qui sont au cœur de chacun et de chacune que nous allons écouter une parole, celle que Dieu nous adresse ce soir, et que nous allons vivre par cette liturgie une belle expérience de ce qu’est l’Eglise. Des signes et des symboles vont parler à nos sens, à commencer par celui de la lumière brillant dans la nuit, puis ce sera l’eau du baptême et enfin le pain et le vin de l’Eucharistie. Ainsi, Dieu nous touche au plus profond de nous-mêmes et il parle à notre cœur. Soyons attentifs à sa présence !

Introduction aux lectures

Après cette acclamation solennelle si riche de foi et de poésie, nous allons écouter longuement la Parole que Dieu adresse aux hommes depuis des millénaires. Aujourd’hui encore Dieu parle à notre cœur. Pour être plus attentifs à cette Parole, l’église va demeurer dans une certaine obscurité et des vasques de sable ont été disposées pour recevoir vos cierges allumés. Merci !

1re lecture : Genèse 1,1 - 2,2
La grande question qui nous habite est celle de notre existence, celle du monde qui nous entoure. Les premiers mots de la Bible, dans un langage poétique, éclairent notre origine et la destinée de l’humanité. Créés homme et femme à l’image de Dieu, nous sommes des êtres de relation qui deviennent pleinement eux-mêmes dans l’accueil de l’autre, dans l’accueil de Dieu.

2e lecture : Exode 14,15 - 15,1
Comme image de Dieu, l’homme est appelé à la liberté. L’épopée de l’Exode est une illustration de cette liberté. Ne devient libre que celui qui accepte de sortir de ses esclavages. Pour acquérir cette liberté offerte, suis-je prêt à renoncer aux servitudes que sont l’ambition, l’argent, le pouvoir, la violence, l’égoïsme, la peur des autres ?

3e  lecture : Isaïe 54,5-14
Dieu si proche lors de l’Exode nous paraît parfois lointain et absent ! Le prophète Isaïe ose affirmer que Dieu est aussi proche qu’un époux l’est de son épouse. Ce thème des noces traverse toute la Bible et nous invite à découvrir, à travers l’histoire de l’humanité et la nôtre, la tendresse cachée de Dieu qui s’offre à notre amour.

4e lecture : Isaïe 55,1-11
Tout amour appelle la réciprocité. Dieu attend la réponse de l’homme pour engager avec lui une alliance. Acceptons-nous de risquer notre vie dans cette alliance ? Sommes-nous prêts, en communiant au corps et au sang de Jésus,  à vivre cette alliance nouvelle et éternelle qui conduit au don de sa vie ?

5e lecture : Ézéchiel 36,16-28
Cet idéal entrevu n’est-il pas hors d’atteinte, trop ambitieux pour nous qui sommes faibles et pécheurs ? Ce serait oublier le Pardon toujours offert qui guérit nos refus et toutes nos infidélités… C’est dans le pardon donné en Jésus que Dieu manifeste au mieux sa sainteté et son amour. 

Monition pour le Gloria

Cette écoute méditée de la Parole a mis en nos cœurs une paix et une joie qui sont des signes authentiques de la présence de Jésus Ressuscité. Comme Israël à sa sortie d’Égypte, chantons maintenant la gloire que Dieu a manifestée en Jésus. Les cloches nous y invitent.

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Homélie : Vigile pascale 2011

         Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le 6ème jour. Et Dieu se reposa le 7ème jour -le sabbat- de l’œuvre qu’il avait faite. Ainsi s’achevait le récit de la création que nous avons lu et goûté au début de cette veillée. Or, nous venons d’entendre dans l’évangile : après le sabbat, à l’heure où commençait le 1er jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent au tombeau. Là, Jésus avait été déposé, le jour du sabbat, après avoir accompli toute l’œuvre que le Père lui avait donné de faire. Selon saint Jean, Jésus en croix prononça ces paroles : tout est achevé et il remit l’esprit. Alors débutait le sabbat, un sabbat très solennel, précise l’évangéliste. Et voilà que notre évangile nous parle d’un 1er jour. Il évoque par là un nouveau commencement, une création renouvelée. Des signes l’accompagnent : un tremblement de terre et l’apparition d’un ange revêtu de lumière. La création, vous vous souvenez, débutait par celle de la lumière, telle fut l’œuvre du 1er jour.

         Que nous dit cet ange de lumière ? Il commence par dire : Je sais. Dieu sait, Dieu voit, Dieu nous précède toujours. Puis vient une série de verbes d’action et de vie : vous cherchez le crucifié, il est ressuscité comme il l’avait dit, venez, voyez, allez vite, dites aux disciples qu’il est ressuscité des morts, il vous précède en Galilée, là vous le verrez…voici ce que j’avais à vous dire.

         Comment nous comporter devant un tel mystère ? Comme aux femmes, il nous est demandé de croire que l’incroyable s’est réalisé, que l’impossible est devenu possible, que la mort est vaincue, que la vie a triomphé et qu’une vie nouvelle nous est donnée par Dieu. Tout cela se passe dans un jardin comme pour Adam : et voilà que l’arbre de vie est devenu accessible. Je suis le pain vivant. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie. (Jn 6,51)

         Il vous précède en Galilée… là vous le verrez…Obéissant à cette parole, les femmes vont et en chemin rencontrent le Christ qui leur dit, comme l’ange à Marie lors de l’Annonciation, Salut, ne craignez pas…et il leur répète le message : allez dire à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. C’est à nous aujourd’hui que ce message s’adresse. Notre Galilée, c’est le lieu habituel de notre vie, de notre travail, de nos relations. Si nous croyons vraiment que Jésus est le vivant, là nous le rencontrerons : dans le pauvre, le malade, le prisonnier, l’étranger, en toute personne dont nous deviendrons le prochain. Voir et reconnaître ainsi Jésus ressuscité c’est accéder à la joie et à la vie de Dieu, c’est accueillir cette vie nouvelle qui nous est offerte, comme va nous le dire saint Paul dans un instant: si par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi... Ne mettez plus vos membres au service du péché comme armes de l’injustice, mais, comme des vivants revenus d’entre les morts…mettez-vous au service de Dieu. Comme nos frères de Tibhirine et tant d’autres martyrs, témoignons que Christ est vivant, que l’amour a triomphé de la haine, que la mort a été engloutie par la vie. Oui, soyons des témoins de cette espérance et des porteurs de paix. Christ est ressuscité. Alléluia !