Homélie - Pâques 7 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Pâques 7

Par Frère Patrice
croix - arcabas
Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques


Lecture de la première lettre de saint Jean (1Jn 4, 11-16)
Mes bien-aimés,puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres.
Dieu, personne ne l'a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour atteint en nous sa perfection. Nous reconnaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous, à ce qu'il nous donne part à son Esprit. Et nous qui avons vu, nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.
Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.
Et nous, nous avons reconnu et nous avons cru que l'amour de Dieu est parmi nous. Dieu est amour : celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu en lui.


La grande prière de Jésus (Jn 17, 11b-19)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, les yeux levés au ciel, il priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Quand j'étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m'as donné. J'ai veillé sur eux, et aucun ne s'est perdu, sauf celui qui s'en va à sa perte de sorte que l'Écriture soit accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, en ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie, et qu'ils en soient comblés.
Je leur ai fait don de ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu'ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.
Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité. »


Homélie
Cet évangile est bouleversant à bien des points de vue.
D’abord quand on sait qu’il a été prononcé par Jésus la veille de sa passion, alors qu’il avait déjà été trahi par Judas, alors qu’il sait qu’il va être condamné à mort, et qu’il prie pour chacun de ses disciples sans se soucier de lui-même.
Ensuite quand on sait qu’il a été écrit par st Jean. Celui dont il est dit que Jésus l’aimait, dont on ne sait pas grand-chose d’exact sur sa vie, si ce n’est qu’il avait une âme de feu et d’orage, qu’il fut peut-être exilé à Éphèse et mourut peut-être martyr. Mais par contre saint Jérôme le décrit à la fin de sa vie si cassé de vieillesse qu’il fallait le porter à l’assemblée. Trop faible pour tenir de longs discours, il se bornait à redire : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ! » Et comme les fidèles se lassaient parfois de cette répétition, il répondait : « C’est le commandement du Seigneur, et si seulement il est observé, cela suffit ! »
Et je crois que nous tenons là la clef pour comprendre ce passage d’évangile et le méditer ensemble. Car c’est plus à une méditation que je vous invite ce matin !
Les paroles que Jésus adresse à son Père ont exactement les mêmes termes qu’un Père adresserait à ses enfants. En un sens rien d’étonnant, car Jésus nous dit « qui me connait, connait le Père ». Oui Jésus s’adresse à nous avec les mots qu’un père adresserait à ses enfants bien aimés pour les exhorter, tout comme pourrait le faire un ami à son ami.
Nous touchons ici la tendresse de Jésus qui veut le bonheur de ses disciples et qui intercède auprès de son père dont il connait la tendresse. La même tendresse ou la même compassion que nous devons avoir pour tous ceux qui nous entourent et à qui nous souhaitons communiquer ce qui nous tient le plus à cœur.
On est bien loin de la définition de l’homme que donnait un philosophe du 17° siècle qui disait que l’homme est un loup pour l’homme.
Et qu’est-ce qui tient le plus au cœur de Jésus pour nous ?
Tout d’abord c’est de nous révéler le nom de Dieu, son père. Pourquoi attacher de l’importance à cette révélation ? Parce que dans le Christ Dieu vient continuellement à la rencontre des hommes afin qu’ils puissent aller à sa rencontre. Par là Dieu vient à nous, il nous attire à lui pour nous conduire au-delà de nous-mêmes vers l’étendue infinie de sa grandeur et de son amour. Nous révéler le nom du Père, c’est nous révéler la source même de l’amour, qui pourra ensuite jaillir du fond de nous-mêmes, comme une source jaillissante. C’est terriblement important pour chacun de nous de pouvoir identifier la source de son amour, qui lui donne son sens plein. Pourquoi s’user la vie à vouloir tout faire avec perfection, si l’amour n’y est pas présent ; car c’est l’amour qui va donner son véritable sens à tout ce que nous faisons et à toutes les rencontres que nous vivons. Il y a un très beau psaume (134) qui résume bien tout cela « louez la bonté du Seigneur, célébrez la douceur de son nom ».
Ensuite c'est de nous entraîner dans son mouvement de consécration à Dieu. Père Saint, consacre-les ou plutôt sanctifie-les. N'oublions pas que c'est Dieu seul qui peut sanctifier (Exode 31, 13). Sanctifier c'est nous faire passer dans le monde de Dieu et nous arracher à cet isolement qui nous recroqueville sur nous-mêmes et nous maintient loin de Dieu, et donc loin des hommes. Comment peut-on aimer Dieu et le prochain, comment leur porter tout le message d'amour et de vie contenu dans cet évangile si nous sommes recroquevillés sur nous-mêmes ? Et seul Dieu, et l'Esprit saint, peuvent nous aider dans ce travail de sortie de nous-mêmes et d'acceptation de se laisser modeler, sanctifier par Dieu !
Nous touchons ici du doigt ce qui est en filigrane dans cet évangile où l'on nous dit qu'il faut être du monde et ne pas être du monde. Il nous est demandé de faire le grand écart. St Augustin a cette expression formidable dans l'Épitre à Diognète « nous sommes l'âme du monde, nous sommes au coeur du monde »ou encore « les chrétiens sont comme détenus dans la prison du monde, et ce sont eux pourtant qui maintiennent le monde » . Ce grand écart c'est celui qu'illustre si bien ce passage d'évangile de Marthe et de Marie. II nous faut être tout à la fois au coeur de Dieu et au coeur des affaires du monde : comment porter un message au monde si nous ne sommes pas au coeur de Dieu ? Comment aimer les autres si nous n'aimons pas d'abord Dieu ?
Enfin, ce qui tient le plus à coeur à Jésus c'est de nous combler de sa joie. Tout à l'heure nous chanterons la Préface, qui se termine par ces mots « le peuple des baptisés, rayonnant de la joie pascale ». La joie pascale qui trouve son accomplissement plénier avec la fête de la Pentecôte qui approche, car le fruit de l'Esprit est l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté (Galates 5, 23). C'est à cela que vous reconnaîtrez maintenant que vous êtes ses disciples.