Homélie - Baptême de Jésus — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Baptême de Jésus

Par Frère Raffaele

Fête du Baptême de Jésus

1ère lecture : « Venez, voici de l’eau ! Écoutez, et vous vivrez » (Is 55, 1-11)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ?
Écoutez-moi bien, et vous mangerez de bonnes choses, vous vous régalerez de viandes savoureuses ! Prêtez l’oreille ! Venez à moi ! Écoutez, et vous vivrez. Je m’engagerai envers vous par une alliance éternelle : ce sont les bienfaits garantis à David. Lui, j’en ai fait un témoin pour les peuples, pour les peuples, un guide et un chef. Toi, tu appelleras une nation inconnue de toi ; une nation qui ne te connaît pas accourra vers toi, à cause du Seigneur ton Dieu, à cause du Saint d’Israël, car il fait ta splendeur.
 Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, - oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.

La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission.


Cantique : (Is 12)

Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.

Rendez grâce au Seigneur,
proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits !
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence,
et toute la terre le sait.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

2ème lecture : « L’Esprit, l’eau et le sang » (1 Jn 5, 1-9)
L
ecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi.
Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité. En effet, ils sont trois qui rendent témoignage, l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois n’en font qu’un. Nous acceptons bien le témoignage des hommes ; or, le témoignage de Dieu a plus de valeur, puisque le témoignage de Dieu, c’est celui qu’il rend à son Fils.

 « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » (Mc 1, 7-11)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Voyant Jésus venir à lui, Jean déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » Alléluia. (Jn 1, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jean le Baptiste proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
En ces jours-là, Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt, en remontant de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Il y eut une voix venant des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »


Introduction

- Frères et soeurs, la liturgie de ce dimanche nous fait revivre le baptême du Seigneur. Les Christ plonge dans les eaux du Jourdain et en remonte rayonnant d'Esprit Saint. Nous aussi, à sa suite, nous avons été plongés dans le fleuve de vie, lors de notre baptême, et l'Esprit-Saint nous a été donné, comme une source vive qui irrigue notre coeur. Pourtant, il y a de fortes chances que la source de notre baptême ait été un peu, et même un peu beaucoup, ensablée par les soucis, les tribulations et les péchés qui jalonnent le chemin de toute vie humaine. Si tel est le cas, cette eucharistie peut être pour nous l'occasion d'un ressourcement. Demandons au Christ ressuscité de répandre à nouveau sur nous son Esprit-Saint : qu'il vienne agiter et vivifier les eaux dormantes de notre baptême.

 

Homélie

- Frères et soeurs, ce récit du baptême de Jésus dans l'évangile selon saint Marc est très court, mais ô combien dense ! Il y aurait beaucoup de choses à dire. Je voudrais faire ressortir surtout un aspect de ce mystère qui me paraît particulièrement attirant.

Il me semble que le baptême de Jésus est avant tout un mystère d'amour, la révélation de l'amour de Dieu pour l'homme pécheur. Jésus est l'agneau sans péché qui se mêle à une foule de pauvres, hommes et femmes, qui « se faisaient baptiser par Jean dans les eaux du Jourdain en confessant leurs péchés » (Mc 1,5). Où est-il, Jésus ? Où est-il, le Fils de Dieu sur qui repose l'Esprit-Saint ? Où est-il, le Fils bien-aimé en qui le Père trouve sa joie ? Il est au milieu des pécheurs, perdu dans cette foule, au point d'apparaître comme un pécheur parmi tant d'autres ! C'est le scandale de la condescendance de Dieu, ainsi que l'appelaient les Pères de l'Église : Dieu qui, dans sa recherche de communion avec l'homme, s'abaisse jusqu'à rejoindre l'homme là où le péché et les sentiers souvent tortueux de la vie l'ont conduit. Qu'est-ce que la Bible, sinon l'histoire de cette recherche que Dieu fait de l'homme, le récit de la descente de Dieu parmi les hommes provoquée par l'amour de Dieu pour l'humanité ? « Adam, où es-tu ? » (Gn 3,9) : Dieu créateur de l'homme est ce Dieu qui se met aussitôt à la recherche de l'homme égaré. Et, dans le baptême de Jésus, cette recherche s'accomplit.

Le baptême reçu par Jean contient déjà, en germe, tout le sens de la vie, de la mission, de la prédication futures de Jésus jusqu'à la croix. Toujours nous trouverons Jésus au milieu des pécheurs, en train d'étendre l'amour et la communion de Dieu jusqu'aux catégories humaines et sociales méprisées et marginalisées à l'époque, au point de se faire qualifier de « glouton et d'ivrogne, d'ami des publicains et des pécheurs » (Mt 11,19). Et même sur la croix, Jésus ne sera-t-il, encore une fois, au milieu de deux malfaiteurs ? Mais c'est juste à ce moment-là que le rideau du Sanctuaire, dans le Temple de Jérusalem, se déchire en deux, depuis le haut jusqu'en bas, nous dit saint Marc (15,38). Deux fois seulement dans son évangile, Marc a employé ce verbe grec se déchirer : dans le récit de la mort de Jésus et dans le récit de son baptême, et cette correspondance est certainement voulue, et elle est pleine de sens. Le déchirement du rideau du Sanctuaire, quand Jésus meurt sur la croix, nous révèle le sens et la portée profonde du déchirement des cieux lors du baptême, quand Jésus voit les cieux se déchirer et l'Esprit descendre sur lui comme une colombe (Mc 1,10). Désormais, Dieu ne se cache plus derrière un voile, il se révèle en cet homme qui remonte des eaux du Jourdain.

« Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais ! » s'écriait le prophète Isaïe dans l'Ancien Testament (Is 63,19). En Jésus, Dieu a exaucé cette prière. Désormais, c'est par la foi en Jésus, le Christ crucifié, que nous pouvons accéder à la communion avec Dieu, et l'accès auprès de Dieu est maintenant libre, ouvert à tous, juifs et païens, purs et impurs, saints et pécheurs. C'est une vraie révolution dans notre conception de Dieu. La sainteté chrétienne ne consiste plus, comme dans l'Ancien Testament, à se séparer des pécheurs, des impurs, par peur de se souiller ; au contraire, elle consiste à s'asseoir à leur table, comme Jésus, comme cette petite sainte Thérèse de Lisieux qui est en réalité si grande.

L'homme, qui s'était perdu jadis quand il avait été placé par Dieu dans le jardin du paradis, est retrouvé maintenant qu'il est dans les enfers du péché et de la mort, où Jésus descend le chercher, comme il est descendu avec les pécheurs dans les eaux du Jourdain.

D'où l'ultime, la suprême révélation que contient ce texte de saint Marc. Pour Jésus, le baptême est l'occasion de se reconnaître lui-même comme le bien-aimé du Père : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Mais, depuis que le Christ est mort sur la croix et que le rideau du Temple s'est déchiré, c'est à chacun de nous, qui avons été baptisés dans le Christ, que le Père adresse ces mots : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Aujourd'hui, dans le Christ et grâce à lui, s'accomplissent en plénitude les paroles du prophète Isaïe que nous avons entendues : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l'eau ! Même si vous n'avez pas d'argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Prêtez l'oreille ! Venez à moi ! Écoutez et vous vivrez. » Amen.

© AELF, Paris 2013