Homélie Carême 3 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Carême 3

Par Frère Raffaele
christ en croix

3ème dimanche de Carême

1ère lecture : La Loi fut donnée par Moïse (Ex 20, 1-17)
Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici :
« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage.
* Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi.

* Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut
dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération.

* Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom.

* Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié.

* Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
* Tu ne commettras pas de meurtre.
* Tu ne commettras pas d’adultère.
* Tu ne commettras pas de vol.
* Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
* Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »

 

Psaume : 18b (19), 8, 9, 10, 11

R/ Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle.

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.


Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur
est limpide, il clarifie le regard.


La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables :


plus désirables que l’or,
qu’une masse d’or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.


2ème lecture :
« Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les hommes, mais pour ceux que Dieu appelle, il est sagesse de Dieu »

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, Soeurs, alors que les Juifs réclament des signes miraculeux et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes.Mais pour ceux et celles que Dieu appelle, qu'ils soient juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu, car la folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

 « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 13-25)

Acclamation : Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.

 Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem.
Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : «Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce.»
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.
Des Juifs l’interpellèrent : «Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi?»
Jésus leur répondit : «Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai.»
Les Juifs lui répliquèrent : «Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais !»
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.

Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait.
Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.

© AELF - Paris 2013

 Homélie

 Frères et soeurs, l'histoire si longue de l'alliance entre Dieu et les hommes semble se jouer tout entière dans ce lopin de terre, au sommet d'une colline, à Jérusalem : le mont Moriah. C'est là que le Seigneur appela Abraham pour sacrifier Isaac ; c'est là, bien des siècles plus tard, que fut bâti le Temple de Salomon, tel un écrin précieux, pour garder les tables de la Loi remises par Dieu à Moïse, comme nous l'avons entendu dans la première lecture, tirée du livre de l'Exode. Ce Temple est le coeur du culte d'Israël, mais il est aussi la raison profonde de l'existence d'une nation : une « nation sainte », parce qu'elle promet de se vouer entièrement à Dieu. Pour les descendants d'Abraham, cette montagne, ainsi que la ville qui l'entoure, est encore aujourd'hui notre maison, le lieu saint par excellence, où les croyants aiment se rendre en pèlerinage pour trouver Dieu. Lorsque le roi Salomon eut bâti le Temple, il pria ainsi : « Est-ce que, vraiment, Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent te contenir : encore moins cette Maison que j'ai bâtie ! Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur. Que tes yeux soient ouverts nuit et jour sur cette Maison, sur ce lieu dont tu as dit : C'est ici que sera mon nom. » (1 R 8,27-29)

Pour ces pierres, les enfants d'Abraham continuent à s'entre-tuer encore aujourd'hui, dans une guerre qui semble être inscrite, comme les stigmates de S. François d'Assise, dans la chair même de la Terre Sainte. Le Talmud, cet-à-dire le grand recueil des interprétations juives de la Bible, proclame : « Dix mesures de beauté ont été accordées au monde : neuf d'entre elles sont échues à Jérusalem, et une seulement à tout le reste du monde. Celui qui n'a pas vu la beauté de Jérusalem ne sait pas ce qu'est la beauté. Dix mesures de douleur et d'angoisse sont descendues sur le monde, dix mesures de souffrance et de tragédie. Jérusalem en a prises neuf. » Avant de croire que les solutions politiques et diplomatiques soient les seules efficaces pour résoudre les problèmes, il faudrait peut-être chercher la paix à un niveau de profondeur autre que celui des négociations et des traités. C'est pourquoi notre pape François a invité, il y a bientôt un an, les présidents des États d'Israël et de Palestine, ainsi que le patriarche de Constantinople, à prier ensemble avec lui dans les jardins du Vatican.

Le Temple continue d'être, dans l'histoire du monde, le seule édifice parfait : la Bible le décrit par le menu, et pourtant il n'en reste plus que quelques pierres, à la base du mur occidental. Il est parfait parce qu'il continue d'exister dans la mémoire, d'être le point de repère pour l'humanité en quête du visage du Seigneur et de son lieu saint.

Pourtant, Jésus vient briser cette longue histoire, ou plutôt la changer ; non pas l'abolir, mais l'accomplir. Il chasse les marchands du Temple parce qu'ils transforment la maison de Dieu en quelque chose d'autre, qui n'a rien à voir avec le culte véritable. Mais Jésus va beaucoup plus loin : il déclare périmé, dépassé, le Temple lui-même : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Car c'est lui le troisième Temple, c'est lui désormais la référence pour adorer Dieu « en esprit et en vérité ». Dans le dialogue avec la Samaritaine près du puits, cette nouveauté inouïe est annoncée et expliquée (Jn 4,24).

Plus besoin du Temple : le Seigneur, ressuscité après trois jours, est maintenant présent parmi nous à jamais (Mt 18,20). La mémoire que nous célébrons, c'est-à-dire l'Eucharistie, n'est plus celle du sacrifice d'Abraham, mais le relèvement de ce Temple qu'est le Seigneur lui-même, la Résurrection du Christ, vainqueur du temps et de la mort.

Plus besoin du Temple : mais cela ne signifie nullement que les lieux saints doivent disparaître de la terre ; cela ne signifie point que n'importe quel changement de destination et d'usage devienne possible dans les espaces et les temps où le peuple cherche la présence de Dieu et du sacré. De plus, il existe désormais un «temple» de l'Esprit-Saint qui est notre corps lui-même : notre corps, qui chaque jour est profané, violenté, vendu, abandonné, torturé, tué. Aujourd'hui, comme au temps de Jésus, chasser les marchands du temple de la dignité humaine et de la conscience demeure un difficile, et pourtant incontournable, devoir.