Homélie - Avent 2 — Abbaye de Tamié

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Homélie - Avent 2

Frère Antoine

Temps de l'Avent
Deuxième dimanche

Homélie

Méditons l’évangile de ce jour à partir de la 1ère et dernière phrases : « Commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » et « Moi, je vous ai baptisés d’eau mais lui vous baptisera d’Esprit Saint ».

« Évangile ». Quand on entend ce mot, qu’est-ce qu’il évoque spontanément pour nous ? Un livre ?une vie de Jésus ?une Bonne nouvelle ?... ? Plus profondément, l’évangile est de l’ordre d’un événement et d’un événement heureux, produit par une rencontre avec quelqu’un qui nous aime. Ainsi, par exemple, lorsque je reçois une lettre d’une personne amie, je ne fais pas que recevoir des informations, je rentre en communication avec celui qui m’écrit. Si, par hasard ou par indiscrétion, je lis une lettre qui ne m’est pas adressée, ce n’est plus un événement personnel de rencontre avec un autre. Lire l’évangile, dans la foi, c’est entrer en contact avec Jésus lui-même. « Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu » : La plupart des exégètes considèrent cette phrase comme le prologue de tout l’évangile de Marc. Elle introduit les deux grandes parties de l’évangile. Dans la première partie (de Mc 1, 14 à Mc 8, 30) Jésus proclame la venue du Règne de Dieu. Elle s’achève par la confession de Pierre à Césarée : « Tu es le Christ ». Dans la seconde partie de son évangile, St Marc va faire parcourir à ses disciples le chemin qui leur fera découvrir le sens de ce « Christ » ou « Messie » en leur annonçant, trois fois sa Passion.. Ce n’est qu’après la mort de Jésus qu’un païen, un centurion romain proclame la première profession de foi chrétienne : « Vraiment cet homme était le Fils de Dieu » (Mc 15, 39).Aux yeux de Marc, la reconnaissance de Jésus comme « Fils de Dieu » ou « Messie » ne peut être proclamée qu’en contemplant la croix. Alors, la Résurrection peut être annoncée : Jésus crucifié est ressuscité d’entre les morts, il a vaincu toutes les formes du mal qui nous affligent en ce monde. On a ainsi une sorte d’inclusion entre la première phrase et la finale de l’évangile sur l’identité de Jésus : Christ, Fils de Dieu .La caractéristique de l’évangile de Marc est cette interrogation qui court tout au long du récit : «qui donc est cet homme ? » accompagnée du « secret messianique » : attendez de le voir crucifié avant de dire qu’il est Christ et Fils de Dieu. C’est vraiment une surprise qui change complètement notre image de Dieu !

 «Évangile et Royaume de Dieu » Quand Jésus parlait, il ne disait pas : « je vous annonce l’évangile ». Ce qu’il annonçait c’est de « Royaume de Dieu » « tout proche, » « qui est au milieu de vous », un Royaume déjà présent, déjà là et pourtant encore à venir. Ce n’est qu’après la mort et la Résurrection de Jésus que l’Église naissante annonce ce « Royaume » en termes de « Résurrection ». L’annonceur (Jésus) devient l’annoncé (Jésus Ressuscité)! Nous comprenons mieux pourquoi l’évangile n‘est pas qu’une lettre à lire mais un événement à vivre : L’évangile comme « événement » c’est Jésus lui-même, Dieu au milieu des hommes qui se propose à notre foi ! Dieu agit dans le monde, son Esprit travaille notre monde qui peine au milieu des violences et des injustices. Cette Résurrection que l’Eglise est chargée d’annoncer n’est pas seulement celle de Jésus mais aussi la nôtre, dès aujourd’hui, commencée, déjà là, elle est la Résurrection universelle inaugurée en Jésus, continuée dans l’Eglise comme son propre corps et destinée à s’accomplir dans tout l’univers. Saint Paul parle d’ « homme nouveau », de « nouvelle création ». L’Eglise, corps du Christ, est chargée d’aller au monde pour le régénérer avec comme Loi unique et fondamentale : l’amour fraternel .C’est à l’amour qu’on vous reconnaîtra comme mes disciples », un amour de fraternité universelle. « Il n’y a plus ni grecs ni juifs ». Et l’évangile ne consiste pas à parler du Royaume mais à en témoigner, à le rendre présent par des actes de justice et de paix là où on est, dans un monde qui reste violent et injuste. C’est crucifiant mais pas mortel puisque nous apportons au monde la Vie. C’est ce qu’a fait Jésus, en son temps.

« Baptême d’eau et baptême d’Esprit Saint »Le baptême n’existe pas dans l’Ancien Testament. Il est une nouveauté. Dans l’A.T. il est souvent question d’eau ; symbole de vie dans un pays désertique mais pas de baptême et pour se faire pardonner les péchés, il faut faire des sacrifices au Temple. Au temps de Jésus, il y avait des mouvements dits baptistes mais qui étaient des ablutions répétées. Le propre du baptême c’est qu’on ne le reçoit qu’une fois et donné par un autre, il n’y a pas d’ « auto-baptême », on ne se baptise pas soi-même. Le baptême d’eau est un rite religieux et Jean Baptiste lie ce qu’on appelle aujourd’hui la morale et la religion.. Jean Baptiste demande que le rite religieux s’accompagne d’une conversion,d’ un changement moral, Dans l’évangile de St Luc, Jean ne demande pas aux soldats de déserter mais de ne pas faire de violence et de se contenter de leur solde. Avec le baptême de l’Esprit Saint, il y a quelque chose de radicalement nouveau qui touche non seulement l’extérieur (la religion et la morale) mais l’intérieur (une vie nouvelle est donnée par la foi en Jésus).Le baptisé vit une mort et résurrection, il est recréé dans une vie nouvelle, filiale et fraternelle. Il partage la filiation divine et devient frère de Jésus et de l’humanité entière. Un sociologue contemporain parle du christianisme comme «d’une sortie de la religion ».Le Christianisme apparaît souvent comme une religion parmi d’autres et en concurrence avec les autres .Pensons aux chrétiens actuellement persécutés un peu partout dans le monde. En fait, Jésus est venu faire sauter les barrières religieuses institutionnelles, au profit de l’Esprit qui agit, mystérieusement, dans le monde et pas seulement dans l’Eglise. Autrement dit, ce qui importe avant tout ce n’est pas la religion, même si elle a son importance, ce qui importe le plus et avant tout c’est le Royaume, c’est que l’humanité s’ouvre à la fraternité universelle, au respect des personnes, dans cette attente, qui est celle de l’Avent: un Royaume de justice et de paix, présence de Dieu parmi nous. C’est pourquoi nous pouvons nous réjouir des initiatives de Jean Paul II et de Benoît XVI invitant à Assise tous les représentants des religions en vue de la paix entre les hommes. Benoît XVI a même invité des agnostiques C’est vraiment reconnaître que l’Esprit agit dans le monde, à l’intérieur d’autres religions voire même au-delà des religions. C’est bien une bonne nouvelle !

 « Commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ». Cette phrase n’a pas de verbe. L’édition Bayard supplée en traduisant « Ici commence l’évangile… » Si l’évangile n’est pas seulement un récit mais surtout un événement toujours actuel nous pouvons dire aussi : « maintenant commence l’évangile.. ». Il commence chaque fois qu’il nous permet de rencontrer Jésus, son Esprit et son Père. Ne laissons pas passer cet événement toujours renouvelable. De plus en plus de chrétiens, individuellement ou en groupe, lisent, méditent et essayent de vivre l’évangile comme une source d’eau jaillissante dans le désert de leur vie. Pourquoi pas nous ?