Homélie Assomption — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Assomption

Par dom Ginepro

Assomption de la Vierge Marie

Bienvenue  à vous qui avez fait le choix, en cette fête d'été jour de vacance pour beaucoup, de vous unir à nous, moines de Tamié, pour cette célébration.

Que voulons-nous célébrer ? Marie, celle pour qui, en devenant la Mère de Jésus, Dieu fait des merveilles.

Pour commencer, nous osons, nous aussi, demander à Dieu de faire en nous, en chacun de nous, des merveilles.

Et la première merveille c'est que Dieu peut nous pardonner. C'est bien ce que nous lui demandons, au début de cette Eucharistie.

 

Homélie

Se mettre en route... Personne d'entre nous ne peut le faire, personne ne peut se mettre en route s'il n'a pas un objectif devant lui, s'il n'est pas habité par un désir. Même quand nous sommes désemparés et quand nous disons : « je ne sais pas où je vais », il n'empêche que nous sommes animés par le désir de bouger, de chercher, d'aller ailleurs, vers le neuf.

Mais ce n'est pas tout-à-fait ce que nous trouvons dans cet évangile, car nous lisons que Marie se met en route avec empressement elle sait déjà donc elle veut aller, et pourquoi elle part. Bien que le parcours qui s'ouvre devant elle ne semble pas des plus faciles (car le texte précise qu'elle s'achemine vers une région montagneuse), elle va. Elle est poussée, animée par quelque chose de précis qui l'attire ; elle se sent porteuse d'une mission. Marie (et nous le savons par la page d'Evangile qui précède celle-ci) vient d'être visitée et elle est habitée par le Très-Haut qui est, en elle, à l'origine d'une force intérieure. C'est le cas de le dire avec le psaume:

« Heureux l'homme dont le Seigneur est la force, des chemins s'ouvrent dans son cœur ».

Avec son « oui », un désir s'est creusé en elle et ce désir la pousse à partir, la pousse à visiter quelqu'un de bien précis. C'est ce qu'elle s'apprête à faire.

Déjà, retenons ceci : c'est le désir qui crée une faille en nous, qui rend possible une démarche, un choix. S'il n'y a pas de désir, si nous sommes repus, comblés, barricadés sur la défensive, nous nous enfermons sur nous-mêmes et nous devenons stériles, inaptes à la découverte, fermés à la nouveauté.

Marie part donc. Elle marche ; et au bout de son chemin elle entre dans une maison. Entrer dans la maison de quelqu'un, cela ne va pas de soi, cela nous expose à l'imprévu, à l'inconnu. Mais c'est ainsi que, pour elle, le désir initial aboutit et se transforme en rencontre ; d'autant plus que celle-ci se révèlera être une rencontre exceptionnelle : les deux enfants (à naitre) vont percevoir et souligner, même avant leur naissance, la présence l'un de l'autre ; ils s'envoient un signal et l'enfant (pour ainsi dire) visité bondit de - joie dans le ventre de sa mère.

Ce présage, qui ne passe inaperçu, sera ensuite repris, chacun à sa manière, par beaucoup d'artistes, entre autres peintres et musiciens : à la salutation de Marie, l'enfant d'Elisabeth bondit dans son sein.

Il devient évident pour nous que, par cette rencontre, ces deux enfants anticipent un changement radical, un tournant dans le destin du monde, dans l'histoire du salut. Même ce premier contact, bien que par mère interposée, est remarqué et signalé par Elisabeth, elle dont l'entourage se moquait, et qu'on appelait : « La stérile ». Ce n'est pas étonnant, du moment qu'il y a là la main de Dieu, la main de celui qui change le rocher en source et la pierre en fontaine !

Féconde, Seigneur, par la voix des personnes qui sont porteuses de toi (et nous le savons, il y en a !), nos terres stériles. Transforme-lès en terres qui produisent 30, 60, 100 pour un. Si tu veux, tu peux le faire!

C'est dans ce contexte particulier que naît cette hymne - unique - que l'Eglise nous demande (à nous moines, au moins), de chanter chaque jour, car c'est un chant qui renouvelle en chacun de nous l'espérance. Chant d'action de grâce et de jubilation, louange de la créature sauvée devant son créateur. Nous l'avons entendu « Mon âme exalte le Seigneur ». Chant de gratitude, qui nous encourage quand l'injustice déborde, qu'elle semble s'imposer et nous étouffer et semble avoir encore une fois le dessus. « Il renverse les puissants de leur trônes, il élève les humbles ». Croyons-le, l'injustice n'aura pas le dernier mot. C'est le chant qui évoque la promesse lointaine que chacun de nous porte gravée au fond de lui-même, jamais effacée, malgré les blessures de l'histoire. « Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères ».

On peut se demander pourquoi ce chant suscite-t-il encore en chacun de nous un écho si intense ? Parce que, en Marie, oui, en elle d'abord, la promesse du Dieu avec nous se réalise enfin. Une promesse que les prophètes avaient formulée, bien que de manière voilée, tant de fois... Une promesse que notre chair attend... attend. Cette promesse est maintenant en elle, en Marie, dans sa chair, car par Jésus elle devient, elle est, la MÉRE DE DIEU. C'est pour cela qu'elle exulte (litt. : elle saute de joie) et nous pouvons tressaillir avec elle: le Saint (c'est-à-dire celui qui est le Tout-à-fait autre) devient, par elle, l'un de nous, homme parmi les hommes ; et cela nous change. Comment ne pas s'en réjouir ?

Oui, par Marie, la descendance d'Adam que nous sommes peut espérer de manière nouvelle, car le Puissant fait pour nous, aussi, des merveilles !