Homélie Carême 2 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Carême 2

Par Frère Antoine


Andrei Rublev (1370-1430)

Première lecture
Vocation d’Abraham, père du peuple de Dieu (Gn 12, 1-4a)
Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là,le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront ; celui qui te maudira, je le réprouverai. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. »
Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth s’en alla avec lui.

Psaume

(Ps 32 (33)

R/ Que ton amour, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

Deuxième lecture

Dieu nous appelle et nous éclaire (2 Tm 1, 8b-10)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée
Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile.

 

Évangile« Son visage devint brillant comme le soleil »
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.
 En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

AELF @ Paris 2013

Homélie

Pourquoi venons-nous à la messe ? Pour confesser et célébrer notre foi en Jésus « vrai Dieu et vrai homme ». Dieu ne s’invente pas, Il se révèle. Pour nous, chrétiens, c’est Jésus qui nous dit qui est Dieu et qui est l’homme.

Qui est « Dieu » ? Dans l’évangile de dimanche dernier, le diable disait à Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu… ». Dans l’évangile d’aujourd’hui, une voix provenant d’une nuée lumineuse proclame : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie. Écoutez-le ». Si Dieu a un Fils c’est qu’il est « Père ». Et dans la scène du baptême de Jésus qui ressemble beaucoup à celle de la transfiguration : « Les cieux s’ouvrirent et l’Esprit de Dieu descendit comme une colombe sur Jésus » (Mt 3, 16). Le mot trinité n’est pas donné dans ce texte mais la réalité de Dieu le Père, le Fils et l’Esprit est clairement exprimée. Si Dieu n’était pas trinité, (une sorte de famille ouverte qui veut adopter d’autres enfants), on ne comprendrait pas le sens de la Transfiguration.

Qui est l’homme ? Par son incarnation, Jésus est l’homme par excellence. L’humanité de Jésus n’a pas à être comprise à partir des idées que nous avons sur l’homme, c’est au contraire l’homme qui doit être compris à partir de ce qu’est l’homme Jésus. Les Pères de l’Église, entre autres saint Irénée, disent que Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit divinisé. Nos frères d’Orient sont très sensibles à cet aspect de la vie humaine. Nous sommes en voie de divinisation, grâce à l’Esprit Saint qui habite en nous et nous transforme en « fils dans le Fils ». Dans l’histoire de l’humanité, Jésus est un « mutant ». En nous greffant sur lui, par la foi, nous sommes d’une certaine façon génétiquement modifiés. En effet, avec lui, nous ne sommes pas seulement des « fils d’Adam », descendants de générations d’hommes mortels, nous devenons des « hommes nouveaux » en voie de divinisation pour l’éternité ! Le croyons-nous vraiment ? C’est ce que dit saint Paul aux Corinthiens (2 Co 3, 18) : Nous sommes appelés, dès ici-bas à être transfigurés, divinisés toujours davantage par l’action de l’Esprit en nous, en attendant de l’être totalement » (Phi 3, 21). C’est pourquoi Jésus préfère se désigner comme « Fils de l’homme » plutôt que « Fils de Dieu ».

Par le baptême, nous avons revêtus le Christ. « Si nous mourrons avec lui, avec lui nous vivrons », pas seulement après notre mort mais dès maintenant ! Si nous vivons en dehors de cette vie divine nous sommes déjà « morts ». Il faut bien remarquer que l’évènement de la Transfiguration n’est pas une apparition de Jésus ressuscité mais une vision de Jésus avant sa Pâque. Une expérience exceptionnelle qui vient mettre de l’espérance dans un avenir qui s’annonce douloureux. À chacun de nous de voir, avec les yeux de la foi, les aspects mystérieux de nos vies. Nous sommes des porteurs d’éternité car nous portons en nous le mystère de notre relation personnelle au Père par le Christ dans l’Esprit. Cette vie divine se révèle dans notre humanité non seulement dans des moments de grâce, mais aussi dans les souffrances (les nôtres ou celles de nos frères) vécues avec foi. Pensons au centurion et à ceux qui, avec lui, gardaient Jésus : « Ils disaient : vraiment celui-ci était le Fils de Dieu » (Mt 27, 24). C’est la même expression de foi en Jésus transfiguré et en Jésus défiguré !

En ce temps de Carême, nous sommes en marche vers Pâques, la grande fête de notre divinisation. Pourquoi venons-nous à la messe ? Sinon pour écouter et vivre ce que Jésus nous révèle : « Nous devenons héritiers de Dieu » (Rom 8, 17). Demandons-lui la grâce de porter sur nous-mêmes et sur nos frères et sœurs un regard qui tienne compte de cette vocation commune de « fils dans le Fils ».