Homélie TO 11 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 11

Par Frère Patrice
 croix - arcabas

11ème dimanche du temps ordinaire

1ère lecture : « Je relève l’arbre renversé » (Ez 17, 22-24)
Lecture du livre du prophète Ézékiel
Ainsi parle le Seigneur Dieu : « À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront. Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. »

Psaume : 91 (92)
R/ Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce !

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits.

Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
planté dans les parvis du Seigneur,
il grandira dans la maison de notre Dieu.

Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »

2ème lecture : « Que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur » (2 Co 5, 6-10)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps.

Evangile : « C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit, elle dépasse toutes les plantes potagères » (Mc 4, 26-34)

Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc   En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »
 Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
 Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.

© AELF Paris 1980

 Homélie

"Jésus ne disait rien à ses disciples sans parabole." Un peu comme des parents qui sont bien embarrassés pour expliquer à leur enfant une chose un peu difficile. Alors ils inventent une histoire ou ils font un dessin ! Mais la parabole n’est pas simplement un instrument qu’on utilise pour véhiculer une idée, pour l’illustrer ; plus profondément elle signifie que « des choses importantes, on ne peut en parler qu’en paraboles ». Parce qu’une parabole ça ouvre des tas de pistes parfois insoupçonnées, un peu comme des balises qui permettent d’avancer sur des chemins inconnus où l’on n’ose pas s’aventurer. Les paraboles sont faites pour rendre intelligents ceux qui veulent parler  des choses difficiles à dire. Car l’annonce du règne de Dieu n’aura jamais la clarté d’un raisonnement logique.

Alors Jésus nous dit qu’il en est comme d’un homme qui sème, ou qu’il en est comme d’une graine de moutarde. Mais au fait de quoi veut-il nous parler ? Du royaume des cieux, oui. Mais surtout de LA PAROLE. Jésus utilise les paraboles pour annoncer La Parole : celle de Dieu. Et pourquoi prend-t-il ces exemples : parce que le royaume des cieux c’est quelque chose qui  vit, tout comme les semences, tout comme la graine de moutarde, tout comme ces oiseaux qui vont sur les branches issues de la petite graine de moutarde !

Et Saint Marc nous dit que Jésus annonçait ainsi la Parole à ses disciples dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Comprendre, c’est faire sien, c’est se laisser toucher et transformer. Et c’est  justement ce à quoi la liturgie de ce matin nous appelle, notamment au travers de la Parole qu’elle nous donne à entendre. Elle nous appelle à adopter une attitude inhabituelle : nous ouvrir à une parole mystérieuse qui nous indique que notre vie peut se vivre dans le sens d’un accomplissement. C’est toujours un appel à la vie.

Madeleine DELBREL a cette très belle pensée. « L’Évangile est le livre de la Vie du Seigneur. Il est fait pour devenir le livre de notre vie. Il n’est pas fait pour être compris mais pour être abordé comme un seuil de mystère. Il n’est pas fait pour être lu mais pour être reçu en nous. Ses paroles sont  elles-mêmes comme le levain initial qui attaquera notre pâte et la fera fermenter d’un mode de vie nouveau ». (Tome 3, Oeuvres complètes, p. 56-57)

Les images sont là. La parole, comme la semence, tombe en terre. Notez bien qu’elle n’est pas enterrée comme on le lit dans cette parabole des talents qu’un serviteur enterre…et les laisse croupir sur place. Enterrer, c’est refuser de vivre, de croître, de donner du fruit !  Non elle est simplement enfouie, tout comme le levain que le boulanger ou la cuisinière met dans sa pâte pour la faire lever. Enfouie, condition indispensable pour qu’elle puisse alors porter du fruit, tout comme le levain porte du fruit en faisant lever la pâte. Et bien il en va de même pour la parole de Dieu qui tombe dans notre terre. Enfouie, elle est là au fond de nous, murit tout doucement pour ensuite éclater au grand jour. Ce n’est pas étonnant d’ailleurs que parfois on ne comprenne pas sur le champ telle ou telle parole de l’évangile : laissons-la germer et mûrir, sûrs, déjà, qu’elle est bien ancrée au fond de notre cœur et de notre esprit.  Mais ne l’oublions pas ! Sinon elle deviendrait, comme dit Charles Péguy « une parole vivante conservée moisie dans une petite boite ».

Une fois qu’elle est là, Jésus nous invite avec elle à vivre dans le temps de l’accomplissement. L’accomplissement de nous-mêmes grâce à cette parole que nous avons reçue. C’est notre devoir mais aussi notre grande joie de voir que nous pouvons, grâce à cette parole,  porter du fruit, tout comme la graine de moutarde donne un feuillage immense. Mais aussi, et par là même, permet l’accomplissement du royaume de Dieu. Au tout début de son évangile, Saint Marc nous dit que les temps sont accomplis et que le royaume de Dieu est tout proche. Ce  n’est pas demain, ce n’est pas après notre mort. Non, c’est maintenant dans ce que nous faisons et vivons pour donner notre pleine mesure humaine. Les temps sont accomplis en accomplissant la Parole de Dieu

Ce n’est pas pour rien qu’au début de ces paraboles Jésus nous dit qu’il en va du Royaume comme d’un homme. Un homme, chaque homme, et donc chacun de nous, qui a son rôle à jouer dans la venue du royaume. Tout comme il en va d’une femme qui enfouit du levain dans une mesure de farine. Et si on sème, si on met du levain dans la pâte, c’est le signe qu’on croît à la vie.

Je terminerai par une courte phrase de Charles Péguy « Jésus Christ, mon enfant, n’est pas venu pour nous dire des fariboles... il n’a pas fait le voyage de venir sur terre… pour nous conter des amusettes et des blagues ». Non, il est venu pour nous dire que le temps est là : à nous de le prendre en main.