Homélie TO 15 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 15

Par Frère Antoine
croix de gloire

16ème dimanche du temps ordinaire

1ère lecture : « Va, tu seras prophète pour mon peuple » (Am 7, 12-15)
Lecture du livre du prophète Amos
En ces jours-là, Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Toi, le voyant, va-t-en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser, car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. »
Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète, j’étais bouvier et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël. »

Psaume : Ps 84 (85)

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour et donne-nous ton salut.

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui, 
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : « Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde » (Ep 1,3-14)  Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens  

Béni soit Dieu, le Père
de notre Seigneur Jésus Christ !
Il nous a bénis et comblés
des bénédictions de l’Esprit,
au ciel, dans le Christ.

    Il nous a choisis, dans le Christ,
avant la fondation du monde,
pour que nous soyons saints, immaculés 
devant lui, dans l’amour.

    Il nous a prédestinés
à être, pour lui, des fils adoptifs
par Jésus, le Christ.

Ainsi l’a voulu sa bonté,
    à la louange de gloire de sa grâce,
la grâce qu’il nous donne
dans le Fils bien-aimé.

    En lui, par son sang,
nous avons la rédemption,
le pardon de nos fautes.

C’est la richesse de la grâce
que Dieu a fait déborder jusqu’à nous
en toute sagesse et intelligence. 

    Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté,
selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ :
    pour mener les temps à leur plénitude,
récapituler toutes choses dans le Christ,
celles du ciel et celles de la terre.

    En lui, nous sommes devenus
le domaine particulier de Dieu,
nous y avons été prédestinés 
selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé :
il a voulu  que nous vivions 
à la louange de sa gloire,
nous qui avons d’avance espéré dans le Christ.

    En lui, vous aussi,
après avoir écouté la parole de vérité,
l’Évangile de votre salut,
et après y avoir cru,
vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint.
Et l’Esprit promis par Dieu
est une première avance sur notre héritage,
en vue de la rédemption que nous obtiendrons,
à la louange de sa gloire.

« Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13)
Acclamation
Alléluia. Alléluia. 
Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ;  alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton, pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds, ce sera pour eux un témoignage. » Ils partirent et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades et les guérissaient.

© AELF - Paris 2013

Homélie

Tous les évangélistes ont écrit leur évangile pour que nous ayons la foi et qu’en ayant la foi, nous ayons la Vie. L’évangile de St Marc est connu pour être le plus adapté aux catéchumènes. En effet, il décrit plus que les autres les étapes de la foi, son évolution, ses épreuves, depuis la  foi de l’hémorroïsse qui peut paraître superstitieuse, à celle étonnante, du centurion romain qui le premier s’exclame : « vraiment cet homme est le Fils de Dieu ». Une des caractéristiques de St Marc est « le secret messianique » c’est-à-dire la demande de ne pas dire trop vite que nous savons qui est Jésus avant de le voir mort sur la croix et de reconnaître en Lui le Messie.

La foi chrétienne. La lecture de l’évangile de dimanche dernier terminait  en signalant l’étonnement de Jésus devant le manque de foi de ses compatriotes de Nazareth. Manque de foi ? N’étaient-ils pas tous rassemblés à la synagogue le jour de sabbat pour prier Dieu ? Les juifs n’ont pas attendu Jésus pour croire en Dieu ! Cette petite remarque nous apprend trois choses.

1) Jésus n’est pas venu nous révéler que Dieu existe, mais qu’il nous aime, non pas globalement mais chaque être humain personnellement. Il veut tirer chacun de nous des forces du Mal. Non pas par des discours mais par des actes, étant lui-même cette incarnation de l’amour divin. «  Dieu n’envoie pas la grâce par la poste, il l’apporte lui-même » (pape  François). Le dessein de Dieu est que chaque être humain puisse devenir son enfant. « Il est venu dans le monde et le monde ne l’a pas reçu. Mais à ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jean 1,12). Que l’on soit juif, chrétien, blanc ou noir, riche ou pauvre, chaque être humain est appelé à partager la vie même de Dieu. C’est cela « le salut du monde », c’est la réussite de la création. Personne d’autre que Jésus n’a jamais proposé une telle vocation en s’adressant à tous les hommes.

2) Ce n’est pas la religion qui sauve, c’est la foi en Jésus reconnu comme envoyé du Père et sauveur du monde. Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres, ils sont différents. Comme les autres, ils peuvent être des pratiquants mais ne pas avoir la foi que Jésus demande. Les nazaréens croyaient en Dieu et le priait mais  la pratique de la Loi remplaçait la foi telle que Jésus la révèle. Il nous faut passer du « vieil homme » soumis au Mal, ce que chacun est de naissance à « l’homme nouveau » comme dit St Paul : une renaissance dans notre manière d’être et de vivre. Aimer Dieu en aimant son prochain voilà l’essentiel de la révélation chrétienne. C’est cela que les 12 apôtres doivent vivre avant de le dire. C’est pourquoi ils sont envoyés deux par deux. C’est notre manière de vivre en relation avec les autres qui est le test de notre amour de Dieu. D’où les deux commandements qui résument la Loi.

3) La foi est un acte personnel. Jésus aurait pu envoyer ses disciples pour annoncer un grand rassemblement autour de Jésus sur l’esplanade du Temple. Le succès des grandes foules autour du pape pour les JMJ ou au cours de ses voyages supposent, en amont, un intérêt qui n’est pas simple euphorie collective. Il y a un face à face dans la rencontre personnelle avec Jésus à travers ses témoins.

La mission. « Jésus commença à les envoyer en mission deux par deux. » L’intérêt de l’évangile d’aujourd’hui est qu’il nous parle d’une première mission, du B.A. BA de la mission avant la Pentecôte. Après Pentecôte, le message des disciples est d’annoncer : « Ce Jésus que vous avez crucifié est ressuscité ». Mais ici Jésus n’est pas encore mort et quand il prêche de quoi parle-t-il ? du Royaume des cieux dans lequel chacun est appelé à entrer. Ce Royaume ne lui est pas extérieur, c’est lui-même qui incarne la miséricorde divine en étant attentif à chacun, en guérissant les malades… «  Il est passé en faisant le bien ». Il est lui-même la Vie. Accueillir Jésus c’est accueillir le Royaume.

Une autre  caractéristique de notre évangile est que Jésus envoie ses disciples en mission sans parler de message à faire connaître. Il ne leur dit pas : vous raconterez la parabole du semeur ou celle du Père prodigue… Pas de consigne à ce sujet. En revanche, il donne des détails sur leur façon d’être et de se comporter, en exigeant deux choses : la pauvreté et l’humilité. « Ne rien prendre pour la route… ». Les apôtres n’apportent pas la lune, ils s’apportent eux-mêmes en mendiant gîte et couvert. Ils mettent ainsi leurs interlocuteurs dans la liberté d’ouvrir ou de fermer leur porte. Il s’agit d’amour réciproque manifesté en actes, avant les paroles. St François d’Assise envisageait aussi cette première mission en disant à ses frères « on peut évangéliser aussi par la parole ». Le plus important n’est pas ce que nous disons mais ce que nous sommes. Et le message chrétien n’est pas séparable de la Vie qui nous est donnée par la foi.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de « nouvelle évangélisation ». Avant d’évangéliser les autres, nous devons nous laisser  évangéliser nous-mêmes. Ensuite nous sommes, chacun,  envoyés en mission par notre baptême et par  notre confirmation. Chaque fois que nous venons à la messe le prêtre nous envoie en mission. Dans la foi, c’est Jésus qui renouvelle pour nous cet envoi au monde qui est le nôtre. Les premiers destinataires de l’évangélisation c’est nous-mêmes. Dans la mesure où nous accueillons en nous l’Esprit de Jésus. Nous n’avons pas été baptisés pour être des chrétiens catholiques ou protestants, conciliaires ou intégristes, nous avons été baptisés pour être des enfants de Dieu, pour crucifier « le vieil homme » qui habite en nous, en faveur de « l’homme nouveau » qui doit naître et grandir. «  Nous ne naissons pas chrétiens, nous le devenons » (Tertullien).

À nous d’ouvrir notre porte. Sommes-nous « ouverts » ou « fermés » ? Quelle est notre capacité d’accueillir un étranger ? La question est d’actualité. Jésus court encore aujourd’hui le risque que nous ayons envers lui le même refus que ses compatriotes.

Pour terminer, pensons à l’exemple que donne notre pape François en voyage missionnaire en Amérique latine. Il se présente comme « le témoin de la miséricorde de Dieu » (miséricorde = qui a le cœur sensible à la misère des autres). Retenons son habitude de visiter les prisonniers, des êtres que la société a jugés dangereux. Il ne va pas les féliciter de leur crime ou leur faire la morale. Il commence par les remercier de l’avoir accueilli. Il  leur dit que lui-même aurait pu être condamné s’il avait une enfance et une vie semblable à la leur. Même pape il est un homme pardonné. Jésus est venu sauver tous les hommes et non les condamner. Voilà la bonne nouvelle, l’évangile à faire connaître avec humilité et pauvreté.