Homélie TO 20 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 20

Par Frère Patrice
croix de gloire

20ème dimanche du temps ordinaire

1ère lecture : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé » (Pr 9, 1-6)
Lecture du livre des Proverbes

La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé sept colonnes. Elle a tué ses bêtes, et préparé son vin, puis a dressé la table. Elle a envoyé ses servantes, elle appelle sur les hauteurs de la cité : « Vous, étourdis, passez par ici ! » À qui manque de bon sens, elle dit : « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé. Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence. »

Psaume : Ps 33 (34)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Saints du Seigneur, adorez-le :
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim ;
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien.

Venez, mes fils, écoutez-moi,
que je vous enseigne la crainte du Seigneur.
Qui donc aime la vie
et désire les jours où il verra le bonheur ?

Garde ta langue du mal
et tes lèvres des paroles perfides.
Évite le mal, fais ce qui est bien,
poursuis la paix, recherche-la.

2ème lecture : « Comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur » (Ep 5, 15-20)
Lecture de la lettre de saint Paul aux Éphésiens
Frères, Soeurs, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur. Ne vous enivrez pas de vin, car il porte à l’inconduite ; soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint. Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur. À tout moment et pour toutes choses, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, rendez grâce à Dieu le Père.


Évangile : « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58)

Alléluia. Alléluia. Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui, dit le Seigneur. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

© AELF - Paris 2013


Homélie

Dans tout le chapitre 6 de son évangile, St Jean relate les paroles de Jésus qui s’adresse à la foule et aux disciples pour leur parler du « pain vivant ».

Mais ce matin, je crois qu’il veut s’adresser à chacun de nous individuellement. Pourquoi je dis cela ? Parce que Jésus veut nous faire prendre conscience de sa présence au cœur de chacun de nous. Et c’est là tout un mystère et tout un programme de vie !

Avons-nous vraiment faim de Dieu, faim de Jésus qui veut se donner à nous en nourriture ?

Avoir faim, c’est ce qui précède l’acte de manger. Avoir faim, c’est prendre conscience d’un manque en nous et qui se fait ressentir aussi bien au plan psychologique qu’au plan biologique. La faim nous habite. Parfois elle nous tenaille et parfois on veut l’ignorer…

La faim nous habite, et nous rend conscients que Jésus est en  nous, qu’il est déjà réellement présent en  nous et que nous sommes des tabernacles vivants. Des tabernacles vivants qui peuvent brûler de faim et de désir comme les disciples d’Emmaüs qui avaient cheminé sur la route avec Jésus au soir de Pâques.

On  nous a habitués à nous dire que Jésus est présent au tabernacle et que c’est là qu’il faut l’adorer. Oui. Mais en fait tout doit commencer au fond de nous. Sommes-nous reconnaissants de sa présence réelle en nous Et est-ce que nous désirons autant être avec  Lui qu’il désire être avec nous ?

Un père de l’Eglise ( Grégoire le Grand) nous dit que le festin auquel nous sommes appelés, c’est tout d’abord la connaissance la plus intime, la plus pure, la plus simple, la plus sentie et la prise de conscience de l’habitation et de l’opération de Dieu au fond de notre cœur, au fond de notre âme.

Vous avez peut-être entendu parler des Chartreux. Ils prient au fond de leurs cellules, conscients que Jésus est là au fond de leur cœur, bien vivant. Tout comme parfois nous pouvons communier de désir,  incapables de nous rendre à l’eucharistie de dimanche ou de semaine, mais désireux de renouveler la présence de Jésus en nous par le simple mais grand désir.

Alors me direz-vous : à quoi bon communier, à quoi bon faire eucharistie ? Si Dieu est déjà en nous ?

Ce serait oublier qu’au soir du Jeudi Saint Jésus a institué l’eucharistie et nous a dit « vous ferez cela en mémoire de moi ».

C’est aussi une façon de ranimer la flamme qui brille ou vacille au fond de nous.

Pensez à cette tradition  qui consiste à venir ranimer tous les jours la flamme qui brûle sous l’Arc de Triomphe à Paris. Ranimer cette flamme de la présence de Dieu en nous, afin qu’elle se  transforme en feu dévorant au fond de nos cœurs.

Ou alors prenez ces images que les mystiques ont élaborées, faute de pouvoir exprimer ce mystère en termes facilement compréhensibles.

Ils comparent l’eucharistie à  un feu brûlant qui agit sur le bois qu’on jette dessus, lui enlevant son humidité, sa verdeur, sa nature grossière et le rend plus chaud, plus ardent plus homogène, au point de ne plus faire qu’un avec lui. (Tauler œuvres complètes page 244).

Ou encore,. Rien ne dispose plus la matière (lisez l’âme) à devenir feu, que de l’approcher du feu et de la laisser pénétrer de plus en plus par la chaleur. Si humide qu’elle puisse être, fût-elle-même de  grès ou d’acier, qu’elle reste près du feu, et le feu agira sur elle et la rendra semblable à lui-même. ( Tauler, œuvres complètes page 248).

Les sacrements nous donnent la grâce. Mais l’Eucharistie nous donne Jésus ; c’est ce qui en fait toute sa grandeur et sa merveille.  La communion devient alors le lieu et la rencontre dans le fond de notre âme où Dieu se sent comme chez lui…et où nous pouvons nous sentir comme chez Dieu et dire comme à la Transfiguration «  il nous est bon d’être ici ; dressons-y trois tentes ».

C’est ce qui faisait dire  Saint Augustin dans ses Confessions : 

« Je suis l’aliment des grands, grandis et tu mangeras.
Et tu ne me changeras pas en toi, comme l’aliment de ta chair
Mais c’est toi qui seras changé en moi ». (Confessions VII, X)