Homélie de la sainte Trinité — Abbaye de Tamié

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Homélie de la sainte Trinité

Par frère Didier

p_bouquet_autel_vierge.jpgSolennité de la sainte Trinité

Ici, chaque soir, à la dernière prière du jour, nous redisons à Dieu notre grand désir, le grand désir de tous les hommes, de chacun de nous :
« Qui nous fera voir le bonheur ? » - « Qui nous fera voir le bonheur ?»

Un jeune moine-poëte, qui avait sans doute trouvé la réponse, écrivait un jour :
« C’est un bonheur étranger… il vient de loin… ça me dépasse... c’est mon bonheur… en voulez-vous ? »
Ce Jésus qui nous redit sans cesse : « Heureux ! Heureux !
Heureux les pauvres !... Heureux les artisans de paix !... ». Ne serait-ce pas lui le Maître du bonheur ?... Et que nous dit-il aujourd’hui ?... - et ce sont ses dernières paroles, qui rassemblent tout son message - « Baptisez le monde entier au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. »

Et le bonheur, s’il était là !... dans la rencontre du Père et du Fils et du Saint-Esprit…
Alors, nou, qui avons soif de bonheur comme tout le monde, si nous partions à leur rencontre, si nous nous décidions, une bonne fois pour toutes, à les rencontrer, à nous laisser baptiser en eux,… c’est-à-dire : plonger en eux,… embrasser par eux… !

Et ne les cherchons pas dans le monde des grandes idées sur Dieu - pourtant notre intelligence ne peut qu’en être illuminée - ni dans un Ciel imaginaire,… ni dans un délire d’affectivité - pourtant notre affectivité ne peut que s’y épanouir…

Trouvons-les simplement tous les Trois là où ils sont : en nous !
Oui, en nous…
C’est la merveille que nous avons chantée dans le chant d’entrée… mais vous n’avez peut-être pas fait attention à la merveille que vous chantiez ! « Nous sommes ta demeure pour toujours ! » Si nous savions le Don de Dieu !... Dieu qui a sa demeure en nous !... Et qui se donne à nous !...

Frères et sœurs, il y a là deux réalités d’une importance extrême…
Oui, car il y va de notre bonheur !...

Et aussi, d’ailleurs, du bonheur de Dieu !
Premièrement, cette Présence de Dieu en nous. C’est Jésus qui nous le dit dans l’Evangile d’aujourd’hui : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Et on se rappelle cette autre parole :
« Vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous ! »
- Oh ! ces paroles-là, il faut les mémoriser, ne jamais les oublier et les graver en or dans votre cœur et dans votre regard…-
Oui, Il est Dieu-avec-nous, c’est son nom… Dieu-en-nous !

Et deuxièmement, Il se donne… Il ne peut pas ne pas se donner !
Se donner, c’est sa Vie !...Comme le Père ne cesse de se donner à son Fils et le Fils de se donner à son Père, ils ne cessent de se donner à nous…C’est pourquoi, ces Trois-là, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, on ne peut que les accueillir, et se donner à eux…On ne peut pas seulement penser à eux, ou les regarder… Il faut les rencontrercommunier.
Vous avez remarqué que je ne parle jamais de « Trinité »… Je fais comme Jésus, je parle du Père, du Fils et du Saint-Esprit… Comme cela on exprime mieux qu’il s’agit de personnes… Mais je reste insatisfait : cela ne dit pas encore assez que ce sont des personnes à rencontrer, qui demeurent en nous, qui nous accueillent et se donnent à nous… comme elles s’accueillent et se donnent entre elles… Ce n’est pas « Dieu le Père », c’est « Abba ! » Papa ! comme dit Jésus… C’est mon Père bien-aimé que j’aime… Et Jésus, c’est mon Frère bien-aimé que j’aime… Et l’Esprit, c’est cet Ami de toujours, cet Ami que j’aime… C’est cela être chrétien, c’est cela être baptisé : c’est vivre cette communion d’Amour avec ces Trois Amours qui sont l’Amour en moi… Il faut la vie pour cela…

J’aime à redire souvent ces trois versets de mon poète préféré :
« Une route ça vaut la peine
(comprenez : la route de la vie ça vaut la peine)
pour être ensemble
pour voir où tu m’habites »
Pour avancer sur le chemin de l’expérience de cette Présence en nous, nous pouvons prendre la main d’Élisabeth de la Trinité, cette carmélite de Dijon… Vous savez que cette année, cela fait cent ans qu’elle est arrivée au bout du chemin, à l’âge de 26 ans. De plus en plus elle a voulu vivre cette communion … Avec elle on est sûr d’être toujours entraîné dans cette communion :
« Il est en moi, je suis en lui, je n’ai qu’à l’aimer, à me laisser aimer et cela tout le temps… Je n’ai qu’à me recueillir pour le trouver au-dedans de moi et c’est cela qui fait tout mon bonheur. »

Jésus nous le dit bien : « Ton Père est là dans le secret. »
Il faut donc nous recueillir
Faire des haltes,… des pauses,… des haltes de recueillement, des pauses de silence… pour écouter…
Comme au bord de la mer, on ne se lasse pas d’écouter le chant de l’océan… Comme en forêt, on s’arrête pour écouter le chant des oiseaux, le bruissement des insectes, le frémissement des feuillages dans le vent… Peu à peu notre écoute va s’affiner… et l’on va se mettre à entendre…, à entendre le murmure incessant de la voix amoureuse de Dieu… qui ne cesse pas de nous murmurer son « Je t’aime. »
Et peu à peu nous allons aussi nous mettre à ressentir,.. ressentir la Présence de l’Amour… comme Fr. Christophe de Tibhirine qui écrivait dans son Journal : «Aujourd’hui j’entends au fond de moi ton bonheur d’être en moi.»

Oui, frères et sœurs, c’est vrai, car notre Dieu nous dit toujours :
« Réjouis-toi, réjouis-toi ! car je me plais en ta présence, et je me réjouis que tu te plaises en ma présence ! »

Ainsi nous allons nous mettre à ressentir qu’il se passe –dans le secret- des choses extraordinaires : que notre Père bien-aimé ne cesse de nous donner à son Fils bien-aimé et que ce Frère aimé ne cesse de nous donner à son Père,… que nous sommes le plus beau cadeau que notre Père fait à Jésus et le plus beau cadeau que Jésus fait à son Père, de même que Jésus est le plus beau cadeau que nous fait notre Père et que notre Père est le plus beau cadeau que nous fait Jésus !
C’est ainsi que, par le don perpétuel de l’Esprit, nous sommes saisis par un mouvement incessant d’accueil et de don, dans la Vie amoureuse de Dieu...Et que dire alors ?... sinon « Merci… Pardon... Je t'aime... »
Merci… Pardon... Je t'aime… Cela peut devenir notre prière de tous les instants… Merci pour tant d’Amour donné !
Pardon pour tant d’Amour mal accueilli !
Et surtout ce « Je t’aime » que Dieu attend de chacun de nous, en réponse à son Amour, pour que s’accomplisse la rencontre, la communion….
Mais la réponse, ce sera aussi de dire ce « Je t’aime » à toute personne rencontrée...
Comme Marie qui, après avoir expérimenté la présence du Père, du Fils et de l’Esprit au moment de l’Annonciation, se hâte aussitôt d’aller visiter sa cousine Élisabeth,… et qui, dans cette Visitation, dans cette rencontre, fait à nouveau l’expérience du Père dont elle chante l’Amour, du Fils bien-aimé qui est l’enfant adoré qu’elle porte en elle, et de l’Esprit qui fait bondir de joie Jean-Baptiste, prophétiser Élisabeth et qui la fait exulter et si bien chanter son « Magnificat » !

Ainsi, frères et sœurs, dans nos rencontres fraternelles nous faisons aussi l’expérience de la Présence du Père, du Fils et du Saint-Esprit… parce que les autres, tous les autres, sont aussi la demeure du Père, du Fils et du Saint-Esprit,… et qu’en toute rencontre fraternelle, nous pouvons découvrir qu’un Autre,… un Troisième est là :
l’Amour-en-Trois-Amours… dont l’ami, le frère, l’époux… dans l’amitié, la vie communautaire, la vie conjugale, ou d’autres relations humaines,… nous offre un visage, nous transmet la bonté, nous fait expérimenter la présence aimante…
L’ami, le frère, l’époux…celui qui nous aime, nous redit sans cesse l’infini bonheur que Dieu désire pour nous,... ce bonheur qui est d’entrer ensemble, en communauté –c'est-à-dire avec tous- dans la communauté même de Dieu…Vivre ensemble, en fraternité, a forcément un goût de bonheur trinitaire

N’est-ce pas justement ce que nous vivons maintenant en cette eucharistie ?
Ne sommes-nous pas rassemblés par l’Esprit Saint pour recevoir le Fils qui se donne à nous… pour que nous devenions par lui, avec lui et en lui,… pour que nous devenions en plénitude les fils bien-aimés de Dieu notre Père et les frères très aimants de tous…?
Oui, frères et sœurs, la liturgie réunit nos deux premiers espaces de rencontre, de reconnaissance et de communion :
- le cœur où l’on se recueille,
- et le monde des relations fraternelles,
en un troisième espace où nous pouvons célébrer ensemble notre Père bien-aimé, notre Frère le Seigneur Jésus et leur Esprit d’Amour…
Et c’est pour notre bonheur… maintenant… et toujours !

Frère Didier