Homélie - Fête de la Sainte Famille — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié
Navigation

Homélie - Fête de la Sainte Famille

Par Frère Jean

Homélie pour la fête de la sainte Famille
Jésus, Marie, Joseph à Nazareth
Luc 2, 41-52



Introduction

En cette fête de la Sainte Famille, bonne fête à toutes vos familles !
Nous savons peu de choses sur ces trente ans de vie de la Sainte Famille à Nazareth. Mais nous-mêmes qu'avons-nous retenu de cette multitude de gestes, de paroles, de silences, de joies, de tristesses, de tous les petits détails de chaque jour qui ont tissé nos propres vies ?
Humblement, remettons cette année écoulée entre les mains de Dieu pour qu'il la transfigure.

Homélie.

Ces fêtes de fin d'année sont souvent l'occasion de retrouvailles familiales. La rencontre des générations conduit à évoquer des événements ou des morceaux d'histoire de la famille. Les plus anciens retrouvent certains souvenirs. Les plus jeunes découvrent des événements vécus par d'autres générations qui ont orienté ou tissé leur existence sans qu'ils en aient eu conscience. Avons-nous essayé de relire trente ans d'existence de notre famille ? De notre communauté ?

Ainsi nous pouvons redécouvrir les grands événements qui ont jalonné nos vies. Mais nous pouvons revoir aussi tous ces petits détails, ces petits gestes quotidiens, ces habitudes qui de fait nous ont tissés, modelés construits jour après jour. Et si nous relisions tout cela à la lumière de notre foi !

En ce dimanche de la Sainte Famille l'Église nous invite à méditer sur ces trente premières années du Fils de Dieu fait homme dans ce lent déroulement du temps.

Selon saint Pierre : «Pour Dieu 1000 ans sont comme 1 jour et 1 jour comme 1000 ans » (2 P 3, 8). Voilà qu'en Jésus, Dieu est venu vivre au rythme des lentes maturations de notre monde créé, il est venu vivre la lente croissance d'un être humain, comme nous le dit saint Paul : «Le Fils de Dieu s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes » (Ph 2, 6-7). L'incarnation du Fils de Dieu n'a pas été une comédie, mais il vécue une vie pleinement humaine, hormis le péché. Jésus de Nazareth a vécu cette longue maturation comme tout être humain, avec ses tâtonnements et ses recherches. Depuis sa naissance jusqu'à son baptême par Jean Baptiste et les noces de Cana, la vie de Jésus s'est déroulée au sein de cette humble famille de Nazareth.

Sans doute, Dieu avait choisi et préparé Marie pour être cette mère transparente à l'amour du Père pour son fils incarné. Il avait choisi Joseph, un homme juste, c'est-à-dire ajusté au vouloir du Père pour être le guide de cette famille. Mais ils gardaient les limites culturelles et humaines de leur époque. Jésus a grandi plongé dans cette foi qui animait Joseph et Marie. Ceci avait fait dire à Guerric d'Igny, un père cistercien du 12ème siècle : « Je voudrais passer en silence à m'instruire à l'école du Verbe, au moins autant de temps que le Verbe lui-même en passa à recevoir en silence l'éducation maternelle ».

La Parole de Dieu, transmise par Moïse et les prophètes était lue chaque sabbat à la synagogue où dès 6 ou 7 ans les garçons apprenaient à lire. Le jeune Jésus, comme les autres, était ainsi initié à l'alliance avec Dieu. Sans parler de la prière des Psaumes qui ponctuait la vie de toutes les familles croyantes.


Comment se fait-il que vous m'ayez cherché ? Ne saviez-vous pas, c'est chez mon Père que je dois être ?L'évangile que nous venons d'entendre nous permet de comprendre comment Jésus pouvait découvrir progressivement les appels du Père dans sa conscience humaine par la lecture de la Parole et la prière de son Peuple. Jésus a entendu chaque année le récit de la naissance et de la vocation de Samuel que nous avons entendu dans la première lecture. Ceci nous permet de comprendre qu'à l'âge de 12 ans, à sa majorité religieuse, l'intimité spirituelle de Jésus avec son Père ait grandi dans sa prière et il pouvait être ainsi conduit à voir dans la vie de Samuel, un appel à rester lui aussi dans le temple. D'où son étonnement devant l'incompréhension de Marie et Joseph dans la foi desquels il a grandi : "Pourquoi me cherchez vous ? Ne saviez vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ?" Mais voilà, ses parents, ceux à qui Dieu a confié son Fils pour en faire un homme, ne comprennent pas ses paroles ! Dans son incarnation l'obéissance du Fils au Père passe par son obéissance à ces parents à qui il a été confié. Il descendit avec eux, à Nazareth et il leur était soumis comme nous venons de l'entendre dans l'évangile. Bienheureuse incompréhension de Marie et Joseph par laquelle Dieu le Père guide son Fils incarné, dans sa mission. En effet Samuel en partant du Temple de Silo où il avait grandi, était revêtu d'une autorité institutionnelle incontestée, semblable à celle des prêtres et des scribes de l'époque de Jésus. C'est bien par un tout autre chemin que le Fils de l'homme va accomplir sa mission. C'est ainsi que contrairement à Samuel, Jésus ne commencera pas sa mission à partir du Temple. Mais c'est de Nazareth en Galilée, qu'il partira. C'est à Cana, à 6 km de Nazareth, qu'il opérera le premier signe et pas de même aux yeux des prêtres, scribes et notables de Jérusalem qui ne cesseront de le contester. Jésus rappellera sans cesse à ses disciples « qu'il est venu non pour être servi mais pour servir» (Mc 10, 45). De plus la Parole de Dieu des "chants du Serviteur"  transmise par le prophète Isaïe (Is 53, 1-12) sera un guide de relecture, pour les disciples devant le scandale de la Passion et de la Croix.

Ainsi l'évangéliste Luc ne peut s'empêcher de relire cet évènement de la vie de Jésus à 12 ans, dans la lumière de sa foi en la mort et la Résurrection du Christ. Ainsi il va présenter la vie publique de Jésus comme une lente monté vers Jérusalem, depuis la Gallilée, cette province méprisée par les habitants de la capitale. Également il semble se plaire à montrer que les 3 jours de recherche de Jésus et l'incompréhension de Marie et Joseph annoncent sa mort et sa Résurrection le troisième jour, et l'incompréhension des disciples devant sa Passion. De même, au matin de Pâque, le troisième jour, aux saintes femmes qui cherchent Jésus, il leur sera dit : «Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant?», celui qui, alors, désormais ne sera pas assis dans le temple de Dieu au milieu des docteurs et des scribes, mais à la droite du Père. C'est encore Lui qui se révélera comme le nouveau Temple de Dieu et c'est en Lui et par Lui que nous pouvons rencontrer le Père. La Bonne Nouvelle que le Fils de Dieu est venu rendre visible par sa vie d'homme est cet Amour infini de Dieu pour toute l'humanité, mais en langage humain Jésus précisera : « Nul n’a d’amour plus grand que celui-ci : donner sa vie pour ceux qu’il aime » (Jn 15,13).

Comme saint Luc nous a montré le chemin, relisons aussi les évènements des vies de nos familles dans la lumière de notre foi en ce Christ mort et ressuscité.

Bonne année à tous dans la lumière de l'Espérance qui germera de nos relectures familiales!