Homélie - TO 33 — Abbaye de Tamié

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Homélie - TO 33

Par Frère Patrice
croix - arcabas
33ème dimanche du temps ordinaire

1ère lecture : La femme vaillante fait fructifier ses talents (Pr 31, 10-13.19-20.30-31)   Lecture du livre des Proverbes
La femme vaillante, qui donc peut la trouver ? Elle est infiniment plus précieuse que les perles. Son mari peut avoir confiance en elle : au lieu de lui coûter, elle l'enrichira. Tous les jours de sa vie, elle lui épargne le malheur et lui donne le bonheur. Elle a fait provision de laine et de lin, et ses mains travaillent avec entrain. Sa main saisit la quenouille, ses doigts dirigent le fuseau. Ses doigts s'ouvrent en faveur du pauvre, elle tend la main au malheureux.
Décevante est la grâce, et vaine la beauté ; la femme qui craint le Seigneur est seule digne de louange. Reconnaissez les fruits de son travail : sur la place publique, on fera l'éloge de son activité.

 Psaume : 127, 1-2, 3, 4.5c.6a

R/ Heureux le serviteur fidèle : Dieu lui confie sa maison !

Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d'olivier.

Voilà comment sera béni
l'homme qui craint le Seigneur.
Que le Seigneur te bénisse tous les jours de ta vie,
et tu verras les fils de tes fils

2ème lecture : Soyons vigilants pour attendre la venue du Seigneur (1 Th 5, 1-6)
lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens
Frères, au sujet de la venue du Seigneur, il n'est pas nécessaire qu'on vous parle de délais ou de dates. Vous savez très bien que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : « Quelle paix ! Quelle tranquillité ! », c'est alors que, tout à coup, la catastrophe s'abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper. Mais vous, frères, comme vous n'êtes pas dans les ténèbres, ce jour ne vous surprendra pas comme un voleur. En effet, vous êtes tous des fils de la lumière, des fils du jour ; nous n'appartenons pas à la nuit et aux ténèbres. Alors, ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres.

 

Évangile : La venue du Fils de l'homme. Faire fructifier les dons du Seigneur (Mt 25, 14-30)
Acclamation :    Alléluia. Alléluia. Voici qu'il vient sans tarder, le Seigneur : il apporte avec lui le salaire, pour donner à chacun selon ce qu'il aura fait. Alléluia.    (cf. Ap 22, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole : « Un homme, qui partait en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l'un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt, celui qui avait reçu cinq talents s'occupa de les faire valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres. Mais celui qui n'en avait reçu qu'un creusa la terre et enfouit l'argent de son maître. Longtemps après, leur maître revient et il leur demande des comptes. Celui qui avait reçu les cinq talents s'avança en apportant cinq autres talents et dit : 'Seigneur, tu m'as confié cinq talents ; voilà, j'en ai gagné cinq autres. - Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.'
Celui qui avait reçu deux talents s'avança ensuite et dit : 'Seigneur, tu m'as confié deux talents ; voilà, j'en ai gagné deux autres. - Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître.' Celui qui avait reçu un seul talent s'avança ensuite et dit : 'Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient.' Son maître lui répliqua : 'Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l'ai pas répandu. Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l'aurais retrouvé avec les intérêts. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents !' »

© AELF

 Homélie

Quand je travaillais avant de rentrer à Tamié, le dernier grand patron que j’avais eu était tellement exigeant et dur dans le travail que je l’avais surnommé le "patron de la parabole des talents". Oui, il était très très dur, mais je dois avouer aussi qu’il m’a donné bien des leçons dont je garde encore aujourd’hui le souvenir et la pratique. Mais vraiment, je n’éprouvais aucun sentiment pour lui ; et il le sentait peut-être ? Et cela me rappelle Thérèse de Lisieux qui disait que Dieu se comporte avec nous selon l’image que nous nous faisons de Lui. Vous croyez en un maître dur, eh bien vous aurez affaire à un maître dur.

C’est un peu ce qui s’est passé pour ce serviteur qui avait enfoui son unique talent tellement il avait peur de son maître : « je savais que tu es un maître dur ».Cette parabole nous ouvre un premier horizon. D’une certaine façon, si on ne croît pas en l’amour de Dieu, on ne peut pas le rencontrer en vérité. Le talent c’est celui que Dieu nous a donné par amour, car Dieu nous a fait avec amour. Même un seul talent ( on le verra plus tard) est une preuve de l’amour de Dieu. Et ce talent, c’est comme une monnaie d’échange : il doit créer un lien entre Dieu et nous ; car qui dit échange dit que chacun doit y trouver son compte. C’est le propre de la monnaie : elle symbolise et concrétise l’échange. En enterrant le talent, le serviteur a enterré l’amour ; il le neutralise complètement. Mais pourquoi en faire toute une histoire pour un seul talent ? L’amour, l’amitié, vous le savez, c’est avoir foi en l’autre. Vous entendez parfois des jeunes qui sont à la recherche d’un premier emploi et qui utilisent souvent l’expression : «  il faut que je me vende bien ». Et s’ils ont un bon bagage, une bonne expérience, ils se vendront d’autant mieux. Car c’est plus facile de faire confiance à quelqu’un qui a fait ses preuves. Eh bien, si Dieu ne confie qu’un seul talent, c’est déjà un grand signe de confiance ; car combien aimeraient qu’on leur confie ne serait-ce qu’un seul talent ? Ils y verraient la preuve de la foi qu’on met en eux.

Mais cela nous ouvre un second horizon.

Vous savez l’amour de prédilection que Dieu a pour ceux qui ne possèdent rien ou presque rien. Non pas qu’il méprise les riches : la preuve en est qu’il leur confie une grosse quantité de talents ! Mais ceux qui n’ont presque rien ou rien du tout, Dieu veut les combler à sa façon. Je pense à cette veuve de Sarepta (  1 Rois 17 :9) qui n’avait plus qu’une poignée de farine pour se faire à manger avant de mourir ;à cette foule venue écouter Jésus dans le désert et qui n’avait rien à manger : seulement 5 pans et 2 poissons( Marc : 6), ou à ces ouvriers qui cherchent du travail et que personne n’a encore embauchés à la fin de la journée ( Mt :20).Tous ceux là Dieu va les combler au-delà de leurs désirs ; mais il y met une seule condition, même si elle n’est pas formellement exprimée :reconnaître qu’on a rien, croire à l’impossible et accepter de tout recevoir de Dieu. Toux ceux-là Dieu les rassasie à sa façon et leur procure par là joie et paix.

Et celui qui n’a reçu qu’un seul talent ? Il pourrait bien être jaloux et espérer recevoir beaucoup plus  (on pense à ceux qui ont reçu 5 ou 2 talents) à l’image de ces ouvriers de la première heure qui recevront le même salaire que ceux de la dernière heure. En fait il ne comprend pas que, comme le dit Jésus, Dieu donne à chacun selon ses capacités. C’est un peu comme  l’explique Thérèse de Lisieux : le verre est plein, que ce soit un petit ou un grand verre. L’essentiel est qu’il soit plein, rempli par Dieu à ras bord avec grande joie.

Notre homme doit avant tout reconnaître que Dieu lui a donné le maximum de ce qu’il pouvait lui donner ; c'est-à-dire qu’il doit accepter ses limites mais aussi et surtout sa  grandeur. (Et là souvent on ne pense qu’aux limites sans vouloir penser à toute la capacité qui est en nous). Mais il doit ensuite relever le challenge de faire fructifier ce qu’il a reçu. C’est l’ordre de Dieu à la création : croissez et multipliez. Tout cela ne va pas sans peine. Rien ne nous dit que ceux qui avaient reçu beaucoup de talents n’ont pas dû travailler dur pour les faire fructifier. A chacun sa peine pour faire fructifier ce qu’il a reçu !

Enfouir le talent que nous avons reçu, c’est presque se condamner à mort, à se laisser dépérir. Enfouir le talent, c’est un peu comme un cadeau de Noël qu’on a reçu mais qu’on a oublié ou surtout qu’on a enfermé dans un placard sans même le déballer et l’avoir contemplé, en ne voulant pas reconnaître que c’était pourtant le plus beau cadeau qu’on pouvait nous faire et qui était le plus adapté pour nous ! Enfouir le talent, c’est surtout se priver de la joie de se donner en réalisant quelque chose.

Oui Dieu en nous donnant, nous demande de porter du fruit. Et un jour, probablement lors de sa venue, il cherchera à contempler ce fruit. Il désirera le partager avec nous, le goûter avec nous. Et s’il n’en trouve pas ? Il fera comme il l’a dit dans la parabole de l’arbre stérile : il le fera couper puis brûler. A celui qui n’a rien, c'est-à-dire qui n’a pas porté de fuit, on enlèvera même ce qu’il a. Et ce qu’il a ? C’est justement le talent que Dieu lui avait donné et qu’il a refusé de  faire fructifier. Et si ce talent c’était Dieu lui-même qui veut se donner à nous ? Alors Dieu se retirera, nous laissant seul.