Diaconat pour dom Ginepro — Abbaye de Tamié

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Diaconat pour dom Ginepro

Par Mgr Philippe Ballot

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Dom Ginepro reçoit des mains de Mgr Philippe Ballot archevêque de Chambéry
l'ordination diaconale

Tamié - Lundi 12 décembre 2011


croix - arcabas
Lecture : Qo 3, 1-11 - Il y a un temps pour tout
Évangile : Mt 20, 25-28 - Les chefs doivent servir

Homélie de Mgr Philippe Ballot

Dans un monde où l’homme concentre toute sa vie  dans le temps organisé, où le temps s’accélère, les paroles de Qohélet surprennent. Plutôt que de dire : «  Il y a un temps pour tout », on dirait volontiers : « il n’y a plus de temps pour chaque chose » ou « il n’y a plus de temps pour rien ». Même des moines peuvent être pris par ce nouveau temps, absorbés par ce temps sans cesse organisé, utilisé, manipulé.

Or le rythme même de la vie du moine demeure une illustration concrète du « il y a un temps pour tout ». Car savoir reconnaître qu’il y a un temps pour tout laisse place à l’imprévu de Dieu et aux appels qu’il nous adresse.

En entrant à l’abbaye de Tamié il y a quelques années, Frère Ginepro ne songeait pas qu’il serait un jour appelé à accepter d’en être l’abbé. Il a été saisi à l’improviste, rapidement, comme, du reste, certains prêtres quand ils deviennent évêques.

Le 17 novembre dernier  fut donc pour notre frère une journée particulière, un moment unique, celui où il lui a fallu dire « oui » et accepter cette charge. Notre frère n’a pas eu à beaucoup réfléchir, sa réponse devait être rapide et surgir du fond du cœur. Sa réponse n’avait pas à être longuement réfléchie, elle ne demandait pas une analyse des circonstances, elle surgissait d’un lieu intime particulier, celui de sa relation à Dieu et donc de sa disponibilité, celui de sa relation aux frères de la communauté et donc de l’amitié fraternelle qui le liait à eux. Il n’y avait pas de stratégie, il n’y avait pas de calcul.

Le désir de servir Dieu et la communauté devait l’emporter sur toute autre considération. En répondant, notre frère savait en même temps, comme Qohélet, que l’homme est incapable d’embrasser l’œuvre de Dieu du début jusqu’à la fin. Sa disponibilité traduisait plutôt ce mystère du Christ qui seul est l’alpha et l’oméga, le début et la fin. Sa disponibilité lui rappelait qu’il ne serait pas le maître absolu de sa nouvelle charge.

La vocation de notre Père Ginepro l’amène donc à accueillir Dieu dans une nouvelle tâche, à le servir ainsi. En recevant l’ordination diaconale, il accepte alors d’enraciner son autorité d’Abbé dans le service. L’image qui lui reviendra sans cesse, dans son cœur, et qui s’imprimera dans son esprit, sera celle du Fils de Dieu, à genoux, lavant les pieds de ses disciples. Il ne s’agit pas d’une simple image, d’une illustration quelconque, mais du geste humain le mieux ajusté à l’identité de Dieu. Dieu ne demeure pas dans la force violente, dans le pouvoir écrasant, dans la domination pesante mais dans l’humble service. Le Père Ginepro rendra ce service d’autant plus volontiers que si nous lui demandons comme les pharisiens au Christ : « Par quelle autorité fais-tu cela, et qui t’a donné cette autorité ? », sa réponse sera sans ambiguïté. Elle lui vient du ciel pour répandre l’Evangile. Et si elle vient du ciel, elle est alors une autorité de service.  « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur, celui qui veut être le premier sera votre esclave ».

Mais si le Père Ginepro doit se le rappeler, c’est l’ensemble de la communauté qui doit aussi s’en souvenir. C’est chacun des moines, chacun de vous, au moment où votre relation à votre frère change de nature. C’est vous aussi qui devez accueillir sa mission comme un service, l’accueillir lui-même comme un serviteur. Puissiez-vous vous dire les uns aux autres et à votre nouveau Père Abbé ce que Jean Vanier disait à propos d’une personne qui venait d’entrer dans la communauté : « Il lui a fallu du temps pour découvrir les mots magiques au cœur de toute amitié, d’une communauté et de l’Eglise : « j’ai besoin de toi-merci ». Il lui a fallu du temps pour découvrir qu’une rencontre se poursuit et s’approfondit à travers la faiblesse ». Et nous méditerons cette autre parole, vraiment audacieuse, du même Jean Vanier: «  La cloche qui sonne et appelle des moines à l’office est pour nous le cri de la personne avec un handicap qui appelle un assistant » Nous avons tous nos fragilités, nos handicaps. Cette autre cloche elle existe ici aussi comme dans nos communautés chrétiennes.

On peut décliner quelques qualités du serviteur, serviteur au risque de perdre sa vie comme le Christ...

Servir c’est écouter paisiblement, c’est s’approcher sans cesse, avec délicatesse et douceur, des autres et plus particulièrement des plus fragiles, des plus pauvres qui sont l’image la plus sûre et la plus belle du Christ,  qui, en nous invitant par leur situation à nous dépouiller, sont ceux qui sauvent notre relation à Dieu et aux autres. S’approcher des plus démunis et marcher, cheminer avec eux...

Servir c’est ne jamais être dans la violence ni la peur de la violence. Le diacre nous rappelle que, dans nos relations les uns avec les autres, nous ne pouvons jamais sacrifier le service au nom d’une stratégie, d’une peur de l’avenir, de la préservation d’une situation et même de notre propre vie.

Le diacre, parce qu’il est dans la situation constante du serviteur, met alors en lumière la qualité qui nous rapproche le plus de Dieu : l’humilité.

Nous pouvons citer le grand saint François de Sales qui nous révèle combien l’humilité est le plus sûr chemin pour découvrir l’état bienfaisant de “tout petit”, pour que la force devienne service, qu’elle devienne douceur et don. « Etre doux et humble de cœur » comme Jésus. Lui le tout puissant, dira St Paul, s’est fait humble et tout petit. La kénose, l’abaissement, vrai chemin pour atteindre à la perfection de Dieu et l’accueillir. Vertu hautement salésienne, l’humilité a même été proposée par St François de Sales à Sainte Jeanne de Chantal comme fondement de l’ordre de la Visitation ! Lui qui chérissait les vertus discrètes plus que les grandes, ne pouvait que mettre en valeur l’humilité plus que tout puisqu’elle est la plus petite de toutes les vertus.

L’humilité est une belle école de dépossession. Plus nous nous détachons, plus nous nous libérons de ce qui enferme, plus nous sommes disponibles à l’action de Dieu qui peut nous attirer à Lui, nous soulever, nous emporter, rendre léger notre fardeau et notre joug. Mais cela n’est pas bien facile, nous prévient Saint François de Sales,  car chacun de nous peut être un faux humble. François de Sales préférait, disait-il,  l’attitude humble aux paroles d’humilité, percevant bien que dans ce domaine plus on parle moins on est ce que l’on dit. De ces paroles qui disent l’humilité il se méfiait, elles sont écrivait-il: « la fine fleur, la crème et l’élixir de l’orgueil, le plus délié. Et il poursuivait : le vrai humble ne veut point paraître tel, mais l’être. L’humilité est si délicate qu’elle a peur de son ombre, et ne peut ouïr nommer son propre nom sans courir le risque de se perdre ».

Cher Père Ginepro, vous ne serez pas diacre pour un temps seulement, vous le serez pour toujours, le sacrement de l’ordre que vous recevrez dans quelques instants le signifiera et le rendra effectif.

Alors cher Père Ginepro vous pouvez peut-être commencer à exercer votre charge comme le pape Benoît XVI son pontificat et vous dire à vous-même : « N’aie pas peur, le Christ n’enlève rien, Il donne tout. » Nous tous avec les frères de votre communauté nous vous le répétons : « N’aie pas peur, le Christ n’enlève rien il donne tout » et nous ajoutons : «  Aujourd’hui comme hier, Il est là ».


 Mgr Philippe Ballot
Archevêque de Chambéry, évêque de Maurienne et évêque de Tarentaise

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