Homélie - TO 21 — Abbaye de Tamié

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Homélie - TO 21

Par Frère Antoine
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Homélie pour le 21ème dimanche
du temps ordinaire

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean : Fidélité des Douze et confession de foi de Simon-Pierre (Jn 6, 60-69)

Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. » Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s'écrièrent : « Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter ! »
Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : « Cela vous heurte ?
Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ?...
C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et celui qui le livrerait.
Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.
Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »
Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu. »

Homélie

Depuis le 25 juillet, pendant quatre dimanches, nous avons lu le chapitre 6 de St Jean. Aujourd’hui nous lisons les derniers versets. L’accent porte sur notre choix de croire et de suivre Jésus : Chacun doit choisir entre un prophète, donneur de pain, et d’autre part celui qui vient de Dieu (6, 46), vrai pain venu du ciel et qui donne la Vie.

 Pourquoi continuons-nous à mettre notre confiance en Jésus ?

Si nous sommes venus aujourd’hui à la messe c’est bien parce que nous voulons suivre Jésus et affirmer notre foi en Lui. En écoutant l’évangile, nous sommes  invités, chacun, à méditer sur ce qui nous pousse à croire, pourquoi continuons-nous  à mettre notre confiance en Jésus ?. Chacun de nous peut penser à son histoire personnelle, comment il a reçu la foi, comment elle a grandi ou disparu ? Les gens de ma génération ont connu un parcours de foi qui commençait par la famille (c’est en famille que j’ai appris à prier) puis par la société  ( à l’époque, jusqu’à la fin des années 60, 90% des français étaient baptisés et l’appartenance à la religion chrétienne se faisait beaucoup par mimétisme et conformisme) puis par l’Église ( catéchisme, messes, sacrements : baptême, mariage, funérailles)qui nous parlait de Dieu et de Jésus. Aujourd’hui, ces relais sont bien affaiblis. La famille a laissé place aux familles au pluriel, la société est sécularisée et laïque, l’Église est pour beaucoup le principal obstacle à la foi, Dieu est insignifiant pour un grand nombre. Reste Jésus qui semble résister aux critiques et est reconnu comme un prophète par les musulmans et comme un modèle d’humanisme par beaucoup de contemporains. Mais croyons-nous vraiment que Jésus est Dieu fait homme ? Mgr Doré, ancien archevêque de Strasbourg, a écrit récemment, un livre qui a pour titre : « Pourquoi je suis demeuré chrétien et resté catholique ? » avec comme sous titre la réponse: «  à cause de Jésus ».

« Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père »

La foi en Jésus est un don de Dieu. St Paul dit   « Personne ne peut dire que Jésus est Seigneur si ce n’est par l’Esprit Saint » (1 Co 12, 7). Si St Jean parle du Père et  St Paul parle de l’Esprit, c’est que Jésus est inséparable des deux. On l’oublie trop souvent en isolant les trois personnes qui ne font qu’un seul Dieu. De même que Marie nous conduit vers Jésus, Jésus nous tourne toujours vers Celui qu’Il appelle « mon Père et votre Père »Jean 20/17 qui nous donne l’Esprit unifiant Jean 15/26. Ce don de Dieu est offert à tous les hommes parce que l’Esprit agit dans le monde et que Jésus a été envoyé pour que tous les hommes soient sauvés. Nous ne pouvons recevoir la vie de Dieu, communiquée par Jésus, que si nous l’acceptons comme un don et non en voulant l’accaparer. Ce n’est pas nous qui nous déclarons chrétiens en premiers, nous ne nous baptisons pas nous-mêmes, c’est l’Église, les autres chrétiens, qui nous déclarent chrétiens.  St Augustin disait à un de ses amis : « tu seras chrétien quand je te verrai à la messe » !

« Voulez-vous partir vous aussi ? ».

La foi en Jésus est non seulement un don de Dieu mais aussi une réponse libre de notre volonté. Sur quoi s’appuie cet acte libre ? Il y a à la fois les signes et les paroles de Jésus. Les signes par exemple  celui de Cana ou celui des pains inépuisables. (Jean ne parle jamais de «  miracle » mais toujours de « signe »). Il y a une irruption du divin dans le terrestre et  dans l’humain. Cela  provoque toujours de la surprise, de l’étonnement suivi soit du rejet : «  ce n’est pas possible », soit de la confiance en Jésus : « Tu as les paroles de la Vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que Tu es le Saint, le Saint de Dieu ». Où est le signe de ce passage du divin dans l’humain ? Si nous nous en tenons au chapitre VI de St Jean et  aux  récits parallèles des autres évangiles, le tournant se trouve dans le passage de l’achat (du pain) au partage gratuit (ce n’est pas une multiplication mais plutôt une division).Le « peu » partagé devient source inépuisable de nourriture. Le Royaume de Dieu se manifeste dans l’humain quotidien, quand il nous met dans une autre logique que celle de l’échange, du troc, du commerce, de notre confiance en nos avoirs terrestres. Un signe très clair du Royaume nous est donné dans la bonté gratuite qui humanise divinement, par exemple le pardon, l’amitié mais aussi la solidarité avec les plus pauvres, le service et le partage inconditionnel. « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».  Le récit donné par Hollander-Lafon dans son livre « Quatre petits bouts de pain » du partage d’un morceau de saucisson dans le wagon à bestiaux qui emmenait des juifs à Auschwitz, en est un bon exemple. Surtout  son commentaire : « Pour la chance d’avoir goûté à ce geste gratuit, cela valait la peine de vivre !».

Mais il y a aussi les paroles de Jésus. Le message évangélique est aussi un message humanitaire qui interroge, attire ou repousse  (par exemple : « pardonnez » ou »aimez vos ennemis » !). Un idéal de vie fraternelle qui séduit encore aujourd’hui beaucoup de non chrétiens. Par exemple Alissia, jeune fille de 16 ans, entraînée à l’aumônerie du lycée par ses camarades, demande le baptême et participe régulièrement à la messe du dimanche. L’aumônier lui demande si elle ne s’ennuie pas ? Réponse : «  Non. J’entends là des choses que je n’entends nulle part ailleurs ». Les paroles de Jésus sont « esprit et vie ».

« Quant à nous, nous croyons »

Croire que Jésus « vient du ciel » qu’il est « notre Seigneur et notre Dieu, nous sommes invités à le proclamer chaque fois que nous venons à la messe, en particulier au moment du « credo » et à la communion. À la présentation de l’hostie et du calice, le ministre dit : « le Corps du Christ » ou « le sang du Christ » nous répondons « Amen », « je crois ». Notre foi reste fragile. C’est chaque jour « qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs doivent s’établir fermement là où se trouvent les vraies joies » (oraison de ce dimanche).