Homélie - Carême 3 — Abbaye de Tamié

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Homélie - Carême 3

Par Frère Antoine
crucifix
Troisième dimanche de carême - B

1ère lecture : Dieu donne sa loi par Moïse (brève : 20,1-3.7-8.12-17) (Ex 20, 1-17)

Lecture du livre de l'Exode

Sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici :
« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage.
Tu n'auras pas d'autres dieux que moi.
Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre.
Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu'à la troisième et la quatrième génération ;
mais ceux qui m'aiment et observent mes commandements, je leur garde ma fidélité jusqu'à la millième génération.
Tu n'invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal.
Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré.
Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ;
mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l'honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l'immigré qui réside dans ta ville.
Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l'a consacré.
Honore ton père et ta mère, afin d'avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
Tu ne commettras pas de meurtre.
Tu ne commettras pas d'adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »

 

Psaume : Ps 18, 8, 9, 10, 11

R/ Dieu ! Tu as les paroles de vie éternelle

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ; 
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples. 

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ; 
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard. 

La crainte qu'il inspire est pure,
elle est là pour toujours ; 
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables : 

plus désirables que l'or,
qu'une masse d'or fin, 
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

 

2ème lecture : Sagesse du monde et folie de la croix (1Co 1, 22-25)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
alors que les Juifs réclament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens.
Mais pour ceux que Dieu appelle, qu'ils soient Juifs ou Grecs, ce Messie est puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
Car la folie de Dieu est plus sage que l'homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme.

 

Evangile : La prophétie du Temple relevé en trois jours (Jn 2, 13-25)

Acclamation : Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Acclamez le Christ, le Seigneur : en lui, dans son propre corps, habite la plénitude de la divinité. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Col 2, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. » Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Écriture : L'amour de ta maison fera mon tourment. Les Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps. Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Pendant qu'il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en lui, à la vue des signes qu'il accomplissait. Mais Jésus n'avait pas confiance en eux, parce qu'il les connaissait tous et n'avait besoin d'aucun témoignage sur l'homme : il connaissait par lui-même ce qu'il y a dans l'homme.

 



Homélie


Dimanche dernier, l’évangile nous présentait Jésus transfiguré. Aujourd’hui, il nous présente Jésus en colère. La colère de Dieu est fréquente dans l’Ancien Testament, c’est une colère d’Amour. Ainsi les parents piquent une colère quand ils voient leurs enfants abîmer leur santé en fumant, en se droguant ou en buvant de l’alcool. Ce sont de saintes colères. La scène de la colère de Jésus est rapportée dans les quatre évangiles mais seul Jean place cet événement au début du ministère de Jésus. A peine a-t-il entamé son ministère, Jésus annonce la couleur. Elle est rouge. Il voit rouge. Non seulement il est rouge de colère mais il voit déjà le rouge de son sang qui va couler : « le Temple dont il parlait était son corps ».

Le Temple. Le Temple de Jérusalem était le lieu où Dieu se rendait présent à son peuple, son pied à terre. Un peu comme un roi habite un de ses palais, mais peu de gens peuvent l’approcher. Le grand prêtre seul ne pouvait pénétrer dans le saint des saints qu’une fois par an ! C’était donc la demeure de Dieu (Bet Adonaï) et les juifs allaient au Temple pour se faire voir et offrir des sacrifices. Ce Temple n’existe plus. Il a été rasé en 70 après J.C. par Titus mais il reste l’esplanade (14 hectares !) et des vestiges des murs de soutènement que l’on connaît sous le nom de mur occidental ou mur des lamentations. Si le Temple n’existe plus, l’endroit intéresse toujours, et comment, les juifs actuels. C’est un lieu de conflit permanent avec les musulmans qui occupent les lieux. Les juifs d’aujourd’hui aimeraient bien récupérer le terrain pour construire un nouveau Temple. Pour les chrétiens ces lieux ont un intérêt culturel mais l’événement que relate l’évangile de ce jour déplace le rôle du Temple sur Jésus, présence de Dieu parmi les hommes.
Jésus. Est-ce que Jésus est venu fonder une nouvelle religion et abolir la religion juive ? En parlant du Temple qui sera détruit, Jésus parle de son propre corps qui sera tué et enseveli mais qui renaîtra le troisième jour. Voila la grande nouveauté qu’apporte Jésus : la présence de Dieu sur terre n’est plus dans un lieu, dans un bâtiment de pierre mais dans l’homme Jésus. Il vient, dès maintenant, établir la présence de Dieu non seulement au milieu des hommes, comme un roi dans son palais, mais il veut habiter le cœur des hommes, de tous les hommes. La mission de Jésus est de faire advenir déjà cette présence de Dieu par la foi en lui. Il ne réclame pas la foi en lui en plus de celle que nous devons à Dieu, il nous demande de faire passer par lui la foi que nous mettons en Dieu. Du coup l’image même de Dieu est nouvelle : celle de trois personnes en relations d’amour. Jésus est un avec Dieu « Le Père et moi nous sommes un », « Qui me voit, voit le Père ». Parce qu’il est un avec le Père ( thème central de st Jean) et qu’il est Esprit, il peut venir habiter en nous « moi en eux et toi en moi ». Jésus nous invite à nous présenter à Dieu en son nom et non pas avec des cadeaux, , Dieu n’en n’a que faire (cf. Psaume 39) mais de nous offrir nous-mêmes, avec lui, Jésus « tu ne veux ni sacrifice ni holocauste, alors j’ai dit : voici, je viens ». L’évangile d’hier, le père prodigue, nous révèle que la conversion consiste moins en un retournement psychologique du pécheur vers Dieu qu’un changement de l’image de Dieu valable aussi bien pour les justes que pour les pécheurs. Les deux fils étaient sous la loi d’un patron et d’un contrat de travail, ils doivent découvrir la relation filiale avec un père qui les aime. Bref ! La mission de Jésus n’est pas de détruire la religion juive et de la remplacer par une autre qui serait meilleure, mais de dévoiler l’insuffisance de la religion, de toute religion au profit d’une rencontre existentielle, personnelle, avec ce Dieu trinité qu’il révèle. Autrement dit il faut fermer et supprimer la maison de commerce et la remplacer par la maison des relations filiales, donc fraternelles ! Un vrai nettoyage de printemps !

L’Église : Jésus qui veut appeler tous les hommes à partager la bonne nouvelle de sa vie divine a trouvé, non sans mal, des disciples qui se rassemblent en son nom, après sa mort et résurrection Le mot église signifie rassemblement. Si les chrétiens ne se rassemblent pas, il n’y a pas d’église mais s’ils se rassemblent, au nom de Jésus, leur communauté devient à son tour un temple. C’est ce que dit St Paul aux chrétiens de Corinthe : » Le Temple de Dieu c’est vous » I Co3/17. Cela vaut pour nous, ici rassemblés au nom de Jésus, dans cette église de Tamié, ce matin. L’Église ne succède pas au Temple de Jérusalem ni au peuple d’Israël, elle est une autre façon pour Dieu d’être au monde. Elle prolonge dans l’espace et le temps la visibilité que Dieu s’était donnée dans la chair de Jésus. Elle est une nouvelle réalité historique, Le Concile Vatican II a consacré un document sur l’Église appelé « Lumen gentium » (lumière des nations). Ce n ‘est pas l’Eglise qui est lumière des nations mais Jésus ! En deux mots l’essentiel est dit : la seule lumière qui peut éclairer les hommes qui marchent dans les ténèbres de leurs vies problématiques et souvent souffrante, c’est Jésus sauveur du monde , des nations , de tous les peuples. L’Église doit rendre présente cette lumière, rendre Dieu révélé en Jésus-Christ présent à notre monde. Comme Marie, sa figure et son modèle, l’Église n’ est pas propriétaire de Jésus mais la servante de son mystère. Consciente d’être la demeure de Dieu parmi les hommes, elle ne l’enferme pas mais par lui, ouvre aux hommes l’accès au Dieu trinité.

Dans un moment, nous proclamerons notre credo, nous dirons notre foi en l’Eglise « sainte ». Sainte ? Oui, sainte par son fondement lumineux qu’est Jésus et par notre vocation commune. Mais l’Église faite de pêcheurs a toujours besoin d’être purifiée comme le Temple de Jérusalem.