Homélie TO 11 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 11

Par Frère Antoine
croix - arcabas
Homélie pour le 11ème dimanche
du temps ordinaire


La pécheresse pardonnée à cause de son grand amour  (Lc 7, 36-50; 8, 1-3)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum. En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. » Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. - Parle, Maître. » Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? » Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. - Tu as raison », lui dit Jésus. Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. »
Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? » Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! »
Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l'accompagnaient, ainsi que des femmes qu'il avait délivrées d'esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons), Jeanne, femme de Kouza, l'intendant d'Hérode, Suzanne, et beaucoup d'autres, qui les aidaient de leurs ressources.

© AELF

Homélie

L’intérêt de lire l’évangile et de le méditer est de voir comment Dieu, infiniment parfait, se comporte quand il se trouve dans un monde qui non seulement n’est pas parfait mais pécheur. La scène évangélique d’aujourd’hui peut se diviser en trois tableaux : Jésus, Simon et la pécheresse, la parabole de la dette et son actualisation par Jésus.

Qui est ce Jésus, ami des pécheurs ? Imaginons la scène. « Un pharisien » son nom n’est pas encore connu. En général, les pharisiens sont des ennemis de Jésus et font partie de ceux qui veulent sa mort. Celui-ci est plutôt sympathique : il invite Jésus à manger avec lui et chez lui. « Jésus se mit à table. » Ne pas imaginer Jésus assis sur une chaise devant une table avec assiette et couverts. La salle des repas est faite de tapis avec des coussins sur lesquels on s’allonge comme lorsqu’on pique nique dans un pré. La salle donne sur une cour où les femmes font cuire le pain et le repas. Les hommes sont entre eux. Mais voilà que, justement, au milieu de ces hommes, réputés religieux, arrive une femme qui n’a pas l’air d’avoir demandé la permission d’entrer et qui, sans gêne, s’installe aux pieds de Jésus. Le texte précise : « une femme de la ville (sans doute bien habillée) qui était pécheresse », comment le pharisien le savait-il ? Ça se voyait ? ou  bien la connaissait-il ? Son péché n’est pas précisé. Le pharisien, maître de maison, ne la chasse pas  et ne semble pas faire attention à elle. Peut-être est-il gêné ? Il n’en pense pas moins et trouve curieux que Jésus se laisse ainsi toucher par une pécheresse qui le contamine par ses gestes familiers. Qui est ce Jésus ? Sûrement pas un prophète ! Comment Jésus va-t-il répondre au pharisien et se comporter envers cette femme ?

Nous sommes tous en dette. Une petite parabole pour répondre dans laquelle trois choses, au moins, sont à relever :

a) la manière dont Jésus fait l’ « entraide fraternelle », en utilisant une parabole, comme souvent dans la Bible, par exemple Nathan avec David. Les psychologues modernes appellent cette méthode « le miroir » tout d’un coup on peut se reconnaître dans tel personnage. Est-ce que nous nous reconnaissons dans Simon ? Simon c’est nous quand nous jugeons les autres sans indulgence. Et la pécheresse ? Qui n’est pas pécheur ? Mais une pécheresse repentante ! Comme Pierre, elle pleure d’avoir été indigne du respect que le Seigneur lui montre .en acceptant ses marques d’affection. Cette pécheresse peut représenter l’Église, cette part de l’humanité qui se reconnaît faite de pécheurs pardonnés.

b) le péché, aussi bien celui de la femme que celui du pharisien, est appelé « dette ». Dans le « Notre Père », en français nous disons « offenses » mais en latin et dans d’autres langue comme en italien c’est bien le mot « dette «  et non « offense » qui est employé soit : « remets-nous nos dettes »). Nous sommes tous pécheurs devant Dieu qui nous a donné l’existence et  nous l’oublions comme des enfants ingrats. C’est une affaire de relation, de reconnaissance envers l’auteur de toute vie. Le péché, finalement c’est de ne pas tenir compte de Dieu à qui nous devons tout.

c) Pardonner (par-donner) c’est prendre et assumer le risque de la relation. La vie est un don non pas un dû. Et la notion de dette ne nous tourne pas forcément vers le passé mais vers l’avenir dans la mesure où donner à mon tour n’est pas forcément rendre à la même personne. La vie se communique à d’autres !

Mais la dette est enlevée ! C’est bien dans le pardon ou la remise de dette que se manifeste la plus extraordinaire transformation de l’homme, par lui, il accède à la vraie liberté des enfants de Dieu  Les récits  et paraboles de l’évangile ne sont pas simplement des histoires exemplaires, morales pour inspirer un comportement. Ils ont pour but de nous révéler qui est Jésus, qui est Dieu, qui nous  sommes. C’est notre propre aventure spirituelle qui se joue dans ce récit que nous méditons. Il a, entre autre, comme caractéristique de faire intervenir les cinq sens : la vue, l’ouïe, le toucher, le goût,  l’odorat. Il montre l’importance du corps. Celui de Jésus, Dieu fait homme, qui a livré son corps par amour pour nous, déjà bien  avant sa Passion son corps porteur de grâce et de guérison  Aujourd’hui le Corps du Christ c’est nous, ce sont nos frères : « ce que vous avez fait aux plus petits qui sont mes frères c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40)

Dans une de ses homélies à la maison Sainte-Marthe où il prêche tous les matins, notre pape François disait récemment : « Quand j’allais confesser dans mon diocèse précédent, je posais toujours la même question : « Faites-vous l’aumône ? « oui, mon père », « quand vous faites l’aumône, est-ce que vous regardez les gens, celui ou celle à qui vous donnez l’aumône ? » « Je ne sais pas, je ne m’en suis pas aperçu ». Enfin, «Est-ce que vous touchez la main de celui à qui vous donnez votre aumône ou vous lui jetez la pièce ? » C’est cela le problème, la chair du Christ, toucher la chair du Christ ». La relation aux autres, en particulier aux pauvres, aux petits, aux méprisés, pour nous chrétiens, n’est pas seulement un problème sociologique ou économique, c’est un problème qui a à voir avec notre conception de l’humanité et de notre rapport à Dieu .Lui qui, en Jésus, s’est solidarisé des pauvres et des petits, de toute l’humanité.

Jésus arrive sur terre directement de la Trinité sainte où tout est dons, relations amoureuses et transparentes. En venant dans notre monde limité et pécheur, il vient nous apporter cette vie divinement heureuse faite de respect, de générosité, de pardon et d’action de grâce.  En Jésus, Dieu s’est fait tel qu’on puisse l’aimer » (St Bernard).Notre relation à Lui et à nos frères ne passe pas seulement par des mots mais par aussi par des gestes.