Homélie TO 14 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 14

Par Frère Patrice
arcabas - tamié
14ème dimanche du temps ordinaire

Les soixante-douze en mission annoncent la joie du règne de Dieu (Lc 10, 1-12. 17-20)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Parmi ses disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route. Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : 'Paix à cette maison.' S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous servira ; car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qu'on vous offrira. Là, guérissez les malades, et dites aux habitants : 'Le règne de Dieu est tout proche de vous.'

Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, sortez sur les places et dites : 'Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous la secouons pour vous la laisser. Pourtant sachez-le : le règne de Dieu est tout proche.' Je vous le déclare : au jour du Jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. »

Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : « Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair. Vous, je vous ai donné pouvoir d'écraser serpents et scorpions, et pouvoir sur toute la puissance de l'Ennemi ; et rien ne pourra vous faire du mal. Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. »

©AELF

 

Homélie


Les ouvriers de la moisson sont peu nombreux ! Souvent ou presque toujours en lisant cette parole de Jésus, on pense aux vocations «  il nous faut plus de prêtres, plus de religieux, plus de religieuses ». Oui, bien sûr ; mais, ce matin essayons de  changer notre regard et notre façon de penser.

C’est à nous tous ici réunis que revient le rôle, mais je dirais plutôt la joie d’annoncer le règne de Dieu. A nous tous de nous prendre en main et d’aller de l’avant. Notre Pape François, dont beaucoup de  paroles meublent cette méditation, nous dit « personne n’est inutile dans l’Église ; nous sommes tous nécessaires pour construire ce temple ; car personne n’est plus important dans l’Église, nous sommes tous égaux devant Dieu ».

Alors, demandons-nous comment nous vivons notre manière d’être en Église ? Sommes-nous des pierres vivantes ou des pierres lasses, ennuyées, indifférentes ? Avez-vous vu, dit le pape François, comme il est laid de voir un chrétien las, ennuyé  indifférent ? Non un chrétien doit être vivant, joyeux d’être chrétien. Tout comme les 72disciples qui reviennent tout joyeux d’avoir rempli leur mission.

Et pourquoi reviennent-ils joyeux d’avoir accompli leur mission ? Car la mission est parfois dure. Peut-être  tout simplement parce qu’ils ont été choisis par le Christ ; mais beaucoup plus sûrement parce qu’ils ont trouvé, là, l’occasion de mettre en valeur au service des autres les dons que Dieu leur a donnés. Et tous  nous avons des dons ; mais oui ! Et pourquoi peuvent-ils aller au milieu des loups : tout simplement parce que Jésus est avec eux. Combien se croient seuls ou se sentent parfois seuls (et Ça m’arrive à moi aussi), alors que Jésus est avec chacun de nous. C’est Malraux qui a dit qu’une civilisation de l’homme seul ne dure pas très longtemps. L’homme sans Dieu est toujours l’homme seul. Nous ne réalisons pas assez combien la présence de Dieu et le fait de la partager avec d’autres peut nous apporter une grande joie.

Comment ont-ils rempli leur mission ? Nous ne le savons pas exactement. Mais ils ont mangé chez les gens, ils ont accepté leur hospitalité, ils ont parlé avec  les habitants qui ont eu alors tout loisir de les voir vivre. C’est très important  parce que l’Évangile doit être annoncé par le témoignage de notre vie. Combien d’hommes et de femmes, de religieux ou religieuses et de prêtres peuvent aussi bien annoncer l’évangile par leur mode de vie, que de lui porter un puissant contre témoignage. Lanza Del Vasto disait que quiconque se hasarde à enseigner l’Évangile, risque de se voir dresser contre lui les grandes et terribles vérités qu’il a lui-même enseignées. Eh bien il faut se risquer ; sans peur !

Et cette  mission ils la remplissent « gratuitement » : Jésus nous dit de ne rien emporter avec nous. Là est tout le symbole de la grâce qui doit nous animer. Avez-vous déjà vu qu’on achète la grâce : elle est le don par excellence, tant pour celui qui la donne que pour celui qui la reçoit ! Cela est d’autant plus important à souligner à notre époque où la gratuité semble diminuer dans les relations interpersonnelles et où tout se vend ou s’achète. Et qu’avons-nous à proposer au monde ? Un Dieu, qui pour être notre ami ne demande rien, si ce n’est d’être accueilli. Car en quoi consiste le message que nous voulons communiquer au monde ?

Ça c’est une question que nous devons parfois nous poser, car elle nous oblige à préciser ce qui est le plus important pour nous. Ce que nous devons annoncer c’est l’Évangile, l’Évangile qui est destiné à tous, aux pauvres bien sûr en priorité, mais à tous. Car tous ont leur pauvreté qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas souvent reconnaître. L’Évangile qui doit nous animer du dedans, qui doit nous faire vivre. Mais aussi, et peut-être surtout, l’Évangile qui doit nous pousser à aller vers les autres. Tout cela nous invite à ne pas rester enfermés en ghettos, en petits cercles où tout ronronne ( Karl Barth disait que si l’Église  n’a d’autre but que son propre service, elle porte en elle les stigmates de la mort). Tout nous invite à ne pas avoir peur d’aller à contre courant ; même si parfois il faut beaucoup de courage et de patience. Rappelez-vous ce leitmotiv que lançait Jean Paul II « N’ayez pas peur ! ». On va chercher parfois très loin le martyre : on oublie trop souvent qu’il est  là, dans la perte de sa vie pour annoncer l’évangile, pour se consacrer aux pauvres, aux oubliés, à sa famille et à tant d’autres pour l’amour de Dieu.

Alors ce matin et toute cette semaine, réjouissons-nous. Pourquoi ? Parce que nos noms sont inscrits dans les cieux ; nos noms à chacun de nous que Dieu connaît personnellement. Et que cela soit pour nous la source d’une paix profonde ; celle-là même que Dieu nous donne parce que nous le laissons  entrer dans la maison de nos cœurs.