Homélie - Vendredi Saint — Abbaye de Tamié

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Homélie - Vendredi Saint

Par Père Michel Rondetsj
partage des vêtements
Terre cuite de Fr. Antoine Gélineau

Homélie pour le Vendredi Saint

 

Frères et soeurs dans le Christ bien aimé !

Il faut avouer que nous avons parfois une certaine gène à méditer ce récit de la Passion. Nous aimerions ressentir douleur et compassion devant tant de souffrances offertes pour nous et puis nous restons sans ressentir les sentiments que nous souhaiterions éprouver. Nous nous lamentons alors de cette insensibilité qui n’est pourtant pas indispensable.

C’est le moment de nous rappeler que les récits évangéliques, celui de Jean en particulier n’ont pas été écrits pour susciter en nous une émotion mais pour fonder notre foi au Christ vainqueur du mal et de la mort, Sauveur de tout homme en ce monde.

Jean a organisé tout son récit comme une proclamation de la royauté du Christ manifestée dans la Passion du Serviteur. Oui, l’écriteau de Pilate « Jésus de Nazareth, roi des juifs » cloué par dérision sur le gibet d’infamie dit bien la vérité. Jésus est vraiment le Messie d’Israël pour le salut des nations et sa mort en croix manifeste sa victoire. Voilà ce que Jean a voulu dire à travers un certain nombre de traits du récit qu’il s’est plu à souligner. Cela commence dès l’arrestation lorsque Jésus demande aux envoyés des grands prêtres : « Qui cherchez-vous ? - Jésus de Nazareth » et qu’il répond : « C’est Moi ! Ego eimis, Je suis » À la proclamation du Non divin les gardes reculent effrayés.

Puis tout au long des interrogatoires les quelques paroles que Jésus prononce ont l’évidence simple de la vérité qui réduit à néant les mensonges et les calomnies de ses accusateurs.

Les gardes qui l’ont sauvagement frappé et qui s’efforcent de le tourner en dérision n’empêcheront pas que sous les oripeaux royaux dont ils l’affublent, il ne garde une autorité et une dignité vraiment souveraine.

Et lorsque Pilate le présente à la foule meurtri et ensanglanté, en disant : « Voici l’homme ! » c’est bien en effet l’Homme dans sa grandeur et sa vérité qu’il désigne. L’homme en qui l’amour a triomphé de tout et homme en qui nous sommes appelés à reconnaître notre espérance et notre salut.

Face à la mauvaise foi des chefs juifs qui renient leur peuple en en appelant à César, comme face à la lâcheté de Pilate qui sacrifie un innocent à la raison d’État. Face à ces hommes aliénés dans leur peur et leur soif de pouvoirs.  Jésus incarne le visage d’un homme libre, libre de la liberté de ceux qui ne reconnaissent qu’une autorité, celle du Père.

Et lorsque dans un dernier regard sur la mort de Jésus Jean s’arrête sur le mystère du sang et de l’eau qui s’échappent du coeur transpercé du Christ, c’est encore pour nous révéler la fécondité spirituelle de cette mort, les fleuves d’eau vive annoncés par Ézéchiel qui doivent réjouir la Cité de Dieu. Jean le contemple dans l’eau et le sang qui jaillissent du coeur du Christ. La Pentecôte est déjà là, Jésus meurt en remettant l’Esprit, l’Esprit promis à ses disciples, remis au Père pour les hommes ses frères.

Voilà ce que nous sommes appelés à contempler ce soir en venant vénérer la Croix du Christ. Elle a porté l’homme des douleurs. Elle nous donne le Christ vainqueur du mal et de la mort.

Avec lui laissons-nous rejoindre ce soir par la détresse et la misère du monde. C’est là que nous pouvons compatir en vérité à la Passion de Jésus. Cherchons sa trace et son visage dans le coeur de nos frères, surtout ceux que l’injustice du monde condamne à la solitude et au désespoir. Nous pouvons tenter de les rejoindre dans leurs ténèbres en témoin de la victoire de l’amour désarmé.

« Croix, notre unique espoir
Buisson ardent où l’amour est révélé. »

Après avoir vénéré la Croix, étendard de notre salut, nous irons humblement recevoir le Corps du Christ en viatique pour l’itinéraire de foi que nous avons à vivre tout au long de ce grand sabbat du tombeau refermé, jusqu’à ce que germe en nos cœurs la lumière du ressuscité.

Amen.