Homélie saint Joseph — Abbaye de Tamié

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Homélie saint Joseph

Par Frère Gaël diacre

Homélie pour la fête de Saint Joseph - 2014

(Mt 1,16.18-21.24 et 2e lecture : Rm 4,13.16-18.22[1]) F. Gaël, abbaye de Tamié

Joseph le « juste » : L’expérience de sa conversion … et de la nôtre ![2]

[Méthodologie de ma 1ère homélie dans le ministère diaconal]

Ayant annoncé ce titre, les esprits rapides savent déjà ce que je vais dire, et je vais les fatiguer par la lenteur de mon propos. Cependant, j’en prends le risque, comme le fait saint Bernard qui se justifie ainsi : « Je suis aussi, voire surtout, le débiteur des esprits plus lents [dont je fais partie, merci de me supporter !] D’autre part, mon propos n’est pas tellement d’expliquer les mots, mais plutôt de désaltérer les cœurs. » (SCt 16,1).

Les Évangiles sont très sobres sur la vie de Joseph, et comme remplis de pudeur. Je lis dans le court passage que nous venons d’entendre le récit de sa conversion.

> « De quelle conversion parles-tu ? » me demandez-vous.

> Je réponds : « Sans la conversion de Joseph, nous n’aurions pas Jésus Christ, le Messie, fils de David, fils d’Abraham (v.1 et 16). »

Avant sa conversion : Joseph « juste » selon la Loi (solitaire, triste, arbre mort)

Joseph, « homme juste » (v.19), découvre que Marie est enceinte. Il imagine le pire : sa femme est adultère… selon la Loi, elle doit mourir. Mais il n’a aucune preuve. Aussi, en homme « juste » selon la Loi de Dieu et devant les hommes,  « il décide de la répudier en secret » (v.19). Son refus d’accueillir Marie enceinte serait-il resté longtemps secret ?

> Nous pouvons à notre tour nous interroger. Ne nous est-il jamais arrivé de rejeter quelqu’un, un proche, en secret, ou même publiquement, en nous croyant « justes » ? Ce faisant, nous ne sommes pas justes, nous dira plus tard Jésus : ainsi, devant la femme adultère, il se souviendra peut-être, en dessinant sur le sol pour cacher son émotion, que sa mère aurait pu être lapidée, et lui avec. Et il dira avec force : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! »

Joseph est enfermé dans ses pensées. Il est infiniment triste, résigné diraient certains. Même s’il a interrogé Marie, il ne peut la croire. C’est l’impasse, la déception profonde au moment même où s’ouvrait devant lui le bonheur de la vie conjugale. Solitude terrible où, tout en voulant rester « juste », « en accomplissant la Loi » (Rm 4,13), il devient le juge de sa femme et de l’enfant qu’elle porte. Il refuse d’accueillir chez lui Marie qui l’implore. Il refuse d’accueillir deux êtres sans défense, les deux êtres « bénis » entre les femmes et les hommes de la terre.

Joseph est comme un arbre sec, couvert de neige, battu par les rafales de l’hiver.

Après sa conversion : Joseph « juste » par la foi (communion, joie, arbre couvert de fleurs)

Et voici qu’à l’improviste, au cœur de la nuit survient une grande lumière. Le soleil vient faire fondre la neige et réchauffer l’arbre qui semble mort. Joseph est visité par l’Ange : « Joseph, fils de David, les pensées de Dieu ne sont pas les pensées des hommes ! Lève-toi ! Dieu te choisit ! Ta maison, c’est lui qui la bâtit. » (ce ne sont pas les paroles de l’Evangile, vous les connaissez, mais du chant d’entrée) [3].

Dieu a entendu le cri de détresse de Joseph. Les yeux de Joseph se décillent : il n’a aucune hésitation, aucun doute sur la véracité du songe, il obéit sans retard à l’appel de Dieu. « Heureux l’homme au cœur pur ! »[4]. Il abandonne sans regret son image d’homme « juste » selon la Loi – car aux yeux des hommes la situation n’est pas si claire, Jésus restera le « fils de Marie » pour les uns, le « fils du charpentier » pour d’autres –, et il révèle sa véritable identité d’homme juste « par la foi » (Rm 4,13). Par la foi, il accueille « l’héritage » promis à David et à Abraham (voyez la généalogie qui précède notre épisode), et il donne au Fils de Dieu d’accomplir les promesses.[5]

Le visage de Joseph est transformé. Il a quitté ses idées noires, sa mine défaite. Son cœur meurtri reprend vie. Marie est son épouse, intègre, fécondée par l’Esprit-Saint (v.20), il sera le père de Jésus (v.21) qui, par lui, pourra être reconnu comme le Messie, fils de David, fils d’Abraham.

Joseph va au devant de Marie, il balbutie une demande de pardon. Elle est bouleversée. Elle lui ouvre les bras, le pardon mutuel est échangé, et c’est l’étreinte de deux cœurs blessés qui seront unis pour toujours. Joie indicible… « Jésus, en regardant Joseph, verra l’image du Père ».[6] L’arbre mort a soudainement fleuri, comme on en voit beaucoup en ce moment dans la plaine avec le réchauffement du printemps tout proche.

> Cette expérience de la conversion de Joseph ne pourrait-elle pas devenir la nôtre ? Beaucoup de personnes ont bénéficié pendant leur vie de l’appui de cet homme qui est devenu juste par la foi.

Nous pouvons invoquer avec grande confiance l’intercession de saint Joseph, qui a été placé à la tête de la Sainte Famille, et proclamé patron de l’Eglise universelle. Joseph est proche de chacune de nos églises domestiques, de nos communautés.

Pour nous aussi la joie de la conversion et du pardon est possible, car tout est possible à Dieu.



[1] On peut ajouter Hé 11,1-16, lecture de Vigiles à Tamié, sur la foi de nos ancêtres.

[2] Thème inspiré par ma dernière session au Châtelard : Don et Pardon, avec Jacky Bodelin, psychanalyste.

[3] Chant d’entrée, stance du tropaire 89.

[4] Hymne 162 chantée aux Vêpres.

[5] Cf première lecture : 2 Sm 7, 4…16, et Hé 11, 32-34.

[6] Hymne 162 chantée aux Vêpres.