Homélie TO 15 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 15

Par Frère Antoine
croix - arcabas
15ème dimanche du temps ordinaire - A

Les paraboles du Royaume. Le semeur (Mt 13, 1-23)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac. Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu'il monta dans une barque où il s'assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles :
« Voici que le semeur est sorti pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D'autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n'avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde.
Le soleil s'étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D'autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D'autres sont tombés sur la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ! »

Les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, mais à eux ce n'est pas donné. Celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance ; mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. Si je leur parle en paraboles, c'est parce qu'ils regardent sans regarder, qu'ils écoutent sans écouter et sans comprendre. Ainsi s'accomplit pour eux la prophétie d'Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s'est alourdi : ils sont devenus durs d'oreille, ils se sont bouché les yeux, pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n'entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, et qu'ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris ! Mais vous, heureux vos yeux parce qu'ils voient, et vos oreilles parce qu'elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l'ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand l'homme entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s'empare de ce qui est semé dans son cœur : cet homme, c'est le terrain ensemencé au bord du chemin.
Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c'est l'homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n'a pas de racines en lui, il est l'homme d'un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il tombe aussitôt.
Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c'est l'homme qui entend la Parole ; mais les soucis du monde et les séductions de la richesse étouffent la Parole, et il ne donne pas de fruit.
Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c'est l'homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »

 Homélie

    Pendant trois dimanches, nous lisons le chapitre 13 de Saint Matthieu. Jésus enseigne en paraboles .Il ne « raconte » pas des paraboles, il « parle en paraboles ». C’est une forme de langage comme la poésie, le langage cinématographique, la peinture, la musique… plus adaptés à rendre la réalité mystérieuse de nos vies. Dans le chapitre 13 de St Matthieu, il y a sept paraboles. Nous avons entendu la première, elles seront toutes lues au cours des prochains dimanches.

 Imaginons que, assis pour m’écouter, vous ayez devant vous une table et une feuille de papier blanche avec des lignes. En haut de la page, je vous propose d’écrire le mot « parabole ». Probablement qu’en même temps vous pensez soit à la figure géométrique qui porte ce nom soit à une parabole de télévision soit aussi à cette façon de parler qui est celle de Jésus dans notre évangile. Pour mieux comprendre le sens de la parabole évangélique, je vous propose d’écrire trois ou quatre lignes plus bas le mot de la façon suivante : parabole, cette façon d’écrire montre visuellement qu’il s’agit d’une parole qui fait un détour par en haut, une parole à lire à deux niveaux. Elle a aussi un vide au milieu, comme ne pouvant pas tout dire. Pourquoi ? Pour trois raisons : -1) Pédagogique, les images nous frappent plus que des idées abstraites, mais ce n’est pas suffisant ; -2) Pour faire réfléchir : il y a toujours quelque chose qui nous échappe dans une parabole, elle n’est pas aussi claire qu’un enseignement technique ou scientifique ; -3) Les paraboles sont toutes des paraboles du « Royaume de Dieu ».

Comment parler à un aveugle de naissance des couleurs des fleurs ? Sinon en multipliant les comparaisons avec ce qu’il connait déjà. Comment parler de Dieu ? Aux autres, à nous-mêmes ? Jésus ne nous parle pas du ciel, des anges, de Dieu isolément, mais de notre vie terrestre : de semailles, de pêche, de levain… Et si ce Royaume de Dieu n’était pas un savoir à acquérir mais une révélation sur notre propre vie ? Une révélation qui nous provoque à nous décider, à discerner dans la vie de tous les jours : savoir distinguer entre le Royaume et ce qui ne l’est pas ? L’humain « divinisable » et l’humain qui ne l’est pas ?

La parabole d’aujourd’hui sur le semeur attire notre attention sur l’importance de bien écouter. Tout se joue sur notre capacité d’entendre le Seigneur lui-même nous parler, ici et maintenant. Tout le monde peut entendre l’histoire mais elle ne fructifie que chez quelques uns. Il y a en effet trois obstacles qui sont longuement développés par Jésus : -1) Satan, l’Adversaire mystérieux ; -2) Les épreuves de la vie ; -3) Les désirs humains qui étouffent la Parole. Mais il y a aussi une autre difficulté : la résistance à accepter la nouveauté et à changer d’avis. Ainsi avons-nous généralement une image de la toute puissance de Dieu qui correspond mal à l’image que nous en donne Jésus. Jésus vient convertir nos images de Dieu qui ne semble pas toujours puissant devant le mal, un Père qui laisse mourir son Fils sans intervenir de l’extérieur.

Les paraboles sont difficiles à comprendre parce qu’elles nous font pénétrer le mystère du mal. Dieu ne détruit pas le mal (la semence doit passer par la mort, l’ivraie ne peut être séparé du bon grain). Le Royaume est en germination et il accepte cette ombre mystérieuse du mal qu’est le péché, la résistance à la Parole, l’indifférence… Mais finalement le Royaume aura la victoire, le Bien triomphera du Mal, c’est le mystère de Pâques : mort et résurrection. C’est une bonne nouvelle, la source de notre espérance. Notre monde va mal, il y a de la guerre et de la haine un peu partout. C’est dans le réalisme de notre vie que nous accueillons l’Évangile. Comme nous le chantons dans une hymne de Carême : « Dieu nous fait voir notre vie comme un sillon où germe la Parole ». Le grain doit mourir pour donner non pas un autre grain mais du nouveau. Pas évident, il faut faire confiance, ce qui est une sorte de mort.

Que le Seigneur ouvre nos yeux et nos oreilles pour que nous sachions voir dans la nuit l’espérance de la lumière entretenue par les étoiles. Pour cela il faut lever les yeux vers le ciel et plus on regarde, plus on voit d’étoiles.

Demandons au Seigneur la grâce, les uns pour les autres, de savoir, nous aussi, parler en paraboles en racontant les signes du Royaume que nous avons vus dans notre vie quotidienne. Au milieu des mauvaises nouvelles ce serait une bonne façon d’annoncer l’Évangile et d’entretenir l’espérance dans un monde qui en a bien besoin.