Sermon Chandeleur — Abbaye de Tamié

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Sermon Chandeleur

Par saint Bernard

Sermon de saint Bernard
Pour la Purification de Marie
La présentation de Jésus au Temple
La chandeleur

Nous avons reçu, ô Dieu ta miséricorde
au milieu de ton temple (Ps 47, 10)

1. Aujourd'hui, une Vierge Mère introduit le Seigneur dans le temple même du Seigneur. Joseph aussi présente à Dieu, non son propre fils, mais le fils de Celui qui fait de cet enfant l'objet de ses complaisances. Siméon le juste reconnaît celui qu'il attendait  et une veuve, Anne, célèbre ses louanges. Ces quatre personnages ont célébré, les premiers, la procession de ce jour qui, depuis, en tout lieu, chez toutes les nations est célébrée avec transport. Qu'elle ait été petite et modeste alors, pourquoi s'en étonner? Il était petit aussi celui à qui s'adressait cet accueil. Aucun pécheur n'y trouva place : tous ces personnages étaient justes, ils étaient tous saints, tous parfaits. Mais, Seigneur, n'en sauveras-tu pas d'autres ? Ah ! Que ton corps grandisse et avec lui la miséricorde ! Hommes et animaux, tu sauveras tout, Seigneur, quand tu dilateras ta miséricorde (Ps 35, 7-8). Dans une autre procession, la foule précède, la foule suit : ce n'est plus une vierge qui porte le Christ, c'est un ânon (Mt 21, 7). Il ne dédaigne personne, pas même ceux qui croupissent dans le péché, comme les animaux dans leur fange. Non il ne les dédaigne pas et si les apôtres étendent là leurs habits, si leur doctrine, leur justice, leur obéissance, leur charité couvrent la multitude des péchés, il ne les réputera pas indignes de l'honneur de marcher avec lui. Et cette gloire qui semble le lot d'un si petit nombre, il nous l'a réservée. Après l'avoir accordée aux anciens, comment la refuserait-il à ceux qui viennent après eux?

2. David, roi et prophète, a tressailli à la pensée de voir ce jour, il l'a vu et il en a été réjoui (Jn 8, 56). S'il ne l'avait pas vu, comment pouvait-il chanter : Seigneur, nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple (Ps 48, 10) ? David a donc reçu cette miséricorde du Seigneur ; Siméon l'a aussi reçue, ainsi que nous tous prédestinés à la vie, puisque le Christ était hier, qu'il est aujourd'hui, qu'il sera à jamais. C'est au milieu du temple que se rencontre la miséricorde, ce n'est pas dans un coin obscur, ni clans une hôtellerie, parce qu'en Dieu pas de différence entre les personne. Elle est à la portée de tous, offerte à tous, nul n'en est privé que celui qui la refuse. Seigneur, mon Dieu, tes eaux s'épanchent et coulent sur la place, néanmoins, il est une fontaine qui t’est réservée et où l'étranger ne boit pas. Celui qui est à toi ne mourra pas qu'il n'ait vu le Christ du Seigneur, afin de s'en aller en paix. Et pourrait-il ne pas s'en aller en paix celui qui porte le Christ en son coeur? Le Christ est notre paix (Ep 2, 14), lui qui par la foi habite en nos coeurs (Ep 3, 17). Mais comment t'en iras-tu donc d'ici, toi, âme misérable, qui n'as pas Jésus pour te guider? Car il en est qui vivent dans l'ignorance de Dieu (1 Co 15, 34) Pourquoi? Parce que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière et la lumière (Jn 3, 19) est-il dit, luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise (Jn 1, 5). Comme si l'on disait: es eaux coulent sur les places publiques et personne n'y boit : la miséricorde est au milieu du temple et personne de ceux qu'attend une éternelle condamnation n'approche d'elle. Ô malheureux! Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas, de sorte que mourant avant d'avoir vu le Christ du Seigneur, vous ne quittez pas la vie en paix ; vous êtes emportés par des lions rugissants prêts à vous dévorer.

3. Nous avons reçu, ô mon Dieu, ta miséricorde au milieu de ton temple! Cette action de grâce est bien différente de ce cri gémissant: Seigneur, ta miséricorde est dans le ciel et ta vérité au-delà des nuées (Ps 35, 6). Et quoi? Vous semble-t-il que la miséricorde était au milieu du temple quand le Christ n'était encore qu'esprit au milieu des seuls habitants du ciel? Mais dès qu'il se fut abaissé au-dessous des anges, qu'il fut devenu le médiateur de Dieu et des hommes 1Tm 2,5), la pierre angulaire (1 P 2, 6) et qu'il eut pacifié par son sang le ciel et la terre (Col 1, 20) alors nous avons reçu, Seigneur, ta miséricorde au milieu du temple. Nous étions par nature des enfants de colère Ep 2, 3), mais nous avons obtenu miséricorde (2 Co 4, 1). Fils de l'ignorance, de la lâcheté, de la captivité, nous avons rencontré la sagesse, la force, la rédemption. L'ignorance d'une femme séduite nous avait aveuglés, la mollesse d'un homme entraîné et pris au filet de sa propre concupiscence (Jc 1, 14)  nous avait privés d'énergie, la malice du démon nous avait justement rendus captifs loin de Dieu. C'est ainsi que nous naissons tous, premièrement ignorants du chemin qui mène à notre véritable demeure (Ps 106, 4); en second lieu, faibles, sans énergie, en sorte que, si nous avions connu la route de la vie, notre inertie personnelle nous serait encore un obstacle, enfin captifs sous le plus cruel et le pire des tyrans, en sorte que malgré toute la prudence et la force du monde, nous succomberions encore sons notre malheureuse servitude. Une si grande misère ne demande-t-elle pas une grande miséricorde (Ps 102, 4) et une grande pitié? Ou si déjà nous sommes sauvés de cette triple colère par Jésus Christ devenu notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption (1 Co 1, 30) quelle vigilance nous est nécessaire, mes bien-aimés, pour qu'en nous la fin ne soit pas pire que le commencement (Mt 12, 45) ? Dieu nous garde d'un pareil malheur! N'allumons pas de nouveau sa colère et après avoir été enfants de colère par nature (Ep 2, 3), ne le soyons pas par notre volonté propre.

4. Embrassons donc la miséricorde que nous avons reçue au milieu du temple et avec la bienheureuse Anne, ne quittons pas la maison de Dieu (Luc 2, 37). Le temple de Dieu qui est toi-même est saint (1 Co 3, 17) dit l'Apôtre. La miséricorde est voisine de nous, voisine aussi est la parole puisqu'elle est sur vos lèvres et dans votre cœur. Le Christ, par la foi, habite en effet vos cœurs (Ep 3, 17). C'est là son temple, c'est là sa demeure, car vous n'avez pas oublié que l'âme du juste est le trône de la sagesse (Cf. Pr 12, 3). C'est une exhortation que je veux vous adresser souvent, ou plutôt toujours; je vous en conjure donc, mes frères, ne marchons pas selon la chair (Rm 8, 4), de peur de déplaire à Dieu. Ne soyons pas les amis de ce monde, de crainte de devenir les ennemis de Dieu (Jc 4, 4). Résistons au démon et il fuira loin de nous (Jc 4, 7) nous suivrons librement les routes de l'esprit ( Ga 5, 16) et notre vie sera la vie du cœur. Car le corps corruptible appesantit l'âme, la prive d'énergie et l'amollit, cette demeure terrestre abaisse les pensées (Sg 9, 15) et les empêche de s'élever vers le ciel. Aussi la sagesse de ce monde est-elle folie devant Dieu (1 Co 3, 19) et celui qui se laisse vaincre par le mal en devient l'esclave. Or c'est dans le cœur que la miséricorde est reçue, dans le cœur que le Christ habite, dans le cœur qu'il tient à son peuple un langage pacifique, un langage qu'il fait entendre à ses saints et à ceux qui se convertissent du fond du cœur (Ps 84, 9).

Traduction Armand Ravelet, , Paris, 1868, tome 4
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