Sermon sur l'alléluia — Abbaye de Tamié

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Sermon sur l'alléluia

Saint Augustin

Sermon de saint Augustin sur l'alléluia

1. Le mot hébreu qui retentit sans cesse dans l'Église, c'est-à-dire l'Alléluia, nous invite mes bien-aimés, à louer Dieu et à confesser la vraie foi. Dans notre langue, ce mot hébreu, Alléluia, signifie: Chantez les louanges de celui qui est; ou bien : Ô Dieu, bénissez-nous tous ensemble comme ne faisant qu'un, ou plutôt. Louez le Seigneur. Autant de choses nécessaires à notre salut et à notre foi.
2. Nous devons chanter les louanges de celui qui est, ou parce que nous avons nous-mêmes chanté, ou parce que nos ancêtres ont longtemps chanté les louanges de ceux qui ne sont pas, c'est-à-dire des dieux des nations et des idoles. Mais puisque nous sommes venus à la foi et à la connaissance du vrai Dieu, nous avons commencé à louer celui qui est, ou, en d'autres termes, le Dieu tout-puissant, qui a créé le ciel et la terre, qui nous a tirés nous-mêmes du néant; et qui a parlé à Moise en ces termes: « Tu diras aux enfants d'Israël : Celui qui est m'a envoyé vers vous (Ex 3, 14) ». C'est le Dieu qui a toujours été, qui n'a jamais eu de commencement, qui demeure éternellement et n'aura jamais de fin. A lui appartient, de droit et en toute justice, l'expression de nos hommages; car ce que nous sommes, notre vie même, est l'effet, non pas de notre volonté ou de notre puissance, mais de sa bonté toute miséricordieuse. Ce Dieu infini et bienfaisant, qui a été et qui est toujours, doit donc recevoir de nous des louanges dignes de lui et proportionnées à sa grandeur : oui, nous devons le proclamer éternel, tout-puissant, immense, auteur du monde, sauveur de l'univers ; oui, nous devons le dire hautement : il a tant aimé les hommes, qu'il est allé jusqu'à livrer son Fils pour leur salut ; car nous lisons ces paroles dans l'Évangile : « Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui ne périssent pas, mais qu'ils aient la vie éternelle (Jn 3,16) ».
3. Alléluia signifie donc: Chantez à celui qui est ; il signifie encore : Louez le Seigneur, ou bien : ô Dieu, bénissez-nous tous ensemble, comme ne faisant qu'un. Pour peu que nous y soyons attentifs, il nous est facile de remarquer combien ce sens est d'accord avec notre foi et notre salut. Nous prions, quand nous disons: Alléluia, que le Seigneur nous bénisse tous ensemble comme ne faisant qu'un. Si, tous ensemble, nous ne faisons qu'un par la foi, la paix, la concorde, l'unanimité de sentiments, nous pouvons louer le Seigneur d'une manière digne de lui; nous méritons qu'il nous bénisse tous ensemble. Car voici ce qui est écrit : « Qu'il est bon, qu'il est doux, pour des frères, d'habiter ensemble (Ps 166, 1) ». Et encore : « C'est lui qui fait habiter plusieurs dans une seule maison ». Le Seigneur nous comble donc de ses bénédictions, si, tous ensemble, nous ne faisons qu'un, c'est-à-dire si nous demeurons dans l'unité de foi, dans la concorde et la paix, dans les affectueux sentiments de la charité, selon le conseil et les avertissements de l'Apôtre : « Je vous en conjure », dit-il, « ayez tous une même manière de voir : ne souffrez point de divisions parmi vous, mais soyez tous parfaitement unis ensemble dans le même esprit et les mêmes sentiments (1 Co 1, 10)». Si l'on rencontre parmi nous de la discorde, des déchirements, des dissensions, nous ne sommes pas dignes des bénédictions d'en haut ; et nous ne pouvons louer Dieu d'une manière digne de lui, tant que nous persévérons en d'aussi mauvais sentiments. Alors pouvons-nous répondre avec confiance, dans la langue de nos pères : Alléluia, c'est-à-dire, ô Dieu, bénissez-nous tous ensemble comme ne faisant qu'un ? Pouvons-nous mériter d'être bénis de Dieu tous ensemble et chanter dignement ses louanges ? Évidemment non. Le droit de répondre : Alléluia, n'appartient donc ni aux hérétiques, ni aux schismatiques, ni à aucun des adversaires de l'unité de l'Église, parce qu'ils ne se trouvent pas tous ensemble, comme ne faisant qu'un dans le sein de l'Église. Notre-Seigneur lui-même le déclare dans l'Évangile ; voici ses paroles « Celui qui n'est pas avec moi est contre moi; et celui qui n'amasse pas avec moi dissipe (Luc 11, 23)». Le propre du Christ est de former un seul tout ; celui du diable est de diviser et de disperser. Celui qui aune l'unité de l'Église suit le Christ, et celui qui se complaît dans la division marche sur les traces du diable, parce que le diable est l'auteur de la division ; c'est pourquoi Salomon a dit : « Il y a temps pour diviser et temps pour unir (Qo 3, 5) ». Depuis longtemps le diable nous a divisés; mais, plus tard, viendra le temps où le Christ nous réunira de nouveau. Aussi devons-nous éviter et fuir la discorde, puisque nous savons que le diable en est l'auteur, comme nous devons nous attacher à la paix et à l'unité de l'Église ; c'est ainsi que nous pourrons répondre dignement et avec justice, Alléluia, c'est-à-dire : Louez le Seigneur; ou bien : ô Dieu, bénissez-nous tous comme ne faisant qu'un.
4. Voyez quelle grâce ce sens nous signale ! Chacun de nous répond en son particulier Alléluia ; par là nous sollicitons une bénédiction commune à tous, afin que chacun de nous ait sa part dans la bénédiction accordée à l'ensemble. Nous formons tous, en effet, un seul corps, le corps de l'Église ; c'est pourquoi nous devons tous n'avoir qu'une voix et qu'une âme : C'est-à-dire, nous devons tous nous unir dans la même foi, la même espérance, la même charité pour louer Dieu; voilà aussi pourquoi Dieu daigne recevoir les hommages des justes et refuse ceux des impies et des pécheurs : il accepte ceux des catholiques et repousse ceux des hérétiques : il se montre sensible à ceux des fidèles, et insensible à ceux des infidèles. Agissons donc, conduisons-nous de manière à être dignes de louer Dieu et de voir s'appliquer à nous cette parole du Prophète : « Enfants, louez le Seigneur : louez son saint nom (Ps 12, 1) ». Nous nous rendrons réellement à cette invitation, si nous obéissons avec fidélité, et en toutes choses, à la volonté de Dieu et à ses préceptes, moyennant la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l'honneur pendant les siècles des siècles. Amen

Traduction de MM. les abbés BARDOT et AUBERT.