Homélie de Pâques 4 — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Homélie de Pâques 4

Par Frère Gaël

4ème dimanche de Pâques

Le Bon Pasteur

Disciples de Jésus Ressuscité, nous avons soif de mieux comprendre le mystère de sa personne, de sa mission, de notre vie. Dans l’Evangile de Jean, Jésus s’identifie à l’eau vive, au pain, à la porte, et aujourd’hui au berger ou pasteur des brebis. Demandons lui maintenant d’ouvrir notre cœur à la compréhension de sa Parole, par son Esprit Saint.

Vous savez que les chrétiens des premiers âges aimaient représenter le Bon Pasteur, un berger portant sa brebis sur ses épaules, écho d’une autre parabole. Cette image a traversé les siècles, et je me souviens l’avoir contemplée bien des fois sur la porte du tabernacle de l’église de mon enfance… sans bien comprendre, mais en pressentant la bonté de Dieu.

L’image du berger contient des vérités théologiques très importantes. Quand Jésus dit : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger », Jésus déclare être Dieu ! Pourquoi ? Parce que dans l’Ancien Testament, par les prophètes et dans les psaumes, Dieu se présente comme le berger d’Israël son peuple. Jésus ajoute aussitôt, dans la même phrase, quelques mots qui font comprendre qu’il est vraiment homme, le Messie qui doit sauver tous les hommes. Il dit que le berger… « donne sa vie pour ses brebis ». C’est ce qu’il accomplira à Pâques : en mourant sur la croix, il prendra sur lui le péché des hommes, il portera sur ses épaules la brebis perdue.

Je vous propose maintenant de contempler l’image du berger dans l’Evangile, en élargissant un peu le contexte. Pour contempler, il faut entendre ce que Jésus dit de cette image, et regarder comment il est lui-même la réalisation vivante de cette image.

Jésus est à Jérusalem, écouté avec plaisir par le peuple, mais en conflit aigu avec les « Juifs », mot qui désigne ici les chefs religieux du Temple. C’est dans ce contexte difficile que Jésus découvre qu’il est un véritable berger pour ceux qui croient en lui : son rôle est de les défendre contre ceux qui menacent leur vie ; et plus que les défendre, de leur donner la vie en abondance. Jésus exprime ceci à trois reprises devant un auditoire où se mêlent « brebis », « bandits » et « bergers mercenaires ». En paraboles, il décrit le bon pasteur. Je résume : + le vrai berger appelle chaque brebis par son nom, car il les connaît d’une connaissance intime, comme le Père connaît le Fils ; + les brebis écoutent sa voix, car elles le connaissent et elles le suivent ; + le berger les fait sortir et marche à leur tête jusqu’au pâturage, car il donne sa vie pour elles. Il y a dans cette description une unité, une communion entre le berger et les brebis, qui ne forment qu’un seul troupeau, un seul Corps animé par un même Esprit… qui les entraîne vers la source de la vie, Dieu le Père.

Dans ces mêmes paraboles, Jésus dénonce ces hommes qui profitent de leur situation sociale pour exercer un pouvoir religieux excessif : « le voleur ne vient que pour voler » (l’argent des pauvres), ce qui revient à « égorger, faire périr » les brebis du troupeau. Ils sont encore comparés à des « mercenaires » pour qui les brebis ne comptent pas vraiment. En parlant ainsi, Jésus a en mémoire un événement récent : après avoir guéri un aveugle de naissance, il avait appris que les chefs religieux l’avaient jeté hors du Temple. Prenant quelques risques, il l’avait retrouvé et lui avait dévoilé son identité de Messie. L’homme avait cru en Jésus et s’était prosterné devant lui. La brebis écartée par les bergers mercenaire avait reconnu le vrai berger, son Créateur et Sauveur ! Quelle joie, après toute une vie d’exclusion, de pouvoir intégrer le troupeau !

L’ennemi principal que Jésus est venu combattre, ce ne sont pas les juifs devenus des bandits ou des bergers mercenaire : de ceux là, il dénonce l’hypocrisie et la rapacité ; il les invite à se convertir, à croire en lui. L’ennemi principal de Jésus dans la parabole apparaît au détour d’une phrase, il est redoutable, et c’est pour cela que les bergers mercenaires fuient devant lui : c’est le loup. Nous savons tous, dans nos régions, les ravages que font ces animaux dans les troupeaux des alpages, et jusque dans les élevages spécialisés près des habitations. Jésus, lui, à l’instar de David qui quelque 1000 ans plus tôt arrachait les brebis de la gueule des lions et des ours (cf. 1 S 17,34), est venu pour nous sauver de cet ennemi redoutable que personne ne voit. Il le paiera de sa vie, mais c’est pour que soit manifesté à tous les ravages du loup, et qu’ainsi ils soient préservés de tomber entre ses dents. Sur la croix, quand il donne sa vie, Jésus reste plus que jamais notre berger. C’est peut-être la plus belle image du berger !!! quand nous le voyons ouvrir tout grand ses bras, comme pour nous prendre sous sa protection. Sur la Croix, il remet son Souffle qui nous fait vivre, et nous regardons s’ouvrir son Cœur, d’où jaillissent le sang et l’eau… de notre renaissance par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie. Jésus est vraiment berger quand il donne sa vie pour ses brebis.

Mais il y a plus encore ! Jésus a dit : « Je donne ma vie pour la recevoir de nouveau. » A la Résurrection, quand il reçoit une vie nouvelle, un corps divinisé, Jésus devient le berger éternel qui veille sur chacun de nous. Il est berger au plus intime de nous-mêmes parce qu’il nous connaît par notre nom et que nous connaissons sa voix : au matin de la résurrection, c’est en entendant son nom que Marie reconnaît Jésus ! Mais il est aussi berger par sa puissance sur toute chose créée, sur tout être, si bien que personne ne peut arracher ses brebis de la main de son Père. Comme le dira la Préface que je chanterai tout à l’heure, Jésus « reste éternellement notre Défenseur auprès du Père »… Jésus Bon Pasteur, notre berger, vrai Dieu et notre Sauveur, nous conduit au Père, comme nous l’avons chanté au début de la messe. Bon Pasteur est son identité et sa mission ; brebis créée, sauvée par lui et destinée aux verts pâturages du Paradis est notre vocation. Notre joie est parfaite !

Ceux qui voudront pourront, aujourd’hui et toute cette 4e semaine de Pâques murmurer le Psaume 22 (23) que beaucoup d’entre vous connaissent par cœur : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien… »