Homélie TO 27 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 27

Par Frère Patrice

27ème dimanche du temps ordinaire

Évangile

Évangile (Mc 10, 2-16)

En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. – Acclamons la Parole de Dieu.

 

Homélie

Oserais-je vous parler du mariage qui est le thème de l’évangile de ce jour, alors que je ne suis pas et n’ai pas été marié !

Oserais-je vous parler du mariage à vous qui n’avez jamais pu ou voulu vous marier, et qui vous sentez bien souvent comme mis de côté dans la société ?

Mais peut-être accepterez-vous que le lien de l’engagement monastique que j’ai prononcé il y a déjà 33 ans m’autorise à donner un point de vue sur ce passage d’évangile, tout comme notre Pape François a rédigé un texte splendide sur ce thème en 2018 : « la joie de l’amour » ; en disant d’emblée « Nous avons présenté un idéal théologique du mariage trop abstrait et presque artificiellement construit, loin de la situation concrète. Et cette idéalisation excessive n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif, bien au contraire ! ».

Les échecs du mariage et de  la vie conjugale frappent aujourd’hui quantité de familles, et nous avons tendance à croire que c’est là une situation exceptionnelle et inimaginable en d’autre temps …tout comme l’abandon du ministère ou des vœux monastiques! Or la discussion entre Jésus et les Pharisiens nous démontre le contraire. Car en demandant à Jésus quel comportement il convient d’adopter, les pharisiens lui tendent un piège  (une fois de plus…) :faut-il appliquer avec toute sa rigueur la loi inscrite dans l’Ecriture, ou faut-il trouver des accommodements. Cette question, notre Eglise la reçoit aussi comme un piège :doit-elle annoncer imperturbablement et fermement que l’union de l’homme et de la femme est une union définitive et unique ? Ou doit-elle exercer sa mission d e miséricorde et apporter la consolation du pardon à ceux qui ont connu l’échec et la souffrance ?

Vous le savez bien : l’homme et la femme n’unissent pas leur vie selon les règles d’une loi contingente, mais selon le mouvement propre de leur constitution personnelle qui les pousse l’un vers l’autre, pour qu’ils s’engagent l’un envers l’autre et qu’ils découvrent ensemble la fidélité de leur communion. Mais cette merveille inscrite dans la nature de l’existence humaine ne nous met pas à l’abri des tentations, ni des difficultés, ni des échecs !

Dans chaque situation familiale et aussi dans la vie communautaire, il se passe quelque chose entre des gens qui ont des liens affectifs historiques, familiaux, religieux etc…très forts. Il se vit des drames, il se vit des horreurs, il se vit aussi des aventures extraordinaires. Notre travail à nous, c’est de tendre le doigt et de dire «  Dieu était là et je ne le savais pas », comme l’a dit Jacob (Genèse 26) en se réveillant d’un songe dans le désert. Oui Dieu est toujours là, tout près de nous, même quand nous nous imaginons être au fond du gouffre.

Notre Pape a cette très belle expression « Les ministres de l’Eglise ne sauraient se comporter comme les fonctionnaires d’une espèce de douane…qui ne laisse rien passer ».Et aussi « la voie de la charité est la voie la plus sûre d’interprétation spirituelle au saint peuple fidèle de Dieu. Il faut courir le risque de se salir avec la boue de la route ». Mais il ne dépend pas de nous de dire que les tentations et les difficultés et les échecs deviendraient la norme, pas plus que nous pourrions dire que Dieu ait voulu que l’homme et la femme s’unissent de manière précaire et provisoire !

Non, il dépend de nous d’aider les gens à comprendre comment leur situation particulière est concernée par l‘appel de Dieu, et comment Dieu permet de répondre à cet appel.

Je ne peux que vous citer ce petit verset merveilleux du Psaume 118 que nous chantons par trois fois le jour où nous nous engageons définitivement dans la vie monastique :

« Accueille-moi Seigneur selon ta Parole et je vivrai, ne déçois pas mon attente ».

Je me le répète souvent. Et vous pourriez aussi le faire vôtre et l’adressant à votre conjoint : une façon de lui renouveler votre confiance, tout comme ces enfants dont parle Jésus à la fin de cet évangile et qui sont les témoins de la confiance qui les fait vivre..

Puisse ce petit verset devenir votre prière au fil des jours ; car c’est aussi la prière qui vous et nous permet de tenir !

Oui, le Seigneur est toujours là pour nous accueillir ou nous recueillir !