Homélie TO 28 — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Homélie TO 28

Par Frère Gaël

28ème dimanche du temps ordinaire

L'homme riche

Homélie

 

« Qui peut être sauvé ? » se demandent les disciples qui viennent d’entendre la sentence de Jésus sur les riches. Et nous, qui avons pu venir à Tamié, nous nous sentons peut-être concerné par cette question, car même si nous n’avons pas beaucoup de moyens, nous avons pu venir ici en voiture, nous avons la sécurité de la nourriture, de la santé, de l’éducation en notre pays d’Occident, qui attire tant de pauvres.

La figure emblématique et émouvante de cet Evangile, qui captive nos regards aujourd’hui, est celle de cet homme riche que nous avons vu accourir et tomber à genoux en s’écriant : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? ». Et nous avons entendu la réponse de Jésus, qui se décline en 3 exigences successives et progressives : exigence morale, exigence écologique, exigence évangélique.

1. Est sauvé celui qui vit selon les exigences morales

Jésus ne connaît pas cet homme qui est à genoux devant lui et paraît sincère. Il lui donne une première réponse conforme à sa foi juive : suivre les exigences morales de sa religion, la pratique des commandements de Dieu. Et il est heureux de constater que cet homme est digne de la vie éternelle. Peut-être est-ce aussi notre cas de nous sentir en règle sur le plan individuel, et nous en sommes heureux. Pourtant, cette interpellation de Jésus sur les droits et devoirs fondamentaux de l’être humain ne peut nous laisser tranquille si nous nous plaçons sur le plan collectif : questions de la bioéthique, de la probité des hommes politiques, de la radicalité des religions, du cléricalisme avec ses abus de pouvoir et ses abus sexuels… au point de nous en donner parfois la nausée ! Mais pouvons nous nous laver les mains et dire que nous n’y sommes pour rien, que nous n’y pouvons rien ? Nous pouvons reprendre à notre compte, dans une instante supplication, la prière d’ouverture, où nous avons demandé à Dieu de nous accompagner de sa grâce pour être « attentifs à faire le bien sans relâche », par la réflexion, le dialogue, la prière.

2. Est sauvé celui qui vit selon les exigences écologiques

Jésus perçoit que l’homme à genoux devant lui est un homme riche, non seulement en vertus, mais aussi en argent. Aussi, lui ayant montré du regard qu’il l’appréciait, qu’il l’aimait, il lui propose une nouvelle exigence – qui n’était pas dans la Loi juive – pour obtenir un « trésor dans le ciel » : vendre ses biens et les donner aux pauvres. C’est là que l’homme qui nous paraissait parfait va achopper, car l’argent est pour lui en définitive plus important que Dieu, il est devenu une idole. Cela peut nous étonner, car déjà les sages et les philosophes avaient un détachement exemplaire sur ce point. Dans la 1ère lecture, nous avons entendu Salomon exprimer son désir de la Sagesse qui surpasse tout l’or et l’argent du monde. Aujourd’hui, des millions de personnes vivent par choix une sobriété heureuse, pour des raisons d’écologie humaine et environnementale. Pour des raisons d’équité entre enfants de Dieu, les Apôtres et les premiers chrétiens se détachaient de leurs biens pour les partager entre tous. Des gouverneurs et des rois exemplaires, comme saint Louis en France, ont su se mettre au niveau des pauvres. Des évêques au XXe siècle, au moment du concile Vatican II ont même fait un pacte pour vivre la pauvreté évangélique qui leur permettrait d’annoncer l’Evangile. Parmi eux, nous pouvons citer Mgr Oscar Roméro et Paul VI que notre pape François canonise en ce jour même. Et en cette semaine consacrée à la mission, le pape a indiqué le style du missionnaire qu’il souhaitait : qu’il pratique la sobriété et la pauvreté. Voilà qui rejoint bien la 2e exigence de Jésus vis-à-vis de l’homme riche.

3. Est sauvé celui qui vit selon les exigences évangéliques

L’homme à genoux a-t-il entendu la fin de la phrase de Jésus, cet appel, cette prédilection qu’il lui manifestait en l’appelant à le suivre ? Il semble que cet homme est déjà ailleurs, perdu dans ses soucis financiers, ou peut-être théologiques… La Parole « vivante », « énergique » de Jésus a tranché dans le vif, et l’homme s’en va… Saint Paul rencontrera beaucoup de Juifs qui refuseront de croire en Jésus car enfermés dans la pratique de la Loi, et il s’efforcera à mainte reprise d’expliquer dans ses lettres que la vie éternelle ne s’obtient pas par la seule observation de la Loi, mais par la foi en Jésus Christ. L’héritage que veut obtenir l’homme à genoux n’est pas la récompense d’un perfectionnisme orgueilleux, mais le fruit mûr d’un amour ! Jésus a dit qu’il fallait devenir comme des petits enfants pour entrer dans le Royaume de Dieu, car « pour les hommes, c’est impossible d’être sauvé, mais pas pour Dieu ». Dieu a fait tout le travail en nous envoyant son Fils né de Marie, et en prenant sur lui notre péché sur la Croix. C’est bien ce que nous rappelons et revivons maintenant, comme le dira la prière sur les offrandes : « Que cette liturgie célébrée avec amour nous fasse passer à la gloire du ciel ». Et encore, la prière de conclusion : « Dieu Souverain… rends-nous participants de la nature divine, puisque tu nous as faits communier au Corps et au Sang du Christ. » A Laudes, nous chantions joyeusement : « Chantez aujourd’hui l’indicible merveille : Christ est ressuscité ! Et l’homme découvre, s’il se perd en lui, une vie nouvelle ».

Pour terminer en prière, chacun peut relire les paroles du Tropaire, le chant d’entrée que vous avez sur la feuille. Bonne semaine missionnaire, en communion avec le Synode des jeunes, et action de grâce avec nos nouveaux intercesseurs du ciel, Mgr Romero et le pape Paul VI, sur le chemin de sobriété et d’éternité.