Entrée en carême — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Entrée en carême

Par Père Abbé
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Entrée en carême


Homélie

         Cet évangile entendu chaque année, le mercredi des Cendres, nous dit clairement comment vivre notre carême. L’ordre choisi par saint Matthieu pour présenter les paroles de Jésus sur l’aumône, la prière et le jeûne marque une priorité. D’abord vient la relation aux autres : donner de son argent, de son temps, de ses compétences, de son attention surtout aux autres nous ouvre à l’amour. Vient ensuite la prière qui n’est vraie que si elle est relation à Dieu qui nous aime et vers qui nous tournons notre cœur. Le jeûne enfin permet de réfréner notre égoïsme pour une vie de relation à Dieu et aux autres.

        Mais je voudrais ce matin attirer votre attention sur une phrase de saint Paul qui, dans sa lettre aux Corinthiens, nous présente le mystère du Christ. Cette phrase, difficile à saisir pleinement, nous situe au cœur de notre foi. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. Une compréhension aussi profonde et aussi juste du mystère de Jésus nous laisse dans l’admiration. Comme à Pierre, Jésus pourrait dire : ce n’est pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est aux cieux.  Cette justice de Dieu qui nous est attribuée gratuitement, à laquelle nous sommes identifiés, est si surprenante et si fondamentale que les chrétiens du 16e siècle se sont divisés à son sujet. Mal comprise, elle provoqua la division entre l’Eglise catholique et les disciples de Luther, chacun condamnant la position de l’autre. Fort heureusement, grâce au Concile Vatican II et à un effort mutuel de compréhension et d’estime réciproques, luthériens et catholiques sont parvenus en 1998 à une déclaration de foi commune à laquelle a beaucoup contribué notre pape, alors cardinal Ratzinger. Il y est dit ceci : Ensemble nous sommes convaincus que, pécheurs, nous ne devons notre vie nouvelle qu’à la miséricorde de Dieu qui nous pardonne et fait toute chose nouvelle, une miséricorde qui nous est offerte et est reçue dans la foi et que nous ne pouvons jamais mériter sous quelque forme que ce soit. En conséquence de cette affirmation de foi le texte ajoute : Nous confessons ensemble que l’homme est justifié par la foi en l’Evangile «indépendamment des œuvres de la loi» (Rm 3, 28)  En citant l’épître aux Romains, le texte reprend ici la position des luthériens. Mais la position catholique traditionnelle s’éclaire également d’un jour nouveau : Nous confessons ensemble que les bonnes œuvres – une vie chrétienne dans la foi, l’espérance et l’amour – sont les conséquences de la justification et en représentent les fruits.

        Ainsi nos efforts de carême, nos efforts de vie chrétienne, ne peuvent jamais être la cause de notre sanctification mais seulement une conséquence du Salut donné gratuitement par Dieu en Jésus et reçu dans la foi. Nous sommes dans la logique de l’amour qui répond par l’amour à un Amour aussi grand et incompréhensible de Dieu à notre égard. Avec Marie nous ne pouvons que dire qu’il me soit fait selon ta Parole et nous disposer à accueillir dans l’action de grâce cette justice de Dieu pour y répondre par une vie toute donnée par amour.

        C’est pourquoi je vais vous inviter, en vous imposant les cendres, à renouveler votre foi en l’Evangile, en ce Salut de Dieu reçu gratuitement en Jésus et à convertir notre cœur pour en vivre vraiment.