Homélie TO 27 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 27

Par Frère Patrice
  
27ème dimanche du Temps Ordinaire

Première lecture

« La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël » (Is 5, 1-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne ! Pouvais-je faire pour ma vigne plus que je n’ai fait ? J’attendais de beaux raisins, pourquoi en a-t-elle donné de mauvais ?

Eh bien, je vais vous apprendre ce que je ferai de ma vigne : enlever sa clôture pour qu’elle soit dévorée par les animaux, ouvrir une brèche dans son mur pour qu’elle soit piétinée. J’en ferai une pente désolée ; elle ne sera ni taillée ni sarclée, il y poussera des épines et des ronces ; j’interdirai aux nuages d’y faire tomber la pluie.

La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. Il en attendait le droit, et voici le crime ; il en attendait la justice, et voici les cris.

 

Psaume (Ps  79 (80)

R/ La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël.

La vigne que tu as prise à l’Égypte,
tu la replantes en chassant des nations.
Elle étendait ses sarments jusqu’à la mer,
et ses rejets, jusqu’au Fleuve.

Pourquoi as-tu percé sa clôture ?
Tous les passants y grappillent en chemin ;
le sanglier des forêts la ravage
et les bêtes des champs la broutent.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !
Seigneur, Dieu de l’univers, fais-nous revenir ;
que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés.

 

Deuxième lecture

« Mettez cela en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous » (Ph 4, 6-9)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens

Frères, Sœurs, ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le en compte. Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et entendu de moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.

Évangile (Mt 21, 33-43)

« Il louera la vigne à d’autres vignerons » (Mt 21, 33-43)

Alléluia. Alléluia. C’est moi qui vous ai choisis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, dit le Seigneur. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Écoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons, et partit en voyage. Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘Ils respecteront mon fils.’ Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !’ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. »

© AELF - Paris 2013

Homélie

Il faut avoir le moral pour lire tout autant la première lecture tirée d’Isaïe que le passage de  l’évangile de St Matthieu (qui est tellement important que St Marc et St Luc l’ont eux aussi repris à leur compte).

Il faut avoir le moral car ces textes  mettent à jour  une face cachée du cœur de  l’homme : l’homme, créé à l’image de Dieu peut tout à coup devenir mauvais et violent. Simone Weil a cette très belle réflexion : « n’importe quel individu abrite dans son tréfonds une folie prête à tuer. Il faut regarder en face les monstres qui sont en nous ». (Réflexions sur la barbarie).

La violence est partout dans l’ancien comme dans le nouveau Testament. Peut-être beaucoup plus dans l’Ancien Testament, car une bonne partie de ce livre raconte l’histoire de l’humanité. Et comme le disait François de Sales : « là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ».

Alors, oui, la violence est là, dans le Nouveau Testament.

Une violence verbale, dont la plus fréquente se trouve dans les échanges verbaux, souvent musclés,  mais aussi souvent insidieux, entre Jésus et les pharisiens ; généralement pour tendre des pièges.

Une violence parfois sournoise. Je pense à ce passage où le maître de la propriété avait semé du grain et où ses ennemis de nuit viennent semer au même endroit de l’ivraie.

Une violence physique qui peut aller jusqu’à l’homicide. La parabole de ce matin en est le prototype même ; mais Jésus avait été mené au bord d’une falaise pour être précipité dans le vide à Nazareth par les juifs furieux des paroles entendues ;et je pense aussi à ce débiteur à qui son maître remet sa dette et qui se rabat avec violence sur ses propres débiteurs.

 Et bien sûr le point culminant en est l’arrestation, puis le procès puis la mort de Jésus, qui récapitule toutes  les formes de violence.

Qu’y a-t-il à la base de toute cette violence ? La jalousie, cet instinct profond au cœur de l’homme, qui ne supporte pas que l’autre soit au dessus de nous, même dans le domaine religieux. Pensez à Caïn et Abel : Caïn qui ne supporte pas que le sacrifice religieux de son frère soit mieux accepté que le sien. Pensez à Joseph que ses frères malmènent et hésitent même à tuer  car il est le préféré de son père et a raconté à ses frères ses songes où il se voyait régner sur ses frères. Pensez combien de fois dans votre vie vous êtes dans la même situation !

Et quelle est la logique de cette violence ? La parabole des vignerons nous la donne : après avoir été les tueurs, les vignerons vont être tués par le propriétaire. Et cette mise à mort n’est pas en soi une vengeance mais l’issue fatale du processus qui avait été engagé.

Et Dieu dans tout ca ?

Dieu est celui qui nous invite à la patience vis-à-vis de la violence : le maître de  la vigne patiente en envoyant successivement des émissaires : il espère toujours. Le maître du champ où a été semé l’ivraie patiente lui aussi : attendre tranquillement la récolte, et là séparer l’ivraie du bon grain. Caïn ne doit pas être tué, bien au contraire Dieu met un signe sur sa tête pour que quiconque le trouve ne le tue pas. Et Jésus durant tout son procès patientait « Jésus se taisait » nous dit St Matthieu dans son récit de la Passion.

Et quel est ce signe, quelle est la source de cette patience à laquelle Dieu nous invite ? C’est celui de la Miséricorde, qui nous dit que l’amour est plus fort que la mort et que le péché. C’est le cri du cœur que le Pape Jean-Paul  II avait lancé en écrivant cette splendide encyclique « Dieu riche en miséricorde ».

Car c’est cette même patience qui amène alors à trouver une valeur, un sens, à tout ce qui se trame. «  La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle» : Jésus veut faire comprendre que tuer est une méprise, pcq celui-là même qu’on veut tuer est celui qui va assurer la solidité de l’édifice. »Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! ».