Homélie Ascension — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Ascension

Par Frère Raffaele
Ascension du Seigneur

Première lecture

« Tandis que les Apotres le regardaient, il s’éleva » (Ac 1, 1-11)
Lecture du livre des Actes des Apôtres
Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ; il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu.

 Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. Il déclara : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. » Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »

 Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

Psaume 46 (47)

R/ Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
ou :Alléluia ! (Ps 46, 6)

Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.

Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !

Car Dieu est le roi de la terre :
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.

 

Deuxième lecture

« Dieu l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux » (Ep 1, 17-23)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, Soeurs, que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père dans sa gloire, vous donne un esprit de sagesse qui vous le révèle et vous le fasse vraiment connaître. Qu’il ouvre à sa lumière les yeux de votre cœur, pour que vous sachiez quelle espérance vous ouvre son appel, la gloire sans prix de l’héritage que vous partagez avec les fidèles, et quelle puissance incomparable il déploie pour nous, les croyants : c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Il l’a établi au-dessus de tout être céleste : Principauté, Souveraineté, Puissance et Domination, au-dessus de tout nom que l’on puisse nommer, non seulement dans le monde présent mais aussi dans le monde à venir. Il a tout mis sous ses pieds et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la tête de l’Église qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude.

 

 « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 16-20)
Alléluia. Alléluia. Allez ! De toutes les nations faites des disciples, dit le Seigneur. Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Alléluia. (Mt 28, 19a.20b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

©AELF - Paris 2013

Homélie

- Frères et soeurs, aujourd'hui pour moi c'est une grande première. J'aime beaucoup le mystère de l'Ascension. Pourtant, je ne vous cacherai pas que je ne suis pas entré de plain-pied dans ce mystère de la vie du Christ. Il m'a fallu du temps, je ne dis pas pour le comprendre, car les mystères du Seigneur nous dépasseront toujours, mais plutôt pour le goûter. C'est saint Bernard de Clairvaux, notre grand saint Bernard, la gloire de l'Ordre cistercien, qui m'a beaucoup aidé à découvrir et à aimer ce mystère. Or, dans l'Ascension du Christ, Bernard se plaît à contempler, entre autres, deux aspects qui me paraissent fascinants. Nous verrons, d'ailleurs, qu'ils sont liés entre eux. Les voici. Tout d'abord, pour Bernard, l'Ascension est un mystère de beauté, qui nous dévoile le Christ dans sa splendeur de Ressuscité, élevé au ciel dans la gloire, assis à la droite du Père. Je cite quelques lignes de Bernard à ce propos (il s'adresse au Christ) :

« Combien rutilant tu resurgis du coeur de la terre après ton couchant, Soleil de justice ! Dans quel vêtement magnifique, Roi de gloire, tu te retires enfin au plus haut des cieux ! Pour toutes ces merveilles, comment tous mes os ne diraient-ils pas : Seigneur, qui est semblable à toi ? » (SCt 45,9)

Attention à cette expression : le « vêtement magnifique ». Elle désigne le corps glorifié du Seigneur. Remarquons que Bernard, pour évoquer la beauté inexprimable du Ressuscité, recourt à l'image de la lumière et du soleil, qui jalonne toute la Bible et qui culmine dans l'affirmation fulgurante de la première lettre de S. Jean : « Dieu est lumière. » (1 Jn 1,5) Nous l'avons chanté au début de la messe, dans le beau tropaire d'entrée : « Aujourd'hui, plus radieux que le soleil, /tu disparais à nos yeux et tu retournes près du Père. » Mais ce qui surtout m'étonne et me saisit, c'est que ce qui est glorifié, c'est le corps humain du Seigneur, son humanité, pareille à la nôtre. Voilà le deuxième fascinant aspect du mystère de l'Ascension. Un homme, avec sa chair glorifiée, « un fruit de la terre », dit Bernard, est désormais assis à la droite du Père, élevé au-dessus des anges et contemplé par eux avec un tremblement ébloui :

« Quelle gloire lors de ton Ascension, quand, au milieu des anges et des âmes saintes, tu as été conduit vers le Père et que, emmené jusqu'aux cieux avec la palme de la victoire, tu as enclos dans l'être même de la divinité l'homme que tu avais assumé ! Qui peut, je ne dirai même pas exprimer, mais simplement concevoir à quelle hauteur sublime atteint ce fruit de la terre en prenant place à la droite du Père, puisqu'il frappe d'éblouissement même les yeux des êtres célestes, et que le regard des anges tremble de peur, incapable de s'élever jusqu'à lui ? » (Pent 2,1)

Saint Paul nous le disait dans la deuxième lecture : « Dieu l'a établi au-dessus de tout être céleste : Principauté, Souveraineté, Puissance et Domination, au-dessus de tout nom que l'on puisse nommer. » Oui, désormais un homme comme nous, Jésus de Nazareth, en qui le Verbe de Dieu a pris chair, habite au milieu de la Trinité sainte. Dans le Christ ressuscité et glorifié, le corps humain a été divinisé, a atteint la plénitude de sa beauté. Or, la glorification du corps du Christ est la promesse et le gage de celle que nous attendons pour nos corps de misère, nos corps voués au vieillissement et à la mort. Nous l'entendrons tout à l'heure dans la préface de la messe : « Le Seigneur Jésus ne s'évade pas de notre condition humaine : mais, en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps – c'est-à-dire à nous – l'espérance de le rejoindre un jour.

Pour l'instant, avec toute l'Église, nous sommes encore des voyageurs et des pèlerins sur la terre, et nous marchons parfois péniblement, écrasés de maux et de peines, comme dit le Psaume (106,39). Mais, dans l'évangile, Jésus nous a promis sa fidèle compagnie : « Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. » Cette présence n'est plus physique, visible, car l'Ascension a soustrait Jésus à nos yeux ; mais elle n'en est pas moins réelle. Jésus nous appelle à une nouvelle forme de relation avec lui, une relation intérieure, profonde : la foi. La foi est la certitude que Jésus demeure pour toujours l'Emmanuel, Dieu avec nous. Ce nom est notre rempart contre la tentation de découragement, de désespérance qui nous assaille, parfois. Car nous ne croyons pas en une idée ou un idéal, mais en une personne : Jésus le Ressuscité, Dieu avec nous, éternellement vivant. Amen.