Homélies - Noël — Abbaye de Tamié

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Homélies - Noël

Par dom Ginepro
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Noël - Jésus est né !

Messe de la nuit

1ère lecture : « Un enfant nous est né » (Is 9, 1-6)


Lecture du livre du prophète Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres
a vu se lever une grande lumière ;
et sur les habitants du pays de l’ombre,
une lumière a resplendi.
Tu as prodigué la joie,
tu as fait grandir l’allégresse :
ils se réjouissent devant toi,
comme on se réjouit de la moisson,
comme on exulte au partage du butin.
Car le joug qui pesait sur lui,
la barre qui meurtrissait son épaule,
le bâton du tyran,
tu les as brisés comme au jour de Madiane.
Et les bottes qui frappaient le sol,
et les manteaux couverts de sang,
les voilà tous brûlés :
le feu les a dévorés.

Oui, un enfant nous est né,
un fils nous a été donné !
Sur son épaule est le signe du pouvoir ;
son nom est proclamé :
« Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort,
Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. »
Et le pouvoir s’étendra,
et la paix sera sans fin
pour le trône de David et pour son règne
qu’il établira, qu’il affermira
sur le droit et la justice
dès maintenant et pour toujours.
Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers !

– Parole du Seigneur.

Psaume : 95 (96)

R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né :
c’est le Christ, le Seigneur.
cf. Lc 2, 11

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
car il vient pour juger la terre.

Il jugera le monde avec justice,
et les peuples selon sa vérité !

2ème lecture : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite

Bien-aimé,
la grâce de Dieu s’est manifestée
pour le salut de tous les hommes.
Elle nous apprend à renoncer à l’impiété
et aux convoitises de ce monde,
et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable,
avec justice et piété,
attendant que se réalise la bienheureuse espérance :
la manifestation de la gloire
de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.
Car il s’est donné pour nous
afin de nous racheter de toutes nos fautes,
et de nous purifier
pour faire de nous son peuple,
un peuple ardent à faire le bien.

Evangile : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)

Acclamation :

Alléluia. Alléluia.
Je vous annonce une grande joie :
Aujourd’hui vous est né un Sauveur
qui est le Christ, le Seigneur !
Alléluia.

(cf. Lc 2, 10-11)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là,
parut un édit de l’empereur Auguste,
ordonnant de recenser toute la terre
– ce premier recensement eut lieu
lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie.
Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth,
vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem.
Il était en effet de la maison et de la lignée de David.
Il venait se faire recenser avec Marie,
qui lui avait été accordée en mariage
et qui était enceinte.

Or, pendant qu’ils étaient là,
le temps où elle devait enfanter fut accompli.
Et elle mit au monde son fils premier-né ;
elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire,
car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans la même région, il y avait des bergers
qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs
pour garder leurs troupeaux.
L’ange du Seigneur se présenta devant eux,
et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière.
Ils furent saisis d’une grande crainte.
Alors l’ange leur dit :
« Ne craignez pas,
car voici que je vous annonce une bonne nouvelle,
qui sera une grande joie pour tout le peuple :
Aujourd’hui, dans la ville de David,
vous est né un Sauveur
qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici le signe qui vous est donné :
vous trouverez un nouveau-né
emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable,
qui louait Dieu en disant :
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. 

Homélie

Fêter Noël… Fêter, une fois de plus, Noël.

Cela pourrait se réduire, au fond, rien qu’à une occasion comme tant d’autres, un prétexte pour profiter d’un engouement, d’une exaltation collective… Ou bien… serait-ce pour nous quelque chose de radicalement différent ? Essayons de nous demander quel est, pour chacun de nous, ici, le sens de cette fête, au delà des idées reçues et des clichés que nous devons, bon gré mal gré, avaler.

Fêter, en chrétien, la naissance de Jésus, renvoie chacun de nous à une prise de conscience authentique et, me semble-t-il, nous demande un réel engagement personnel.

Voilà ce qu’un prêtre que je connais écrivait récemment : « arrêtons de répéter que nous entrons dans la magie de Noël » ! Cela voudrait dire que nous acceptons d’ouvrir une parenthèse dans la grisaille, pour entrer, plus ou moins consciemment, dans ce petit jeu qui veut (qui veut !) oublier (le temps d’une trêve) les misères et les cruautés du monde : les enfants consciemment massacrés, les malheurs des camps des réfugiés, les morts en mer dans les traversées du désespoir, peut-être le chagrin de notre voisin de pallier… Ces oublis, font-ils partie de la MAGIE en question ? On dirait que dans cette fameuse magie, que l’on ne cesse pas de nous souffler à l’oreille, tous ces évènements tragiques, bien réels pourtant, disparaissent enfin, comme enfermées (pour un temps très court, forcement) dans un placard imaginaire.

N’oublions pas que Noël est la fête, justement, de l’Incarnation du Dieu qui se fait homme pour nous sauver, pour nous ouvrir les yeux et pour changer nos regards. C’est curieux : dans cette histoire de « Magie » nous aurions tendance à en faire le jour d’une « désincarnation » de masse, un jour de l’oubli concerté ; un jour où, « s’il vous plait, au moins aujourd’hui, il faut nous laisser tranquilles pour naviguer dans nos beaux rêves d’enfance ! Laissez-nous souffler ! ».

Et mon ami prêtre, têtu, de conclure : « Non, Noël ce n’est pas magique ! c’est laborieux ! ». Je pense qu’il veut dire, par là, contrairement à ce que la publicité et la consommation forcenée nous claironne de toute part, que la fête de l’Incarnation de Dieu en Jésus nous propose toute autre chose que l’oubli et le désengagement ; au contraire, au contraire… ! C’est un jour où nous sommes invités à ne pas oublier.

Parfois, ce sont les enfants qui nous ouvrent les yeux, qui nous étonnent et qui nous donnent de belles leçons de vie.

A ce propos, j’ai trouvé un témoignage délicieux de Mère Térésa de Calcutta. Je suis tombé, sur une petite feuille jaunie, perdue quelque part dans mes vieux papiers. C’était bien mon écriture, mais je n’aurais pu dire quand j’avais transcrit cette anecdote. J’en ai déduit que ces quelques lignes je les avais mises de côté il y a bien d’années, peut-être lorsque Mère Térésa était encore vivante. Je vous lis ce bref témoignage. C’est elle, Mère Térésa, qui parle:

« Nous voulions organiser une représentation théâtrale avec des enfants pauvres du quartier sur le thème de Noël.

L’enfant choisi pour faire l’aubergiste ne voulait pas entrer dans son rôle. Tout ça lui semblait injuste : dire NON à la demande de deux pauvres ? Ce ne fut pas facile de le convaincre qu’il s’agissait d’un théâtre. Enfin il accepta.

Quand, en scène, il s’agit de répondre à saint Joseph qu’à l’auberge il n’y avait pas de place, l’enfant, habillé en aubergiste, hésita et ne put se passer d’ajouter : « … mais … si vous voulez… entrer, pour boire quelque chose… ».

Formidable ! Par cette entorse arrachée au texte, l’enfant montrait d’avoir tout compris. Dans sa logique naïve et saine qui lui interdisait de séparer son identité de pauvre et le rôle qu’on lui demandait de jouer (tout en se retrouvant -malheureusement- du mauvais côté), il ne put se résigner à ce refus inhumain et il se sentit obligé, au moins, de l’atténuer : « si… vous voulez… entrer pour boire quelque chose…».

Nous poursuivons notre eucharistie (qui est le corps et le sang du Christ accueilli et partagé entre frères et sœurs, le même Christ qui, Parole de Dieu, s’est fait homme pour nous sauver) ; nous la poursuivons sans oublier ces simples paroles de l’enfant de Mère Térésa.

Cela ne nous interdit pas de fêter aujourd’hui Noël et de partager notre joie. Au contraire ! A chacun de vous, frères, sœurs, les plus petits, jeunes et moins jeunes, de transposer les paroles et le souci de l’enfant dans vos quotidiens, dans vos familles, dans vos milieux de vie.

Cette nuit, nous sommes tous invités à entrer et à nous assoir à la Table de Dieu.

 

Messe de l'aurore

1ère lecture : « Voici ton Sauveur qui vient » (Is 62, 11-12)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Voici que le Seigneur se fait entendre
jusqu’aux extrémités de la terre :
Dites à la fille de Sion :
Voici ton Sauveur qui vient ;
avec lui, le fruit de son travail,
et devant lui, son ouvrage.

Eux seront appelés « Peuple-saint »,
« Rachetés-par-le-Seigneur »,
et toi, on t’appellera « La-Désirée »,
« La-Ville-qui-n’est-plus-délaissée ».

Psaume : 96 (97)

R/ La lumière aujourd’hui a resplendi sur nous :
un Sauveur nous est né !

Le Seigneur est roi ! Exulte la terre !
Joie pour les îles sans nombre !
Les cieux ont proclamé sa justice,
et tous les peuples ont vu sa gloire.

Une lumière est semée pour le juste,
et pour le cœur simple, une joie.
Que le Seigneur soit votre joie, hommes justes ;
rendez grâce en rappelant son nom très saint.

2ème lecture : « Dieu nous a sauvés par sa miséricorde » (Tt 3, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre à Tite

Bien-aimé,
lorsque Dieu, notre Sauveur,
a manifesté sa bonté et son amour pour les hommes,
il nous a sauvés,
non pas à cause de la justice de nos propres actes,
mais par sa miséricorde.
Par le bain du baptême, il nous a fait renaître
et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint.
Cet Esprit, Dieu l’a répandu sur nous en abondance,
par Jésus Christ notre Sauveur,
afin que, rendus justes par sa grâce,
nous devenions en espérance
héritiers de la vie éternelle.

– Parole du Seigneur.

Evangile : « Les bergers découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né » (Lc 2, 15-20)


Acclamation :

Alléluia. Alléluia.
Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime !
Alléluia.

(Lc 2, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel,
ceux-ci se disaient entre eux :
« Allons jusqu’à Bethléem
pour voir ce qui est arrivé,
l’événement que le Seigneur nous a fait connaître. »
Ils se hâtèrent d’y aller,
et ils découvrirent Marie et Joseph,
avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu,
ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé
au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient
de ce que leur racontaient les bergers.
Marie, cependant, retenait tous ces événements
et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ;
ils glorifiaient et louaient Dieu
pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
selon ce qui leur avait été annoncé.

Messe du jour

1ère lecture : « Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Is 52, 7-10)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Comme ils sont beaux sur les montagnes,
les pas du messager,
celui qui annonce la paix,
qui porte la bonne nouvelle,
qui annonce le salut,
et vient dire à Sion :
« Il règne, ton Dieu ! »
Écoutez la voix des guetteurs :
ils élèvent la voix,
tous ensemble ils crient de joie
car, de leurs propres yeux,
ils voient le Seigneur qui revient à Sion.
Éclatez en cris de joie,
vous, ruines de Jérusalem,
car le Seigneur console son peuple,
il rachète Jérusalem !
Le Seigneur a montré la sainteté de son bras
aux yeux de toutes les nations.
Tous les lointains de la terre
ont vu le salut de notre Dieu.

Psaume : 97 (98)

R/ La terre tout entière a vu
le salut que Dieu nous donne.
cf. 97, 3

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s’est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
il s’est rappelé sa fidélité, son amour,
en faveur de la maison d’Israël.

La terre tout entière a vu
la victoire de notre Dieu.
Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !

Jouez pour le Seigneur sur la cithare,
sur la cithare et tous les instruments ;
au son de la trompette et du cor,
acclamez votre roi, le Seigneur !

2ème lecture : « Dieu nous a parlé par son Fils » (He 1, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

À bien des reprises
et de bien des manières,
Dieu, dans le passé,
a parlé à nos pères par les prophètes ;
mais à la fin, en ces jours où nous sommes,
il nous a parlé par son Fils
qu’il a établi héritier de toutes choses
et par qui il a créé les mondes.
Rayonnement de la gloire de Dieu,
expression parfaite de son être,
le Fils, qui porte l’univers
par sa parole puissante,
après avoir accompli la purification des péchés,
s’est assis à la droite de la Majesté divine
dans les hauteurs des cieux ;
et il est devenu bien supérieur aux anges,
dans la mesure même où il a reçu en héritage
un nom si différent du leur.
En effet, Dieu déclara-t-il jamais à un ange :
Tu es mon Fils,
moi, aujourd’hui, je t’ai engendré ?
Ou bien encore :
Moi, je serai pour lui un père,
et lui sera pour moi un fils ?
À l’inverse, au moment d’introduire le Premier-né
dans le monde à venir,
il dit :
Que se prosternent devant lui
tous les anges de Dieu.

Evangile : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 1-18)
Acclamation :

Alléluia. Alléluia.
Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre.
Peuples de l’univers, entrez dans la clarté de Dieu ;
venez tous adorer le Seigneur.
Alléluia.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Au commencement était le Verbe,
et le Verbe était auprès de Dieu,
et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
C’est par lui que tout est venu à l’existence,
et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
En lui était la vie,
et la vie était la lumière des hommes ;
la lumière brille dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Il y eut un homme envoyé par Dieu ;
son nom était Jean.
Il est venu comme témoin,
pour rendre témoignage à la Lumière,
afin que tous croient par lui.
Cet homme n’était pas la Lumière,
mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Le Verbe était la vraie Lumière,
qui éclaire tout homme
en venant dans le monde.
Il était dans le monde,
et le monde était venu par lui à l’existence,
mais le monde ne l’a pas reconnu.
Il est venu chez lui,
et les siens ne l’ont pas reçu.
Mais à tous ceux qui l’ont reçu,
il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu,
eux qui croient en son nom.
Ils ne sont pas nés du sang,
ni d’une volonté charnelle,
ni d’une volonté d’homme :
ils sont nés de Dieu.
Et le Verbe s’est fait chair,
il a habité parmi nous,
et nous avons vu sa gloire,
la gloire qu’il tient de son Père
comme Fils unique,
plein de grâce et de vérité.

Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant :
« C’est de lui que j’ai dit :
Celui qui vient derrière moi
est passé devant moi,
car avant moi il était. »
Tous, nous avons eu part à sa plénitude,
nous avons reçu grâce après grâce ;
car la Loi fut donnée par Moïse,
la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

Dieu, personne ne l’a jamais vu ;
le Fils unique, lui qui est Dieu,
lui qui est dans le sein du Père,
c’est lui qui l’a fait connaître.


Homélie

« Au commencement était le VERBE ».

Face à un énoncé de ce genre, nous avons un peu raison de rester interloqués. De quel commencement et de quel Verbe s’agit-il ? Que pouvons-nous en dire ? Cela demande plus d’une explication. Il est vrai que ce mot : « Verbe », traduction possible du terme grec : « LÒGOS » calqué sur « Verbum » latin, pourrait être rendu en bien d’autres manières. Par Raison, ou Sagesse, ou Discours ; ou bien, par des périphrases plus élaborés, comme : « la pensée de Dieu », ou « le mystère de la volonté divine »…

Mais, au fond, cela ne changerait pas grande chose pour notre problème, n’est-ce pas ? La vraie difficulté resterait.

Tout ça, nous est raconté un matin d’hiver, submergés que nous sommes – peut-être – par nos difficultés très, très concrètes, hélas, qui pèsent sur nous de tout leur poids…                    

Alors à quelle méditation peut nous éveiller cet énoncé solennel : « Au Commencement était le Verbe » ? 

Le prêtre (moine dans ce cas) vient de nous lire ce texte énigmatique (osons le dire) au milieu d’une fumée d’encens, encadré par le chant (vigoureux, c’est vrai) de notre assemblée… Tout est si beau… Mais quel lien pouvons-nous tisser entre cette Parole et nos quotidiens          prosaïques ?

Je vous adresse une question : Pourquoi sommes-nous ici, ce matin de Noël ? J’essaye de répondre avec vous : Nous sommes là parce que (peut-être de manière confuse) nous demandons d’en savoir davantage sur notre vie. Peut-être, voudrions-nous savoir pourquoi nous ne trouvons pas de vraies réponses à nos questions les plus pressantes, celles que, un jour ou l’autre, nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer. Peut-être, cherchons-nous ici des explications qui ne viennent pas. Nous ne trouvons pas la clé pour ouvrir une porte ou des portes intolérablement fermées. Nous avons besoin d’un éclairage pour pouvoir avancer au milieu des ombres, parfois très épaisses, qui habitent nos existences.

Et bien, l’Evangile, cette page de l’Evangile de saint Jean nous propose, dans son langage particulier, des éléments de réponse à nos doutes et à nos questionnements. Je dis bien : des éléments de réponse et non pas une solution capable de s’imposer. En effet, pour mieux saisir de l’intérieur le poids de notre quotidien, une clé d’entrée  nous est donnée : le « VERBE ».  Et ce « Verbe » n’est pas une abstraction mais une personne. Voilà la réponse offerte par cet évangile du prologue de Saint Jean. Si paradoxal (voire scandaleux) que cela puisse sembler, Dieu a enfin parlé non pas par des intermédiaires, mais par son Fils, qui, nous dit l’évangile, a voulu rejoindre, partager pleinement notre condition humaine, la vôtre et la mienne, de cette manière surprenante et unique : en se faisant l’un de nous. Et pas de la manière la plus facile : l’immensité de Dieu se fait enfant tout petit qui repose dans une mangeoire d’animaux. Dès le début, il n’a pas été accueilli :

-                       « Pas de place pour toi chez nous ! ».

C’est ainsi que l’Évangile s’exprime : « Il est venu parmi les siens et les siens ne l’ont pas reconnu ».

Ça commence mal. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli (donc nous pouvons être parmi ceux qui veulent l’accueillir), il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.

Voilà un EVANGILE, dans le sens propre du terme : une bonne nouvelle pour chacun de nous. Dieu a voulu nous rejoindre dans notre humanité, partager avec nous l’existence, se mettre à notre niveau : aujourd’hui Dieu se fait homme pour nous donner la VIE. « En lui était la vie. Et la vie était la lumière des hommes ».

À propos de VIE, je vous raconte, pour conclure, une anecdote relatée par le dernier livre de Christiane Singer.                                

Dans le plus noir de la guerre, en 1943, les parents de Christiane, juifs, persécutés, manquent de tout le nécessaire. Sa maman est enceinte et cette grossesse, dans ces conditions-là, vire au cauchemar : leur vie est plus que difficile. Une décision extrême s’impose: la femme devra avorter. Voilà donc le couple dans la salle d’attente d’un médecin en vue de se soumettre à l’avortement. Ils attendent. A un certain moment le mari prend la main de son épouse et lui dit : « Ce n’est pas à nous de faire l’œuvre de l’ennemi. Partons ! ».

Et Christiane Singer de conclure : « et me voilà ! ». Ses parents, pour elle, ont choisi la VIE.              En ce jour de la fête de la naissance de Jésus, puissions-nous dire ou redire, dans les décisions petites ou grandes de nos existences : « non » à l’intolérance à la dureté, à l’entêtement ;      « oui » à la douceur et à la Vie.

 

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