Homélie - 29ème dimanche — Abbaye de Tamié

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Homélie - 29ème dimanche

Par Frère Didier

29ième Dimanche - TO - B
Marc 10, 35-45
Prière pour les Missions


Frère Didier
19 octobre 2003


Vous avez sans doute entendu parler de Frère Christophe, le plus jeune des moines-martyrs de Tibhirine... En juillet 1989 il écrivait à propos de cet évangile :
« Boire à la coupe, nous le pouvons, nous le pourrons... »
« Serviteur, Témoin, Ami ... Comme ces mots sont brûlants !
Mais d’abord : Enfant (et pauvre). »

Frère Christophe avait découvert le vrai visage de Dieu... le visage que nous présentent les lectures de ce jour.
Isaïe nous a parlé de ce Serviteur broyé par la souffrance
et la lettre aux Hébreux nous a rappelé que Jésus a été capable de partager nos faiblesses et qu’en toutes choses, il a connu l’épreuve.
Et Jésus lui-même nous dit dans l’Évangile :
« Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir et donner ma vie pour la multitude. »
Oui, notre Dieu est notre Serviteur,... le Serviteur de chacun de nous ... C’est pourquoi il se fait petit enfant ... et son vrai visage est le visage d’un nouveau-né ... Et il se fait l’ami de chacun de nous et il se prosterne à nos pieds pour nous laver les pieds ... et le vrai visage de Dieu, c’est celui d’un ami en tablier... et c’est aussi le visage défiguré de celui qui vient habiter toutes nos souffrances et notre mort, pour semer dans nos enfers son Amour et sa Vie ! ... C’est le visage de la Miséricorde !... C’est le visage du crucifié-ressuscité, montrant ses plaies et nous donnant sa Paix ... parce que par lui nous sommes pardonnés, parce qu’avec lui nous sommes ressuscités... et qui souffle sur nous tout son Amour, toute sa Miséricorde… et qui nous envoie tous en mission... révéler et partager cette MISÉRICORDE !

Frères et soeurs, j’espère que vous serez d’accord avec moi, nous n’avons rien d’autre à dire que cette MISÉRICORDE, nous n’avons rien d’autre à faire que de partager cette MISÉRICORDE... Voilà la mission de l’Église...
« Allons dans le vent pour dire : ‘Je t’aime !’ chantait Frère Christophe.

Chacun de nous a sa forme de mission, chacun selon sa vocation ... L’un plus par la parole, l’autre plus par la prière, un autre davantage par l’entraide... Mais c’est sûr, chacun de nous est missionnaire... car on ne peut pas avoir découvert cet amour inconditionnel et infini, cet Amour de Dieu pour nous, sans désirer le partager à l’infini... Et notre mission, ce sera toujours de partager cet Amour inconditionnel et infini !
Rien d’autre que cet amour !
Et c’est pourquoi la mission, ce ne sera pas d’abord de dire et de faire, mais ce sera d’éprouver... éprouver cet Amour, faire l’expérience bienheureuse de cet Amour !
Avant d’aller répandre par la parole ce : « Je t’aime », il faut l’expérimenter et lui répondre : « Je T’aime » Ne rien faire... et se laisser aimer, c’est la condition indispensable de la mission... Cet Amour, il faut l’expérimenter pour le manifester.

Cette première étape de la mission, je l’appelle le MINISTÈRE de la JOIE... parce qui si j’expérimente cet Amour, une joie germe et pousse et se met à fleurir en moi... une joie capable de s’insinuer même dans ma souffrance... et de la transfigurer... Une joie qui rayonne d’elle-même et qui me rend spontanément missionnaire !... Une joie qui témoigne spontanément d’une Présence…

Certains d’entre nous pourraient se sentir incapables d’être missionnaires... Mais non !... D’ailleurs certains sont vraiment appelés à « ne rien faire », comme je disais... Nous, les moines... Et ce n’est pas pour rien que Thérèse de Lisieux, une carmélite, est patronne des Missions et que Mère Térésa a fondé une branche contemplative des Missionnaires de la Charité, comme saint Dominique autrefois avait institué les Dominicaines contemplatives avant même les Frères Prêcheurs !
Mais bien plus que les moines, i1 y a ces missionnaires que sont les grands malades et tant de nos frères et soeurs handicapés... dont la joie est d’autant plus témoignante qu’elle rayonne au travers de la souffrance... Ils pourraient se croire inutiles... Mais non !... Ils peuvent dire au Seigneur :
« Je suis là pour t’aimer, mon Amour !
Mon service, c’est de t’aimer !
...et de te désirer au nom de tous ceux qui ne te désirent pas ! »
Ils sont consacrés, comme tous les baptisés, mais avec plus d’intensité que chacun de nous, à ce que j’appelle le MINISTERE du DÉSIR.
« L’Esprit et l’Épouse disent : ‘Viens !’ » (Apocalypse 22, 17)

Dieu, parce qu’il respecte tellement notre liberté, attend notre appel, notre accueil, notre désir... pour se manifester et nous rassembler dans l’Unité.
« Priez le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson." (Lc 10, 2)
Ce ministère du désir se concrétise dans le ministère de la prière sans laquelle aucune mission ne saurait démarrer ni aboutir !
Que tous ceux qui sont particulièrement appelés au ministère de la prière sachent qu’ils sont responsables de tout un immense troupeau, qu’ils sont les pasteurs secrets d’une multitude ! Et que tous ceux qui proclament la Bonne Nouvelle par la parole et par l’action sachent que tout ce qu’ils peuvent dire et réaliser a ses racines dans le désir d’une multitude d’hommes et de femmes de prière !

Enfin, chacun doit trouver sa place dans la grande symphonie de la mission… où les silences sont encore plus importants que les notes !…
Comprenez-moi bien : Le pape c’est le pape, mais la cuisinière du pape est aussi indispensable que le pape... Et pas seulement parce qu’un repas bien cuisiné entretient la bonne humeur du pape... mais parce que la cuisinière du pape, elle se couche peut-être encore plus tard que le pape… et se lève peut-être bien avant le pape... et que pendant qu’elle touillent ses sauces elle ne cesse de prier pour le pape... et que peut-être elle prie beaucoup plus que le pape... et que finalement elle travaille à la mission encore plus que le pape !

Mère Térésa raconte qu’un jour qu’elle visitait une usine, elle s’approcha d’un ouvrier qui fabriquait des petites vis et lui demanda ce qu’il faisait. Il leva les yeux et répondit : « Je fabrique un avion. » - « Un avion ? » - « Oui, sans ces petites vis, l’avion ne volerait pas. » Et Mère Térésa de nous dire : « Voyez... chacun de nous est important dans le corps du Christ... Ne cessez pas de demander à Jésus de vous le faire comprendre. »… Important pour construire le corps du Christ... en faisant corps avec tous !
Que chacun de nous trouve donc sa place... et joue son silence juste ou sa note juste de la partition missionnaire... « Juste » c’est-à-dire plein d’amour !

Vous l’avez compris, c’est l’AMOUR qui est missionnaire.
L’Amour qui rayonne de lui-même dans le ministère de la joie,
l’Amour qui hâte l’Avènement du Royaume par le ministère du désir,
l’Amour qui est proclamé par les ministres de la Parole,
l’Amour qui est manifesté et partagé par la charité fraternelle,
par l’amitié avec tous qui construit la Famille universelle !
C’est toujours l’Amour en nous qui nous rend serviteurs...
et toujours serviteurs de l’Amour,
témoins de la Miséricorde !
Cet Amour qui se donne à nous, nous l’accueillons en cette Eucharistie... et, en rendant grâce de cet immense bonheur que nous avons de le connaître, nous renouvelons notre consécration à son service, pour toujours témoigner de sa Présence.