Homélie - 4ème dimanche de Pâques — Abbaye de Tamié

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Homélie - 4ème dimanche de Pâques

Par Frère Antoine
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Homélie pour le 4ème dimanche de Pâques
    Le bon Pasteur

Ac 13, 43-52 - Ap 7, 14-17 - Jn 10, 27-30

    Dessine-moi un berger ! (dessin à faire dans notre tête). Plus difficile que de dessiner un mouton ! Il faut faire non seulement un bonhomme et un mouton mais beaucoup de moutons. Pas de berger sans beaucoup de moutons. Et un berger c'est autre chose qu'un notaire en ville, ou un commerçant ou un employé etc. qui fait les trente cinq heures par semaine. C'est une vocation qui exige de donner sa vie pour ses brebis, jour et nuit, dans l'inconfort du nomadisme.

    Jésus a utilisé cette image du berger pour se désigner, dire son identité, sa relation à l'humanité : pas de Jésus sans brebis c'est-à-dire sans disciples, sans humanité. Toute image a ses limites. Du côté du berger, car un berger tond ses moutons et finit par les vendre ou les tuer pour leur viande. (Nous sommes en période électorale, il nous faut choisir un berger national. Les candidats nous promettent tous une vie meilleure mais les brebis ont toutes peur d'être tondues !) . Jésus ne veut pas notre mort, au contraire il dit : « Je-leur donne la vie éternelle, ils ne mourront jamais ». Autre correction à apporter à propos de l'image des brebis : dans la Bible avoir un troupeau de mouton c'est un signe de richesse, mais après l'histoire de Panurge, être traité de moutons n'est pas enviable. Jésus corrige cette impression car il nous parle de la relation qui existe ou qu'il souhaite entre lui et nous avec les verbes « écouter », « connaître », « suivre », « donner », des verbes fréquents chez St Jean et qui vont toujours avec la liberté. Jésus s'est solidarisé avec nous pour nous donner la vie éternelle. Cette « vie éternelle fait transition avec le deuxième aspect de l'identité de Jésus : sa relation à Dieu le Père.

    Avant Vatican II le catéchisme et la prédication courante, les chants religieux aussi véhiculaient l'image d'un Dieu Père méchant, en tous cas très fâché envers l'humanité (cf. dans le Minuit chrétiens de Noël : « et de son Père arrêter le courroux » Jésus, lui, était plutôt de notre côté. Dans mon imagination, je voyais Jésus comme un ami d'école ou de collège, fils d'un grand Seigneur ou de roi. Grâce a lui, je pouvais aller jouer et prendre un petit goûter au château et être finalement accepté par le Père tout puissant et intimidant. L'évangile ne dit pas ça du tout. C'est le Père qui demande au Fils de nous inviter au château, c'est Lui qui invite ! Pour illustrer leur vouloir commun, cette intention commune entre Père et Fils y a-t-il un dessin possible ? C'est plus difficile que de dessiner un berger ! Cependant un mot répété dans l'évangile de ce jour peut nous donner une piste : la main. La main symbolise l'action, la protection aussi. On peut penser aux mosaïques des anciennes basiliques qui représentent le Père simplement par une main tendue vers le Fils, une main venue d'en haut. Ou bien la main de Jésus dans l'icône de la descente aux enfers qui va saisir Adam et Eve, l'humanité qui se trouve dans le séjour des morts. La main est à la fois celle du Père et celle du Fils qui veulent la même chose : nous donner la vie, leur vie , éternelle, divine. De toute façon, nous n'avons pas d'autre image du Père que celle du Fils !

    Pour que cet évangile garde toute sa force d'actualité, il est nécessaire qu'existent, aujourd'hui, des «brebis », des disciples de Jésus, des hommes, des femmes, des jeunes, des enfants attirés par le «vrai berger », qui adhèrent à lui de tout leur être et librement, comme ayant perçu en lui l'appel au bonheur absolu mais exigeant aussi. Nous devons nous étonner de voir des gens qui ont la foi aujourd'hui. Non pas une foi purement décorative et conformiste mais une foi vivante comme en parle St Jacques dans son épître. Avoir reconnu la voix de Jésus au milieu de tous les bruits de ce monde – et il yen a !- ce n'est déjà pas si mal. Mais il ne suffit pas d'avoir entendu des appels, encore faut-il y répondre. Après avoir « entendu », il faut « suivre » Jésus dans une communion de vie, de pauvreté, de partage voire de nomadisme. En acceptant les exigences de cette vie que nous donne jésus, notre vie sera heureuse y compris dans les difficultés, les échecs et les fautes,( pardonnées). Si les chrétiens ne faisaient pas de leur relation au Christ un lien vital mais une profession conformiste sans engagement concret, l'annonce de l'évangile serait une idée intéressante, utopique et... morte. La voix ne s'identifie pas au message. Un bébé reconnaît la voix de sa mère cf. aussi les handicapés, capables d'avoir une relation vraie et profonde avec Jésus. Un des grands dangers du Christianisme est de le réduire à un message, message de fraternité universelle, c'est très beau mais si on oublie la voix de celui qui parle, si nous ne l'entendons plus, nous ne sommes plus en relation avec le berger ! Ce dimanche est le dimanche où on prie pour les vocations. Nous prions non seulement ni d'abord pour essayer de pallier aux manques de prêtres, religieux, religieuses, laïcs actifs dont l'institution a besoin mais, plus profondément, pour que l'humanité entière s'ouvre à la vocation qui lui est transmise par Jésus: tout homme est appelé à participer, dès maintenant, à la vie divine.

    En quatre versets, sans doute l'évangile dominical le plus court qui existe, nous atteignons le sommet de la Révélation dans l'Évangile. A la question des juifs : «Es-tu le Messie ? » Jésus répond qu'il est bien plus qu'un berger national « Le Père et moi nous sommes un ». Il est le Fils, l'égal de Dieu qui nous donne la vie éternelle, «la vie éternelle c'est de te connaître toi le seul vrai Dieu et ton envoyé Jésus Christ » (Jean 17) non pas après la mort mais dès maintenant. Telle est notre foi qui fait de nous des fils de Dieu et des frères de Jésus Christ.