Homélie - Christ-Roi — Abbaye de Tamié

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Homélie - Christ-Roi

Par Frère Patrice
croix - arcabas

Homélie pour la fête du Christ-Roi



1ère lecture : David reçoit l'onction royale (2S 5, 1-3)

Lecture du second livre de Samuel

Toutes les tribus d'Israël vinrent trouver David à Hébron et lui dirent : « Nous sommes du même sang que toi ! Dans le passé déjà, quand Saül était notre roi, tu dirigeais les mouvements de l'armée d'Israël, et le Seigneur t'a dit : 'Tu seras le pasteur d'Israël mon peuple, tu seras le chef d'Israël.' » C'est ainsi que tous les anciens d'Israël vinrent trouver le roi à Hébron. Le roi David fit alliance avec eux, à Hébron, devant le Seigneur. Ils donnèrent l'onction à David pour le faire roi sur Israël.

Psaume : Ps 121, 1-2, 3-4, 5-6a.7a

R/ Ton règne, Seigneur, est un règne de paix

Quelle joie quand on m'a dit :
« Nous irons à la maison du Seigneur ! »
Maintenant notre marche prend fin
devant tes portes, Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs : 
ville où tout ensemble ne fait qu'un !
C'est là que montent les tribus, les tribus du Seigneur,
là qu'Israël doit rendre grâce au nom du Seigneur.

C'est là le siège du droit,
lesiège de la maison de David.
Appelez le bonheur sur Jérusalem : 
« Que la paix règne dans tes murs ! »

2ème lecture : Dieu nous a fait entrer dans le royaume de son Fils (Col 1, 12-20)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frères,  rendrez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d'avoir part, dans la lumière, à l'héritage du peuple saint. Il nous a arrachés au pouvoir des ténèbres, il nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé, par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés. Lui, le Fils, Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né par rapport à toute créature, car c'est en lui que tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles et les puissances invisibles : tout est créé par lui et pour lui.  Il est avant tous les êtres, et tout subsiste en lui.  Il est aussi la tête du corps, c'est-à-dire de l'Église. Il est le commencement, le premier-né d'entre les morts, puisqu'il devait avoir en tout la primauté. Car Dieu a voulu que dans le Christ toute chose ait son accomplissement total. Il a voulu tout réconcilier par lui et pour lui,sur la terre et dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix.

Évangile : Le Roi crucifié (Lc 23, 35-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le règne de David notre Père, le Royaume des temps nouveaux ! Béni soit au nom du Seigneur Celui qui vient ! Alléluia. (cf. Mc 11, 10)

Lecture de l’évangile selon saint Luc

On venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Mais l'autre lui fit de vifs reproches : « Tu n'as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c'est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n'a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
© AELF


Homélie

On peut être de gauche, de droite, d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, et bien sûr du centre : tout cela n’empêche pas du tout de célébrer dans une même communion la fête du Christ Roi. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette fête est bien au-delà des clivages politiques, mais veut nous mener à réfléchir sur la vie d’un homme qui a voulu assumer jusqu’au bout  le chemin que Dieu lui avait tracée, tout comme chacun de nous cherche à accomplir pleinement ce pourquoi il a été créé.

« Roi de Juifs », quelle expression, mais c’est elle qui encadre en quelque sorte le récit de la vie du Christ dans l’évangile de saint Luc. Qui est sensible à cette expression ? Ce sont, et c’est là un  thème cher à saint Luc, ce sont les pauvres. Au début de l’évangile c’est Marie (une pauvre femme, une simple femme) qui reçoit la visite de l’ange qui lui dit que l’enfant qui va naître d’elle "règnera sur le trône de David son père". Les bergers (ils sont considérés comme étant de la plus basse condition) entendent que "dans la ville de David leur est né un sauveur". Et à la fin de l’évangile c’est un brigand qui va reconnaître en Jésus le Roi des Juifs. Oui, non seulement les pauvres entendent parler du roi des juifs, mais ils le reconnaissent, ils l’acceptent.

Au contraire, les puissants de ce monde : Hérode, Pilate, les magistrats, les soldats romains, les caïds ne peuvent entendre cela et restent incrédules.

C’est d’autant plus invraisemblable pour eux que ce roi est humble : le roi du monde subit sa passion sans rien dire, lui qui a dit que "le plus grand parmi vous doit prendre la dernière place", d’autant que "lorsque nous avons fait tout ce que nous devions faire nous ne sommes que des serviteurs quelconques".

Un roi pauvre, un roi humble qui par sa seule présence, par son seul comportement fait éclater la vérité. Jésus assume sa royauté, il l’assume en silence, il ne fait rien pour la montrer au grand jour ; non, elle rayonne de par sa personnalité. « Es-tu le roi des Juifs ? » demande Pilate ; c’est toi qui le dis répond Jésus. « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même » lui crient les soldats ; mais il ne répond rien. Cela me fait penser  à ces épisodes de l’évangile où les démons  reconnaissent la véritable identité  de Jésus et ne peuvent donc pas s’attaquer à lui. Par sa personnalité, Jésus rayonne tout ce qu’il est : il n’a pas besoin de paroles pour l’exprimer.

Le refus de cette vérité c’est le déni ; déni de reconnaître la véritable personnalité de l’autre qui nous gène. Mais pas n’importe quel déni : celui qui ne veut en aucun cas se préoccuper de l’autre qui est sur notre chemin et qui veut sa mort.

Alors nous pouvons nous poser la question que Dieu posait à Caïn dans le livre de la genèse : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Qu’ont-ils fait de Jésus, eux qui l’ont crucifié et lui ont fait subir injures et crachats. Qu’avons-nous fait de notre frère lorsqu’il était mourant sur le chemin de Jéricho. Qu’avons-nous fait de cette femme qu’on voulait lapider pour adultère (et il y a seulement quelques mois encore, la même question se posait !).

Et Jésus nous donne le chemin : qu’a-t-il fait de son frère, le bon larron, qui était à ses côtés sur la croix ? Qu’a-t-il fait de celui-là même qui annonce par ses paroles la royauté de Jésus au moment où tout semblait anéanti et sans espoir ? Il lui a fait miséricorde. Jésus, dans un dénuement total, est encore capable d’ouvrir les portes à son compagnon d’infortune, car il voit en lui un  pauvre, un humble qui reconnaît son injure, et un homme de vérité. Comment Jésus ne le ferait-il pas entrer avec lui dans son royaume puisqu’il lui devient semblable en pauvreté, humilité et vérité ?

Le royaume de Jésus c’est celui de la miséricorde. Et ce n’est pas pour rien qu’elle a été manifestée sur la croix ! Il faut avoir souffert pour pouvoir compatir, pour pouvoir être à même de partager la souffrance de l’autre et lui manifester la miséricorde.

Ainsi le Royaume de Dieu est inauguré par le pardon dont le premier bénéficiaire est un malfaiteur.  Léon Bloy dit : « Un homme couvert de crimes est toujours intéressant, c’est une cible pour la miséricorde ». Un pardon, ce n’est peut-être pas grand-chose, mais c’est un simple pas qui fait avancer la personne humaine, si perverse soit-elle, vers plus d’humanité ; un pas qui fait avancer l’humanité jusqu’à son accomplissement. Et la force de la miséricorde est telle que c’est aujourd’hui  que le salut est donné à celui qui reconnaît ses torts et accepte d’être pardonné. À nous de faire advenir le Royaume de Dieu aujourd’hui en nous et en nos frères.