Homélie - TO 6 — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié
Navigation

Homélie - TO 6

Par dom Victor
croix - arcabas
6ème dimanche du temps ordinaire - A

 Introduction

"La vie et la mort sont proposées aux hommes, l'une ou l'autre leur est donnée selon leur choix." Frères et soeurs, que l'écoute de la Parole de Dieu, accueillie et méditée nous fasse toujours choisir la vie et la vraie liberté. Pour cela, sachons découvrir, comme nous y invite saint Paul, la sagesse mystérieuse de Dieu qui est son dessein d'amour sur nous et toute la création.

Homélie

         Vous serez indulgent pour le caractère un peu improvisé de cette homélie. Le frère qui devait la donner est dans son lit atteint par la grippe que charitablement nous nous passons les uns aux autres. C’est toutefois avec joie que je voudrais vous aider à goûter la Parole que Dieu nous adresse ce dimanche. Cette page de saint Matthieu prise dans le discours sur la montagne est fondamentale pour notre vie chrétienne. Après avoir proclamé les béatitudes, Jésus nous disait dimanche dernier : vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. Aujourd’hui il entre dans le concret de nos vies et nous invite à passer d’une morale du permis et du défendu à une morale de liberté toute fondée sur l’amour.

         C’est ce qui permet à Jésus d’affirmer qu’il n’est pas venu abolir la loi mais l’accomplir. Il accomplit la loi de l’Ancien Testament en lui rendant sa dimension première qui était d’être une ouverture à l’amour. Les hommes l’ont réduite à une série de prescriptions légalistes, qu’il s’agisse du talion, du divorce, du sabbat et de bien d’autres domaines de la vie. Ce parallèle entre la Loi de l’Ancien Testament telle que les hommes l’ont interprétée et le commandement nouveau de l’amour se poursuivra dimanche prochain par l’amour des ennemis qui est le sommet de la morale chrétienne. Jésus pourra alors nous introduire dans la grande prière du Notre Père qui fait de nous des fils et non plus des observateurs scrupuleux d’une loi.   

         En plus des exemples donnés par Jésus celui de  l’observance du sabbat me semble particulièrement éclairant.   On discutait beaucoup entre écoles au sujet de ce qu’il était permis de faire le jour du sabbat. Certains disaient : si  un homme tombe dans un puits on peut le retirer, si c’est un animal, il faut le laisser. D’autres disaient : non, si c’est un vivant et n’importe quel vivant, il faut l’en retirer aussitôt… On a connu cette casuistique dans l’Eglise autrefois au sujet du jeûne eucharistique ou dans l’estimation de la gravité des péchés. Ce légalisme veut prévoir tous les cas mais il n’y parvient jamais. Les Etats tombent dans le même danger en multipliant les lois dès qu’un cas nouveau se présente. Dans ce système, l’homme abdique sa liberté et se contente d’appliquer ce qui est prévu par la loi. Chacun de vous le fait sans doute en remplissant sa déclaration d’impôts, du moins je l’espère !

  Comment se situe Jésus ? Sans supprimer l’observance du sabbat qu’il respecte lui-même, il relit la Loi en demandant : le jour du sabbat est-il permis de faire du bien ou de faire du mal ? Grand embarras des juristes car ce cas-là on ne l’a pas prévu ! Qu’est-ce que le bien ? Peut-on préciser toutes les façons de faire le bien ? Sera-t-on alors obligé de pratiquer toutes les façons de faire le bien ? Cela est impossible. L’homme est renvoyé à sa liberté, à sa conscience : à lui de discerner où est le bien, à lui de décider de faire le bien.

  De même quand Jésus est interrogé sur l’amour du prochain pour savoir qui est mon prochain. Le lévite et le prêtre voyant le blessé respectent l’interprétation légaliste de la Loi et évitent de se souiller. Ils sont en règle. Le samaritain qui ne s’embarrasse pas de ce légalisme voit ce qu’il est bien de faire et s’occupe du blessé. Va et fais de même ! (Lc 10, 37)

Dans un petit livre sur Saint Paul, Daniel Marguerat, exégète protestant, écrit que la morale de l’Évangile est une morale de l’excès qui inscrit l’infini du désir de Dieu dans le quotidien de nos vies1. Pour comprendre ces mots, acceptons de nous laisser guider par saint Paul qui nous invite aujourd’hui à contempler la sagesse de Dieu, le mystère insondable de son amour…L’apôtre nous parle d’expérience lui qui dans son zèle a connu cette forme de religion axée sur l’observance de la loi au point de se laisser gagner par un fanatisme religieux. Dans sa rencontre avec Jésus il s’est laissé transformer par l’amour infini de Dieu et est devenu l’apôtre d’une morale de liberté toute illuminée par cet amour infini. Il nous invite à découvrir toujours mieux le mystère insondable de la sagesse de Dieu, cet amour infini du Père pour les hommes au point de leur donner son Fils pour faire de nous des fils animés de son Esprit. Cette sagesse de Dieu que nul homme n’avait pu imaginer, dit-il, c’est à nous que par son Esprit Dieu l’a révélé. Ainsi l’homme qui vit de cet amour retrouve sa pleine liberté, cette liberté que lui a fait perdre le péché. Et Paul nous confiait avec souffrance : aucun de ceux qui dominent ce monde n’a connu cette sagesse de Dieu car, s’ils l’avaient connue ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. 

         Oui, frères et sœurs, loin de nous comporter comme Adam qui a voulu décider seul du bien et du mal et a fermé son cœur au dessein d’amour de Dieu sur lui, laissons l’infini du désir de Dieu s’inscrire dans le quotidien de nos vies.. 

[1] Daniel Marguerat, Paul de Tarse, Ed. du Moulin, 1999, p. 98