Homélie - La divine Miséricorde — Abbaye de Tamié

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Homélie - La divine Miséricorde

Par Frère Patrice
croix - arcabas
Deuxième dimanche de Pâques
De la divine Miséricorde


 Homélie

 

En ce jour où Benoît XVI béatifie Jean-Paul II, nous ne pouvons pas faire autrement que de réfléchir ensemble sur cet aspect de Dieu que Jean-Paul II affectionnait tant : celui de la Divine Miséricorde.

Pas facile de croire en la résurrection et pas facile non plus de croire en la divine miséricorde. Et pourtant c’est le pari à faire ce matin que de lier les deux convictions à l’aide de l’évangile que nous avons lu. Et tout d’abord,  pourquoi ce récit évangélique attache-t-il autant d’importance au corps du Christ ressuscité, alors que les disciples avaient vécu avec le Christ, ils avaient du lui serrer la main bien des fois ? Car on ne peut dénier qu’il s’y attache, au point de mettre tous nos sens à contribution.

Le premier sens interpellé est celui de la vue : Jésus leur montra ses mains et son côté ;  les disciples disent à Thomas «  nous avons vu le Seigneur », et Thomas de répondre « si je ne vois pas dans ses mains ».

C’est un appel à contempler le Christ qui nous est lancé là.

Même après sa mort et sa résurrection, le Christ garde en sa chair la marque des clous dans ses  mains et du coup de lance dans son cœur : marque indélébile tout comme ces cicatrices qui ne s’effacent pas au fil des temps et qui font mesurer  la profondeur de la blessure. Mais avec quel regard faut-il contempler ces marques ? Avec un regard de miséricorde, de la même miséricorde que celle qui a provoqué ces plaies. Il y a là comme un échange de deux miséricordes : celle de Dieu et celle de l’homme. Un peu comme Mère Theresa de Calcutta : elle a illuminé le monde parce qu’elle VU tous ces moribonds dans son regard de miséricorde. Elle les a regardés avec ce même regard que le Christ regarde bon nombre d’hommes : il le regarda et se prit à l’aimer ; et il l’aimait d’autant plus qu’il connaissait sa misère. Mais pourquoi ce regard de miséricorde en contemplant ces plaies ? Tout simplement parce qu’elles signifient à quel point le Christ a voulu nous aimer. Alors notre regard doit être le même mais en retour : celui de la miséricorde, c’est à dire de l’action de grâce, de remerciement au Christ qui nous a aimés jusque là. Et quiconque croise ensuite notre regard doit pouvoir y lire le fruit de notre contemplation et de notre méditation. J’aime beaucoup cette idée du Père Zundel : notre regard doit transparaître la présence du Christ. Pas besoin de paroles pour parler du Christ : on doit pouvoir le lire dans notre regard. Un peu comme Dostoïevski demandait si les Chrétiens avaient vraiment un visage de ressuscité.

 

Mais Jésus fait appel à un second sens : celui du toucher. Voir le Christ ressuscité ne suffit pas à Thomas (et peut-être à nous-mêmes) : il lui faut le toucher. St Jean nous dit «  ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché du verbe de vie, nous vous l’annonçons ». Nous avons parfois besoin de preuves tangibles : un peu comme des aveugles pour qui toucher est la seule façon de faire entrer une forme dans leur cœur et dans leur esprit. Mais ce n’est pas toucher n’importe quoi : c’est toucher les plaies du Christ ; celles-là mêmes d’où est sortie la miséricorde du Christ. Toucher c’est prendre la dimension de la gravité du péché qui a été jusqu’à causer de telles blessures. Tout comme un médecin ou un chirurgien ressent la profondeur et l’étendue d’un mal rien qu’en palpant le corps malade de ses doigts. Toucher c’est prendre la dimension de notre misère pour mieux accueillir la miséricorde du Christ.  On peut dire que Thomas est allé jusqu’au cœur de la présence du Christ, il a touché sa chair vivante, il a touché un homme et il a découvert dans cette expérience unique que cet homme était Dieu. La miséricorde d Dieu est remarquable, car c’est  celui qui avait douté, c’est celui qui ne voulait pas croire à la simple vue du Christ ressuscité mais qui voulait toucher ses mains, c’est à celui-là qu’a été fait ce cadeau extraordinaire, unique, de pouvoir mettre la main dans le cœur de Dieu. Dieu a cette délicatesse, cette merveille de tendresse et de miséricorde, pour celui qui, d’une certaine manière, était resté éloigné du mystère qui lui était témoigné mais qui cherchait à l’aprofondir.

Chacun de nous, nous rencontrons Dieu d'une manière différente, et c’est ce qui est magnifique et dont nous devons nous réjouir. Tous les disciples n'ont pas touché les plaies comme Thomas, tous les disciples n'ont pas éprouvé la plénitude de l'amour du Christ comme Jean. Tous les disciples n'ont pas su confesser la divinité du Christ comme Pierre. Chacun a son expérience propre qui est unique car l'amour de Dieu pour chacun de nous est total, il nous aime totalement comme si nous étions seul au monde, et cependant il aime les autres aussi, chacun différemment et chacun d'une manière unique.

Voir, toucher, deux chemins qui pourraient nous conduire à eux-seuls sur le chemin de la foi au Christ ressuscité. Et pourtant, un des messages de ce passage de l’évangile c’est de nous montrer que cela probablement ne suffit pas.  La foi et l’espérance peuvent nous y conduire, mais comme le dit St Paul elles passeront ( 1Co 13 :13). Alors quel autre chemin prendre pour accéder à la foi : la charité, car elle ne passe jamais. Cela me rappelle une interview du cardinal Barbarin qui disait « je ne m’occupe pas tellement de remplir les églises du diocèse de Lyon, parce que cela ne sert à rien. La première chose à faire, c’est de remplir les cœurs d’amour, et la source de cet amour est en Dieu ». Quand les cœurs aiment, ils cherchent à en remonter la source pour en éprouver la pureté et la vérité.