Homélie Avent 3 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Avent 3

Par Frère Patrice

3ème dimanche du temps de l'Avent

Réjouissez-vous !

Évangile (Lc 3, 10-18)

En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »

Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

 

Homélie

 

Les foules venaient de faire baptiser par Jean !

On a vu cela dans les pays du Tiers-Monde où les missionnaires faisaient d’immenses baptêmes collectifs.

Mais de  nos jours on voit au contraire des gens qui demandent à se faire radier des registres de baptême ! Ce baptême qu’ils ont reçu un jour les encombre…pour beaucoup de raisons personnelles.

Mais une chose me surprend dans ce passage d’évangile. Voilà des foules qui viennent se faire baptiser : on a envie de dire « bravo ». Mais qui de suite après avoir reçu le baptême demandent « que devons-nous faire ? ». Alors qu’on pourrait se dire « ils se sont préparés à recevoir le baptême, ils étaient motivés, ils ont bâti des plans ». Et tout semble tomber à l’eau.

Cela me rappelle l’histoire d’un vieux frère disparu depuis bien des années. Un jour qu’on lui fêtait ses 50 ans de vie à Tamié, un frère de son âge voulut lui retracer sa vie tout en fioritures. Et tout d’un coup le frère l’arrête et dit «  ce n’est pas du tout ca ». « J’étais en fait rentré au monastère pour fuir tout un climat familial délétère, et j’ai mené au début une vie monastique de routine. Et puis un jour je me suis dit « que dois-je faire » pour que mon engagement soit authentique et dynamique ? »

Je crois que tous, tant que nous sommes, nous penons à certains moments des virages importants dans nos vies, sans percevoir clairement la voie sur laquelle nous nous engageons. Et puis un jour nous sommes appelés à nous poser des questions : que suis-je venu faire ? C’est alors que commence une vraie conversion, qui nous appelle à poser des actes, à reprendre en main  notre vie, à faire comme le dit Jean-Baptiste à ses interlocuteurs : partager, ne pas extorquer, ne pas accuser à tort…et la liste est sans fin.

Bref il nous est demandé une nouvelle conversion. Et les consignes données au peuple, aux publicains et aux soldats en réponse à leur question «  que devons-nous faire » touchent pratiquement le point le plus douloureux dans la vie de chacun ce ces hommes. Tout comme ces remises en question de nous-mêmes et de nos existences touchent le point le plus douloureux de nos vies.

Cela me rappelle un très beau texte de Thomas MERTON, moine franco-américain, mort en 1968 et qui disait qu’il y a une question que nous devrons nous poser tout au long de notre vie monastique (et c’est valable pour tout le monde) : »Qu’est-ce que tu fais ici ? Pourquoi es-tu venu ici ? ». Car c’est une question qui nous confronte à une nouvelle signification et à une nouvelle urgence à mesure que nous avançons dans la vie.

Et si tout d’un coup notre humanité vivait à fond toutes ces valeurs ? Ce serait alors le paradis sur la terre, et on ne parlerait plus de corruption, de pauvreté etc. Mais ce récit ne nous dit pas ce que firent tous ces hommes…et l’usure est là qui nous guette tous. Je ne peux m’empêcher d e penser à cet autre récit de la femme adultère que les pharisiens veulent faire condamner. Et jésus leur dit : que celui qui n’a pas pêché lui jette la première pierre…et tous partirent à commencer par les plus anciens.

En rester là serait pessimiste. Et ce serait aussi oublier la fin d e notre passage d’évangile : il est une réalité beaucoup plus forte que Jean Baptiste pour opérer une transformation définitive du cœur de l’homme. C’est le baptême de l’Esprit-Saint et du feu. Cette force qui peut travailler de l’intérieur le cœur humain et qui ne peut provenir que de Dieu seul ; mais elle demande notre adhésion, notre coopération. C’est pour cela que tous les ans, lors de la Veillée Pascale, nous renouvelons les voeux de notre baptême, mais que déjà dans la nuit de Noël nus saisirons qu’un Sauveur nous est né pour nous aider à délier toutes les entraves qui nus empêchent d’aller à sa rencontre.