La liturgie, école de prière — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

La liturgie, école de prière

Par Fr. Goffredo Boselli de Bose

 
La liturgie, école de prière


Session internoviciat à Cîteaux du 21 avril au 29 avril 2008
Présentation d'une intervention du Fr. Goffredo Boselli de la communauté de Bose

Frère Goffredo a articulé sa réflexion en deux parties, la première autour de la « paideia de Dieu, c'est-à-dire sur l’action éducatrice de Dieu dans la liturgie, la deuxième sur les trois éléments constitutifs de la prière liturgique.

Première partie : l’action éducatrice de Dieu (paideia)

Quand on affirme que la liturgie est le lieu central de la formation du chrétien à la prière, on affirme une vérité évidente. Toutefois, il faut, il est peut-être moins évident de rappeler, que le premier éducateur dans la liturgie ce n’est pas d’abord l’Église, mais Dieu.

La Constitution Sacrosanctum Concilium au n° 7 définit la liturgie comme « Œuvre du Christ » et de son coté, le Catéchisme de l’Église Catholique au n° 1091 dit que : l « ’Esprit Saint est le pédagogue de la foi du Peuple de Dieu. »

L’œuvre éducatrice dans la liturgie de Dieu le Père l’a réalisé par ses « deux mains » selon la belle expression de Irénée de Lyon, le Verbe et l’Esprit Saint.

Oui, c’est Dieu lui-même qui est le premier éducateur de son Peuple, même si l’Église a son rôle à jouer, mais il est important de ne pas les confondre et d’en reconnaître le primat, la primauté de Dieu.

Le but de Dieu dans son rôle d’éducateur est de nous apprendre à prier, son but est aussi notre bonheur, en particulier la liberté de son Peuple qu’il a racheté de l’esclavage.

La Bible ne cesse de nous rappeler cette initiative pédagogique de Dieu et la Tradition monastique va dans le même sens quand elle définit la liturgie comme « Œuvre de Dieu » (Règle de saint Benoît) ou « Divine liturgie » d’après la Tradition orientale.

Deuxième partie : les trois éléments constitutifs de la liturgie

a) L’écoute
La liturgie éduque le croyant à la prière en lui rappelant avant tout la primauté de l’écoute de la Parole de Dieu contenue dans les Écritures. Dans la révélation judéo-chrétienne, l’écoute est la dimension essentielle et constitutive de la prière. Cela signifie la relativisation de la parole de l’homme qui dans la prière est réponse à la parole première du Seigneur.

C’est pour cela que l’office divin commence par cette invocation tirée du psaume 50 « Seigneur ouvre mes lèvres et ma bouche proclamera ta louange » ou encore par ce verset du psaume 69 : « Dieu viens à mon aide, Seigneur à notre secours ! » Par cette invocation l’homme reconnaît que c’est Dieu qui est à la source de la prière, que c’est de lui que naît la prière, et que c’est à lui que l’homme demande d’ouvrir les lèvres, c’est-à-dire de mettre sur ses lèvres les paroles de la prière.

Évagre le Pontique, un des plus célèbres moines du Désert (IV° s.) disait : « Si tu veux prier, tu as besoin de Dieu, qui fait le don de la prière à celui qui prie » (De la prière, n° 58).

b) L’intériorisation
La prière née de l’écoute de la Parole de Dieu qui doit être intériorisée personnellement par celui qui prie. L’intériorisation est indispensable pour l’éducation à la prière liturgique. C’est pour cela que la liturgie comme l’a rappelé le Concile doit permettre des temps où celui qui prie puisse faire sienne, intérioriser la Parole écoutée.

La tradition monastique se situe dans la même ligne, comme le rappelle Jean Cassien dans la 2°Institution : « Tous étant assis - comme c’est aujourd’hui encore la coutume en Égypte - l’attention de leur cœur est fixée aux paroles du chantre. Lorsque ce dernier eut chanté onze psaumes séparés par des prières, les versets se suivant sans interruption avec un débit uniforme, il acheva le douzième par le répons d’un alléluia... » Dans ce texte il y a deux mouvements :
1) L’écoute du psaume chanté par un soliste ;
2) Un espace de silence.

Plus loin Cassien justifiera le nombre réduit de psaumes : pas plus de 12 par office et des temps de silence entre un psaume et l’autre, en rappelant aux moines : « Ils ne se satisfont pas du nombre des versets mais de l’intelligence spirituelle, s’appliquant de toutes leurs forces à cet avis : « Je chanterai avec l’esprit, je chanterai aussi avec l’intelligence » (2°Institution, n°11).

L’intériorisation se réalise en celui qui « comprend le sens de ce qu’il fait, comprendre (= cum + prehendre) c'est-à-dire : prendre avec soi, s’approprier la signification spirituelle du texte. Si les textes, les gestes de la liturgie ne sont pas intériorisés, ces textes ne deviennent pas nourriture pour le chrétien.

c) L’interprétation

L’interprétation est un travail symbolique, c'est-à-dire que celui qui prie, par ex. un psaume, doit savoir mettre ensemble le sens objectif du texte de la prière et le sens subjectif que ce texte suscite en lui. Comme l’a écrit M.D. Chenu, « l’essence du symbole c’est d’être dépassé ».

L’interprétation représente l’acte par lequel on va au-delà du point de départ représenté par la prière liturgique, on va au-delà du texte. C’est pourquoi par exemple, au sujet des psaumes la liturgie nous offre des instruments pour les interpréter de façon chrétienne. Ces instruments sont : les titres des psaumes, les antiennes et les oraisons psalmiques.

Conclusion

Ainsi à travers l’exercice de l’écoute, de l’intériorisation et de l’interprétation la liturgie forme à une prière qui crée en celui qui prie un espace d’accueil pour le Seigneur et pour la communion avec Lui. De cette manière, la liturgie comme un sage pédagogue, forme le chrétien à aller au-delà de la liturgie des textes, pour rejoindre dans la prière la communion avec Dieu.