Homélie Avent 1 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Avent 1

Par Frère Raffaele

 

Premier dimanche de l'Avent

Première lecture
« Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! » (Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7)

C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face. Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.

Psaume (79 (80)

R/ Dieu, fais-nous revenir ; que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés !

Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

 

Deuxième lecture

Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

 

Évangile
« Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison » (Mc 13, 33-37)

Alléluia. Alléluia. Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

© AELF - Paris 2013

Homélie

- Chaque année, en ce temps de l'Avent, nous sommes invités à la vigilance, à l'attente, et nous entendons résonner, dans la liturgie, le cri : « Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt ! » Mais nous devrions nous poser la question : nous, les chrétiens, croyons-nous encore à la fin de l'histoire, à la venue du Seigneur Jésus, à l'inauguration d'un ciel nouveau et d'une terre nouvelle ? Nous, les chrétiéns, sommes-nous toujours « ceux qui attendent le Christ », comme nous appelait le cardinal John-Henry Newman ? Nous, les chrétiens, chargés de garder toujours vivante la flamme brûlante du désir, qu'avons-nous fait de l'attente ? Avons-nous encore conscience de ce que nous disons lorsque, en répétant la prière que le Seigneur Jésus nous a enseignée, nous implorons : « Que ton règne vienne ? » Pourtant, le retour du Seigneur est une donnée centrale de notre foi chrétienne, une donnée qui exprime l'absolue souveraineté de Dieu sur le monde, sur l'humanité, sur l'histoire. L'humanité n'avance pas dans l'histoire par inertie, mais elle va vers une fin établie par la volonté de Dieu. Il y a donc un jour, appelé par tous les prophètes « le Jour du Seigneur », où les réalités visibles céderont la place aux invisibles, ce monde-ci cédera la place au ciel nouveau et à la terre nouvelle, au royaume de Dieu, à la vie éternelle. Si notre foi chrétienne n'était pas porteuse de cette espérance au-delà de la mort et au-delà de l'histoire, alors les chrétiens seraient les plus à plaindre de tous les hommes, dit saint Paul (1 Co 15, 19). La parabole de l'évangile que nous venons d'entendre a été dite par Jésus non pour effrayer ses disciples, mais pour les rassurer : le Seigneur est comme un homme parti en voyage, mais qui reviendra. Entre temps, que devons-nous faire, nous, ses serviteurs ? Veiller et accomplir notre travail. Veiller en cette nuit du monde pour tous les hommes, veiller comme des sentinelles pour toute la ville. Veiller pour ne pas devenir la proie de ce sommeil qui nous fait oublier qui sommes nous, où allons nous et qui attendons nous. Veiller pour garder la lucidité dans nos relations avec les choses et avec les personnes, et pour donner aux réalités d'ici-bas leur juste valeur. Veiller pour demeurer attentifs au temps qui passe, aux étapes de la vie, pour ne pas se laisser vivre. « Heureux celui qui veille », dit le livre de l'Apocalypse (16, 15). Oui, parce qu'il vit dans l'histoire avec la liberté de celui qui sait que sa cité se trouve dans les cieux (Ph 3, 20), parce qu'il vit dans l'aujourd'hui en étant tendu vers l'éternité, parce qu'il reçoit de l'attente du Seigneur qui vient la capacité d'apprécier avec justesse les autres, lui-même et les réalités qui l'entourent. Je pense que nous devrions toujours nous poser cette question, devant les événements qui nous arrivent : qu'est-ce que cela par rapport à l'éternité ? Voilà ce qui nous permettrait de relativiser bien des choses ! Oui, l'homme est désir et il tourne son regard vers l'avenir, plein d'espérance. Mais, bien souvent, c'est ici que se cachent les idoles : vaines attentes, espérances fallacieuses qui ne tardent pas à se révéler pour ce qu'elles sont, des illusions décevantes. Pour nous, chrétiens, l'attente de Jésus devrait être la chose la plus importante. Il nous faut tenir ferme dans l'histoire, au milieu des épreuves, des difficultés, des contradictions, comme celui qui ne vacille pas et n'est pas ébranlé, en homme qui voit l'Invisible (He 11, 27), c'est-à-dire le Christ son Seigneur, vainqueur de la mort et vivant, qui l'attend les bras ouverts. Car « les choses visibles n'ont qu'un temps, les invisibles sont éternelles », dit saint Paul (2 Co 4, 18). L'Avent voudrait nous remettre cette vérité sous les yeux et nous la rappeler. Le Seigneur vient bientôt et il vient en son jour : s'il tarde, c'est qu'il est patient envers les hommes, et qu'il les soutient dans le long labeur de l'histoire, long labeur qui toutefois aboutira au Royaume. Amen.