Annales de Cîteaux - Tamié et sa région — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Annales de Cîteaux - Tamié et sa région

De Nicolas Cotheret - Folios 16-17 , 358-359
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Annales de Cisteaux

Par Nicolas Cotheret (1694-1753),
moine de Cîteaux, bibliothécaire et archiviste de cette abbaye.
Manuscrit des Archives de l’abbaye de Tamé - Cote : Ms 3

Texte publié en grande partie par Louis J. Lekai, OS, dans Analecta Cisterciensia, annus XL, 1984, p. 150-303, 1985, p. 42-315, 1986, p. 265-330.

Ce que dit Frère Nicolas Cotheret, de Tamié, de la Savoie ou de sa région

(Folio 16) – [En 1177], Godefroi, abbé de Clairvaux succéda à Henry, abbé d'Hautecombe, en Savoie, diocèse de Genève, qui venait d'être élu abbé de Clairvaux, auquel Godefroi, étant déjà à Hautecombe, dédia le IVe livre de son commentaire sur les Cantiques qui est parmi les manuscrits de la bibliothèque de Cîteaux. Quelle apparence que les religieux d'Hautecombe l'eussent choisi pour leur abbé si l'Ordre eut reconnu sa destitution fondée sur des motifs bien légitimes.

La canonisation de saint Pierre de Tarentaise

Cinq ans après, c'est-à-dire en 1182, le Chapitre général ayant jugé à propos de demander la canonisation de saint Pierre [mort en 1174], archevêque de Tarentaise, auparavant religieux de l'abbaye de Bonnevaux, au diocèse de Vienne en Dauphiné, et ensuite premier abbé de Tamié, en Savoie, au diocèse de Tarentaise même, fondé en 1133, députa l'abbé de Bellevaux, du diocèse de Besançon, et notre Godefroi d'Hautecombe pour aller à Rome solliciter de la part de l'Ordre de Cîteaux cette canonisation auprès du pape.
Lucius III qui tenait alors le siège de Saint Pierre (f. 16v°) n'accorda pas d'abord ce que ces députés lui demandèrent. Il estima nécessaire, avant de passer outre à cette canonisation, d'écrire à Pierre, abbé de Cîteaux, et à Pierre, abbé de Clairvaux, de faire rédiger par écrit ce que ce grand archevêque avait fait de plus mémorable pendant le cours de sa vie, afin que sur les mémoires qu'ils enverraient à Rome on put s'assurer de la sainteté de ce digne prélat, de laquelle cependant la renomée avait déjà informé l'Église.
En exécution de ce bref, l'abbé de Cîteaux, qui venait d'être élu évêque d'Arras, écrivit de concert avec l'abbé de Clairvaux, à son vénérable ami Godefroi, abbé d'Hautecombe, de ramasser tous les actes qui pourraient faire un corps d'histoire et servir au dessein du pape.
Telle était l'estime que ces deux abbés faisaient du mérite de cette malheureuse victime de la politique et du respect humain, et laquelle le Chapitre général lui-même honora de la députation de l'Ordre prêt Lucius III, quoi quelle eut été disgraciée par les puissances de la terre. Voilà la vénération que l'Ordre de Cîteaux lui-même conserva pour Godefroi après qu'il eut été forcé d'abdiquer l'abbaye de Clairvaux, ou qu'il en fut destitué, car on ne trouve rien de bien clair sur lequel de l'un ou de l'autre de ces deux événements on doive se fixer (f. 17).
Godefroi, ayant accepté la commission qui lui était envoyée de la part de ses supérieurs, leur écrivit une lettre qui porte pour suscription: “ Aux révérends pères en J. C. monsieur Pierre élu évêque d'Arras, et à Dom Pierre, abbé de notre Sainte mère de Clairvaux, frère Godefroi de Haute Combe, qui est tout ce qu'il y a de plus petit ”.
Ces trois lettres sont transcrites à la tête de la vie de saint Pierre de Tarentaise qui se trouve entre celle de saint Bernard et de saint Malachie, dans un même volume in folio de la bibliothèque de Cîteaux.

Folios 358-359 - Entre Lyon et Turin, la traversée de la Savoie, en 1661[1].

Cet extrait n'a pas été publié par Lekaï

(Folio 358) Le 19 [octobre 1661] sur les 8 heures du matin ils [les voyageurs] sortirent de Lyon, dom Vaussin monta seul dans la litière, un autre difficilement aurait pu y tenir avec lui, si puissant il était. Son frère le jésuite, son secrétaire, le chirurgien, le cuisinier montèrent à cheval et le cinquième fut pour les laquais qui devaient alternativement marcher à pied à la portière de la litière ; pour dom Jornet, il s’en retourna à Cîteaux.
Étant hors de la ville, dom François Payet prieur de Bonnevaux en Dauphiné se présenta à dom Vaussin qui le renvoya sur ses pas chercher ce qui lui était nécessaire pour le voyage de Rome, lui ordonnant de venir le joindre le lendemain 20 à la couchée au Pont-de-Beauvoisin. (f. 358v) Le 21, ils furent dîner à Aiguebelle où dom Vaussin fit marché pour se faire porter, moyennant deux pistoles, pour monter et descendre la haute et rapide montagne de ce lieu[2]. Ce n’était pas trop payer la fatigue que dut causer un si pesant fardeau. Les autres montèrent et descendirent comme ils purent, tantôt à pied, tantôt à cheval. La litière même fut portée par les hommes aux frais cependant du voiturier, ainsi qu’on en était convenu avec lui à Lyon, et ce jour ils furent coucher à Chambéry.
Le 22, ils arrivèrent pour dîner à l’abbaye du Betton[3] où sont des religieuses de l’Ordre de Cîteaux. Le baron de Somont[4] y vint joindre dom Vaussin qu’il voulut absolument accompagner jusqu’à Turin. Le lendemain 23 on fut dîner au bourg de La Chambre où se rencontrèrent les évêques d’Évreux et de Soissons qui allaient aussi à Rome solliciter la canonisation du bienheureux François de Sales et tous furent coucher à Saint-Jean de Maurienne où l’évêque donna à manger à ses deux confrères et à dom Vaussin et les coucha tous trois dans son palais épiscopal. Ils traversèrent (f. 359) ce jour-là plusieurs fois la rivière d’Isère[5]  et descendirent dans la vallée par de très dangereux chemins, pratiqués dans les montagnes où on ne trouve que des précipices et des rochers à perte de vue.
Le 24, ils furent dîner au petit bourg de Saint-André où ils rencontrèrent l’évêque de Béziers retournant de Florence où il avait accompagné la princesse, fille aînée du second lit de Gaston de France, mariée au fils aîné du grand duc de Toscane. La couchée fut au bourg de Bramans.
Le lendemain 25, ils arrivèrent à Lanslebourg pour dîner, ce lieu est au pied du Mont-Cenis. Dom Vaussin se fit porter par huit hommes à la montée et à la descente de cette rude et haute montagne, moyennant cinq pistoles, au-dessus de laquelle ils trouvèrent une plaine de près d’une lieue, ce fut là qu’ils trouvèrent le nouvel évêque de Genève qui venait de se faire sacrer et retournait à Annecy. Ensuite ils descendirent le Mont-Cenis et couchèrent à [l’abbaye de] La Novalèse d’où ils furent dîner le 26, au bourg de Beausoleil et coucher à Saint-Ambroise.

Le voyage de dom Vaussin de Dijon à Rome en 1661



[1] - Voir une copie du carnet de voyage vraiment long de dom Vaussin dans la Bibliothèque Municipale de Dijon, ms 2683 (Allemagne, par François du Chemin en 1654) et ms 2684 (Italie, en 1661), tous les deux comprennent en tout 934 pages. [Note de Louis J. Lekaï, page 214]

[2] - Le passage des Échelles. Les voyageurs empruntent la route ordinaire entre Lyon et Turin. Le TGV au 3ème millénaire a toujours les mêmes obstacles à franchir.

[3] - Abbaye fondée vers 1150, par saint Pierre de Tarentaise, fondateur et premier abbé de Tamié puis archevêque de Tarentaise. Cette abbaye se trouve à une vingtaine de km de Tamié, dans la vallée du Gelon qui débouche vers le confluent de l’Arc et de l’Isère.

[4] - Dom Jean-Antoine de la Forest de Somont, abbé de Tamié de 1659-1701. Il avait été nommé par le duc de Savoie résidant à Turin. L’abbé de Tamié devait fréquemment se rendre en Italie pour des quuestions administratives, puisque la Savoie dépendait du gouvernement de Turin.

[5] - En réalité l’Arc qui coule en Maurienne alors que l’Isère coule en Tarentaise.