Homélie TO 24 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 24

Par Frère Patrice

croix d’anne teissé


24ème dimanche du Temps ordinaire


1ère lecture : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient » (Is 50, 5-9a) Lecture du livre du prophète Isaïe Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?


Psaume : Ps 114 (116 A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort, 
gardé mes yeux des larmes
et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

2ème lecture : « La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 14-18)   Lecture de la lettre de saint Jacques   Mes frères, mes soeurs si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi.

 

 « Tu es le Christ… Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup » (Mc 8, 27-35)

Alléluia. Alléluia. Que la croix du Seigneur soit ma seule fierté ! Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »

Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.

 Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

© AELF - Paris 2013

Homélie

Vous décrochez le téléphone et vous entendez une voix qui vous dit « devines qui t’appelle ? ». Vous bafouillez un peu, vexé de ne pas reconnaitre de suite la voix de votre interlocuteur qui insiste et vous dit «  pourtant tu me connais bien ! » Alors vous vous perdez en conjecture, en noms de toute sorte. Jusqu’au moment où vous trouvez le bon nom.

Hé bien, l’évangile de ce matin, c’est un peu ça ! Jésus nous pose à chacun la question est-ce que tu me reconnais et pour toi qui suis-je ? Et nous voilà bien pris au dépourvu. Et si ce n’était pas aussi seulement Jésus qui nous pose cette question, mais aussi des gens que nous rencontrons et que nous côtoyons et qui nous demandent « mais qui est ce Jésus que tu fréquentes » ?

Une possibilité : celle de rester muets, bien embarrassés pour dire des mots justes…peut-être parce que nous n’avons jamais réfléchi à cette question et ne nous la sommes jamais vraiment posée. On ne peut parler de quelqu’un si on ne l’a pas connu, fréquenté.

Peut-être aussi parce que nous nous souvenons des paroles d’un vieil aumônier qui donnait ce conseil à une équipe de chrétiens engagés dans les milieux défavorisés « Ne parlez jamais de Dieu, autrement vous l’abîmerez » et il ajoutait « portez Dieu en vous ; portez le dans votre charité, dans votre respect, dans votre service, mais n’en parlez pas. Autrement vous l’abimerez ».

Et Benoît XVI dans son encyclique sur l’amour disait «  le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu, et quand il est juste de se taire et de ne laisser parler que l’amour ».

Et puis c’est d’autant moins facile de dire qui est Jésus ou qui est Dieu pour nous qu’il y a un très beau passage de la bible. Dans le livre de la Genèse, Jacob, une nuit, se bat avec un inconnu qui lui barre le passage pour rejoindre toute sa famille. Et à l’aurore, épuisé par le combat, il demande à l’inconnu (qui n’est autre qu’un ange de Dieu) « mais dis-moi ton nom ! » Et pour toute réponse il reçoit une bénédiction. Alors, si Dieu même ne veut pas nous dire qui il est !

Mais, de ce combat qui symbolise la recherche de Dieu, Jacob ressort blessé et changé de nom.

Là nous rejoignons un autre aspect de notre évangile.

A propos de ce passage de la Genèse, Charles Péguy raconte l’histoire d’un homme qui arrive au ciel. Et l’ange qui garde la porte lui demande  « montre-moi tes blessures ». L’homme répond « Mes blessures ? Je n’ai pas de blessures ». Alors l’ange lui dit « tu n’as jamais rien trouvé qui vaille la peine de te battre ? ».

Suivre Jésus, suivre Dieu n’est pas un chemin de tout repos. Jésus lui-même nous le dit « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix ».

Vous le savez bien, vous qui êtes mariés, vous qui êtes engagés dans des associations, vous qui avez un patron, vous qui avez décidé de suivre jésus : il y a toujours un renoncement à faire, un combat à mener.  Une jeune cousine qui venait de se marier me confiait un jour « tu ne sais pas ce que c’est que d’abandonner sa liberté pour suivre un homme qu’on a choisi comme époux ». Mais pourquoi ce renoncement ? En fait Jésus veut nous dire qu’il n’y a pas de vie réussie si on vit replié sur soi-même, mais que nous avons besoin de nous tourner vers l’autre, de le rencontrer, pour devenir humains. Nous savons très bien que nous n’existons vraiment que si nous cessons d’être esclaves de notre tempérament, de notre droit.  Jésus nous parle de sauver nos vies. Qu’est-ce que cela veut dire sinon d’accepter d’entrer dans un cheminement, dans une relation que nous ne maitrisons pas mais qui sauve la valeur de nos vies. Sauver sa vie c’est lui donner un sens. Sauver sa vie, c’est accepter de renoncer à ce qui n’est pas l’essentiel, de combattre et d’être blessé.

Alors pour comprendre Jésus Christ, pour pouvoir dire qui il est, il n’y a qu’une seule manière, c’est de le vivre. Dire que Jésus Christ est Dieu ou n’est pas Dieu, qu’est-ce que cela peut faire ? On jongle avec les mots. Pour atteindre Jésus Christ, il faut se dépouiller de soi-même ; il faut entrer dans cette pauvreté où l’on découvre Dieu, dans cette prière où il nous parle et où nous lui parlons de cœur à cœur et sans les mots. Alors, comme Jacob après son combat avec l’ange, nous sortirons blessés, bien sûr, mais transformés, transfigurés.